Cet article est le cinquième et dernier d’une série d’étude de cinq citations philosophiques aléatoires par semaine. Celles-ci sont choisies selon divers critères. Elles peuvent être méconnues et donc permettre de se démarquer aux concours. Certaines sont intéressantes et méritent un approfondissement. Enfin, d’autres se prêtent à des erreurs d’interprétation qu’il convient de rectifier.
“L’opinion publique tend donc à devenir de plus en plus le régulateur suprême de la politique.” Le Bon
Cette citation est issue du livre “Psychologie des foules (1895). Dans cet ouvrage, Le Bon expose sa théorie selon laquelle les individus, lorsqu’ils se regroupent en foules, perdent leur individualité et leur rationalité. Ils sont alors soumis à une pensée collective irrationnelle.
Le Bon explique que l’opinion publique est influencée par les émotions et les préjugés. Celle-ci peut dès lors être manipulée par certains individus ou groupes. Selon lui, l’opinion publique est devenue un pouvoir incontournable dans la politique moderne. Il est devenu “le régulateur suprême de la politique.”
Pour aller dans le détail, Le Bon distingue les croyances fixes, immuables, et la couche d’opinions, d’idées, qui naissent et meurent constamment. Celles-ci se forment à partir de la suggestion et de la contagion. Elles sont toujours momentanées. Le Bon met en fait en lumière l’opinion mobile des foules, plus grande que jamais à l’époque moderne.
En effet, les anciennes croyances et valeurs ont perdu de leur puissance et n’agissent comme jadis. Elles laissent place à une foule d’opinions sans passé ni avenir. La puissance des foules trouve alors de moins en moins de contrepoids. La presse elle-même en vient à suivre l’opinion publique, à des fins lucratives.
Il en résulte donc l’impuissance des gouvernements à diriger l’opinion. “Jadis, […] l’action des gouvernements, l’influence de quelques écrivains et d’un petit nombre de journaux constituaient les vrais régulateurs de l’opinion. Aujourd’hui les écrivains ont perdu toute influence et les journaux ne font plus que refléter l’opinion publique.”
La presse en est ainsi réduite à n’être qu’une simple agence d’information. “Epier l’opinion est devenu aujourd’hui la préoccupation essentielle de la presse et des gouvernements.” Cette absence totale de direction de l’opinion a eu pour résultat un émiettement complet de toutes les convictions (à l’exemple des régimes totalitaires).
“Le mensonge est la fuite intérieure, l’abandon de poste, l’opium du moindre effort.” Jankélévitch
Cette citation est extraite de l’ouvrage “Les Vertus et l’Amour” (1949). Vladimir Jankélévitch aborde la question de la responsabilité morale et des choix individuels. Il analyse notamment le mensonge sous toutes ses formes. Cette citation suggère que mentir est une forme de lâcheté, une fuite face aux conséquences de ses actes. C’est un refus d’assumer la vérité. Cela est d’autant plus lâche qu’un mensonge en appelle d’autres et que, tôt ou tard, la vérité finit par être découverte. Selon Jankélévitch, mentir est donc une solution de facilité, une manière d’éviter l’affrontement avec la réalité.
Ainsi pour Jankélévitch, le mensonge est une “assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l’intention de tromper.” Mentir revient à dire le faux par habitude de malveillance. Le mensonge intègre ici non seulement l’acte mais également la volonté trompeuse dans l’acte même. Il n’y a de mensonges que volontairement. De ce fait, le mensonge est toujours négatif, il est un abus de confiance.
Par ailleurs, Jankélévitch considère que c’est également en raison d’un manque d’amour, de confiance en soi, que le menteur en vient à ces extrémités. Le mensonge par amour apparaît comme le seul légitime qui soit, le seul qui ne soit pas lâche, car motivé par une noble cause.
“Les hommes sont tous des êtres conditionnés.” Arendt
Cette citation provient du livre “Condition de l’homme moderne” (1958). Dans cet ouvrage, Arendt analyse les différentes formes de conditionnement que subit l’homme moderne dans les sociétés contemporaines. Arendt pointe notamment les effets de la bureaucratie et de la société de consommation sur celui-ci.
La philosophe allemande montre alors comment ces formes de conditionnement réduisent l’individu à un simple rouage du système. Elles rendent l’individu incapable de penser par lui-même, de se libérer des forces qui l’oppriment. Elle le condamne à une vie d’obéissance aveugle.
Cette citation souligne donc l’idée que les individus sont influencés et façonnés par leur environnement social, politique et culturel. Ils ont besoin d’une prise de conscience pour s’en affranchir. C’est donc une vision constructiviste qui se présente ici. Cette idée est également centrale dans la réflexion d’Arendt sur le totalitarisme.
En effet, “c’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal” écrit Arendt. Priver les hommes de leur faculté de penser peut logiquement mener au risque totalitaire. Selon elle, le totalitarisme cherche avant tout à manipuler et contrôler l’ensemble de la société. Pour cela, elle conditionne l’individu à travers la propagande, la terreur et l’utilisation de la violence.
Le totalitarisme cherche ainsi à imposer une idéologie unique et à effacer les différences individuelles en vue de créer un homme nouveau, formaté. Dans ce contexte, la capacité à penser par soi-même et à s’opposer à l’oppression est considérée comme une menace à éradiquer. Cette citation souligne donc l’importance de préserver la liberté de pensée et la capacité à agir de manière autonome face aux conditionnements sociaux et politiques.
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“On ne désire pas les choses parce qu’elles sont belles, mais c’est parce qu’elles sont belles qu’on les désire.” Spinoza
Cette citation est extraite de “Éthique” (1677). Dans cette œuvre complexe, Spinoza explore la nature de la réalité et de la connaissance humaine. Cette citation met en lumière la question de la relation entre l’attraction et la beauté. Spinoza suggère que notre désir pour les choses ne provient pas de leur utilité ou de leur fonction. Au contraire, ce désir provient de leur apparence ou de leur beauté à nos yeux.
En d’autres termes, nous sommes attirés par les choses parce qu’elles sont belles, et non pour leur valeur pratique. Cela suggère que notre perception de la beauté et de l’esthétique joue un rôle important dans la formation de nos désirs et de nos préférences, et que la beauté est un aspect important de notre expérience du monde.
Le désir dans la théorie spinoziste
On peut lier cette citation à la théorie spinoziste de la connaissance sensible. En effet, elle affirme que nous pouvons connaître la réalité à travers nos sens et nos émotions. Pour Spinoza, la beauté est une qualité qui peut être perçue à travers nos sens et qui éveille en nous une émotion esthétique.
C’est ainsi que nous pouvons avoir une connaissance sensible de la beauté. Cette citation doit aussi être liée à la notion de désir chez Spinoza. Selon lui, le désir est la tendance à persévérer dans son être. Cela consiste en la conservation ou l’augmentation de notre puissance d’action. Ainsi, la beauté peut être considérée comme une source de plaisir et de joie, qui stimule notre désir de persévérer dans l’existence.
En résumé, cette citation met en avant le rôle de la beauté dans notre vie, en tant que source de désir. On pourrait lui objecter que le désir précède la perception de la beauté et que c’est le désir qui crée la beauté. Toutefois, Spinoza cherche ici à souligner que la beauté est une qualité objective des choses. Pour cette raison, nous désirons les choses parce qu’elles sont belles. C’est la beauté qui suscite le désir, et non l’inverse.
“Il faut avoir une musique en soi pour faire danser le monde.” Nietzsche
Cette citation est extraite de “Ainsi parlait Zarathoustra” (1883). Nietzsche y explore la notion de surhumanité, en proposant un modèle de vie alternatif basé sur la volonté de puissance et la libération de soi. Cette citation est tirée du chapitre “De la vision et de l’énigme”.
Dans celui-ci, Zarathoustra, le personnage principal, exprime sa vision du monde et de la vie à travers sa parole poétique et métaphorique. Il explique que pour avoir un impact sur le monde, il faut être capable de créer une musique en soi. Cette musique désigne une harmonie intérieure qui se manifeste à l’extérieur et attire les autres. La musique renvoie également chez Nietzsche à la création de valeurs nouvelles et donc la construction du surhumain.
Nietzsche soutient que cette musique est nécessaire pour inspirer les autres et pour les amener à danser avec vous dans la vie. En résumé, cette citation de Nietzsche encourage les individus à cultiver leur propre musique intérieure, leur propre harmonie personnelle, pour devenir des forces positives dans le monde, capables d’inspirer et de faire danser les autres avec eux.