5 auteurs indispensables sur la mondialisation

« International trade and technical change« , Michael Posner, 1961

Dans un article publié en 1961, « International trade and technical change« , Michael Posner pose comme hypothèse que c’est l’écart technologique entre les pays qui explique la nature des échanges commerciaux. Cet écart traduit la différence entre les fonctions de production des firmes installées dans le pays leader et celles des firmes installées dans les pays avec lesquels celui-ci commerce. Le pays leader est celui dans lequel les innovations apparaissent, conférant aux firmes de ce territoire un avantage temporaire leur permettant dexporter les produits intensifs en technologie. Dans ce modèle, la spécialisation factorielle prend sa source dans les stratégies innovantes des firmes. Lorsqu’une innovation réussit, un nouveau flux de commerce international inter-branche apparait qui s’estompe dès lors que les firmes concurrentes entrent en phase d’imitation. Outre sa validité empirique pour l’époque (les États-Unis sont l’exemple emblématique du pays leader abritant les firmes innovantes après 1945), la pertinence de cette approche tient au fait que c’est l’une des premières à proposer une explication des origines des avantages comparatifs : plus un pays dispose de firmes innovantes, plus la probabilité dun écart technologique important et renouvelé est forte ce qui de proche en proche renforce les avantages comparatifs de ce pays.Cette analyse est complétée par les travaux de Robert Vernon en 1966 qui s’appuient sur l’hypothèse de cycle de vie du produit.

Démondialisation, idées pour une nouvelle économie mondiale, Walden Bello, 2011

Pour Walden Bello, dans la Démondialisation, idées pour une nouvelle économie mondiale, la démondialisation n’est pas un retrait de la communauté mondiale mais un modèle alternatif à celui de l’OMC, « Il s’agit de réorienter les économies, de la priorité à la production pour l’exportation, à celle pour la production destinée aux marchés locaux ». Mais, toujours selon l’auteur, la démondialisation serait également favorable aux pays du nord, en proie au Dumping Social. La dérèglementation des échanges et de la finance conduisant à une mise en concurrence des salariés au niveau mondial, les pays industrialisés subiraient une pression à la baisse sur les salaires et un phénomène de délocalisation vers les pays émergents où la main d’œuvre est à bas coût. La démondialisation se construit donc sur une critique ferme du libre échange et de la dérèglementation financière, coupable selon ses détracteurs de porter atteinte aux droits sociaux et à l’environnement. Il plaide pour une évolution vers un système de gouvernance économique « globale », décentralisée et pluraliste. Qui permettrait à chaque pays de suivre des stratégies de développement adaptées à son économie, à ses structures et à ses valeurs. Elle s’attache à dénoncer le mythe d’une mondialisation « heureuse », qui aurait permis le développement des pays du sud.

Nations et Mondialisations, Dani Rodrik, 2013

Dans Nations et Mondialisations publié en 2013, Dani Rodrik se penche sur le cas indien, avec une croissance mole jusqu’aux années 80, application du consensus de Washington puis décollage manifeste dans les années 90. Pourtant Rodrik livre une autre analyse que la lecture traditionnelle qui voit dans le consensus de Washington le cause de ce miracle économique. Pour lui, en effet, tout se joue au début des années 80, et non au début des années 90. Dans cette période, le gouvernement indien choisit une orientation non pas pro-marché, mais pro-business : « la première vise à supprimer les obstacles aux marchés à travers la libéralisation de l’économie. Elle privilégie les nouveaux entrants et les consommateurs. La seconde vise à accroître la rentabilité des établissements industriels et commerciaux existants. Elle tend à favoriser les entreprises et les producteurs déjà installés » Même si le gouvernement d’Indira Gandhi tourne alors le dos à une attitude de défiance du Parti du Congrès (d’inspiration socialiste) envers les entreprises, c’est pour mettre en œuvre des politiques contraires aux recommandations libérales. Elles ne relèvent d’ailleurs pas non plus des mécanismes keynésiens. Pour Dani Rodrik, ces politiques consistent à réconcilier le Parti du Congrès avec les milieux économiques, après la victoire du parti Janata dans les années 70, et à créer un lien de confiance nouveau. Elles porteront leurs fruits et contribueront à créer un tissu économique dense, qui saura profiter des mesures d’ouverture dans les années 90

L’Amérique latine se situe à l’opposé de l’Inde. Relativement prospère dans les années 50 et 60, elle ne s’est jamais véritablement remise de la crise de la dette, en 1982. Pourtant, les principales préconisations du consensus de Washington ont été mises en œuvre ! Mais pour Dani Rodrik, il faut lire la crise sud-américaine en termes de confiance. Comme en 1929 aux Etats-Unis, les classes moyennes des pays d’Amérique du Sud craignent, suite à la crise de la dette, une mobilité sociale descendante et une forte perte de revenus. Ils sont demandeurs de protection sociale.

L’avenir de la mondialisation

Ainsi donc, le consensus de Washington, résumé par la formule « stabiliser, libéraliser, privatiser« , n’a pas tenu ses promesses. Dani Rodrik souligne d’ailleurs que tous les pays qui ont tiré leur épingle du jeu de la mondialisation sont ceux qui se sont écartés de ces préconisations pour trouver leur propre chemin. Ainsi, la Chine n’a-t-elle libéralisé qu’à la marge les marchés agricoles, sans remettre en cause la planification. 

Dani Rodrik se garde toutefois de donner des recettes miracles pour assurer le développement économique de n’importe quel pays dans le monde. Sa thèse repose justement sur la nécessité de développer des espaces politiques, aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres, sans lesquels il n’y a pas de développement économique possible

Pour Dani Rodrik, ne pas voir les limites actuelles de la mondialisation peut conduire à un retour rapide du protectionnisme. Les Etats occidentaux semblent d’ailleurs en montrer parfois la tentation. Or, cet économiste est un fervent défenseur de la mondialisation, qu’il considère comme une source irremplaçable de création de richesses et de développement économique. Mais il souhaite, selon son expression, la « sauver de ses propres partisans », en posant les éléments d’un diagnostic lucide des préconisations internationales de ces vingt dernières années et en tentant de concilier mondialisation et espace politique. L’heure n’est plus, selon lui, à toujours plus d’ouverture des marchés, qui n’apporteraient pas grand-chose en termes de croissance économique. Il suggère plutôt des négociations à l’OMC sur une boîte à outils que les Etats pourraient mettre en œuvre, sans tourner le dos à la mondialisation mais en augmentant leurs marges de manœuvre nationales pour mieux prendre en compte le contexte économique propre à chaque pays.

 

Notre Première Mondialisation : Les leçons d’un échec oublié, Suzanne Berger, 2003

Suzanne BERGER a écrit Notre Première Mondialisation : Les leçons d’un échec oublié. Elle se demande si la mondialisation est un phénomène réversible. Elle répond positivement. Ainsi après 1914, on assiste notamment à un retour en arrière de la mondialisation financière : il a fallu attendre 1980 pour retrouver le même niveau de capitaux mondiaux qu’en 1914. La mondialisation financière d’alors est analogue à celle que nous connaissons. Berger appuie sa thèse sur des données : entre 1887 et 1913, 10% du PIB qui sort chaque année de Grande-Bretagne sous forme de capitaux et pour la France 3,5% de leur PIB chaque année. Elle a montré, que les économies européennes dominantes entre 1850 et 1914, étaient aussi ouvertes sur le plan commercial et sur le plan financier que les pays développés en 1990. Avant 1850 la mondialisation est trop faible pour Suzanne Berger, de ce fait elle préfère parler d’INTERNATIONALISATION.  

Elle parle également des méfaits de la mondialisation en prenant l’exemple d’une entreprise de coton italienne qui a délocalisé vers l’Inde et qui l’a regretté et a relocalisé. La délocalisation s’expliquait par les salaires : l’ouvrier italien (2300$ / mois) l’ouvrier indien (70$ / mois) le coût de la main d’œuvre représentait 25% du prix de vente pour l’italien et 5% pour l’indien.  La relocalisation s’est expliquée : Il a dû importer toutes ses machines en Inde (coûte cher) ; contrôle de la qualité ; productivité plus faible en Inde. Pour chaque mètre de tissus ça lui coûtait 2x plus en Inde qu’en Italie. Il faut prendre en considération les coûts complets par unité produite.

 

Geography and trade, P. Krugman, 1991

P. Krugman (Geography and trade, 1991) développe un modèle qui s’inscrit dans le cadre de la nouvelle économie géographique. Il montre qu’il existe des économies d’échelle qui sont imputables à l’environnement géographique et institutionnel de la firme et non à des bouleversements organisationnels internes. Ces économies d’échelle découlent d’externalités positives qui sont elles-mêmes consécutives à l’agglomération des activités économiques sur un même territoire (on parle d’économies dagglomération marshalliennes). Dans ses Principes d’économie (1890), Marshall distingue trois catégories d’externalités positives liées à l’espace.En premier lieu, il existe une externalité liée au volume et à la qualité de la demande à laquelle sadressent les firmes du territoire (réduction des coûts de transport du fait de la proximité entre les fournisseurs et les clients et du fait de la qualité des infrastructures de transports, présence d’un réseau de sous-traitants spécialisés). En deuxième lieu, il existe une externalité liée à lampleur et à la diversité du marché du travail (« épaisseur du marché du travail ») qui fournit aux firmes du territoire une main d’œuvre qualifiée correspondant à leurs besoins grâce par exemple à la présence de centres universitaires de pointe. Enfin, l’agglomération des activités produit une externalité liée à l’échange d’informations et de savoir (c’est l’effet de débordement dit « spillover ») entre les firmes du territoire. Reprenant cette typologie, Krugman montre que ces économies dagglomération génèrent des avantages sensiblement supérieurs aux coûts qui leurs sont associés

Damien Copitet

Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref

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