En 1979, Anouar El Sadate déclare que “le seul facteur qui pourrait conduire à nouveau l’Egypte à entrer en guerre est l’eau”. L’eau est en effet une ressource indispensable. On dénombre de nombreuses tentatives pour essayer de la catégoriser comme un bien commun et une ressource universelle gratuite. Cependant, elle est source de conflits. De fait, il s’agit d’une ressource abondante, mais qui est répartie de manière inégale. C’est donc une ressource clé lorsque l’on s’intéresse aux dynamiques géopolitiques du monde contemporain.
Voici quelques références essentielles à connaître sur le sujet !
“Pour une histoire des services d’eau et d’assainissement en Europe et en Amérique du Nord”, Bernard Barraqué, 2014
Dans cet article, Bernard Barraqué décrit trois étapes dans le développement de l’industrie hydrique. Au XIXe siècle, la gestion de l’eau se faisait de manière quantitative. Ceci signifie que le génie civil et les connaissances en ingénierie étaient mises à profit pour la recherche de grande quantité d’eau. L’eau pouvait être prélevée de sources éloignées, pour en avoir le plus possible.
Au XXe siècle, la focalisation s’est faite sur la qualité de l’eau. En effet, on a assisté à une gestion plutôt qualitative, qui privilégiait les préoccupations sanitaires plutôt que quantitatives dans l’approvisionnement en eau.
Finalement, au XXIe siècle, Barraqué parle d’une gestion patrimoniale. L’ingénierie environnementale joue un grand rôle, en essayant de trouver une répartition équitable de cette ressource. De plus, le paradoxe a changé : on est passé d’une logique d’offre à une logique de gestion de la demande. Cette rationalisation de la demande vise à éviter le gaspillage de l’eau.
Le despotisme oriental, Karl Wittfogel, 1957
Dans cet ouvrage, Karl Wittfogel décrit l’organisation des civilisations orientales. Il précise que la mobilisation de l’eau joue un rôle crucial, notamment au sein des régimes autoritaires. En effet, il est possible de remarquer un lien entre le développement d’une bureaucratie et le contrôle de l’eau.
Par exemple, l’Etat égyptien s’appuyait sur une économie agricole, qui nécessitait des travaux d’irrigation. La mise en place des infrastructures indispensables à ces travaux ont tendance à contribuer à la création d’une bureaucratie. Cette dernière est au service du pouvoir despotique. Les fonctionnaires qui y sont employés sont soumis à cette hiérarchie. Ceci permet de maintenir le pouvoir en place. Un régime autoritaire peut donc s’appuyer sur la gestion de l’eau pour augmenter sa puissance et sa légitimité.
Le partage de l’eau, une réflexion géopolitique, A. Brun et F. Lasserre, 2018
Cet essai explore les dynamiques des conflits liés à l’eau. Les deux auteurs exposent la thèse selon laquelle il n’existe pas de guerre de l’eau. En effet, l’eau peut être un catalyseur de tensions, mais elle ne sera jamais la raison principale pour laquelle éclate une guerre. Il s’agit d’une ressource trop précieuse et essentielle pour les Etats. Il est donc trop risqué de se disputer pour l’eau, en sachant que le perdant du conflit pourrait en être privé. De plus, les auteurs soulignent que, de par sa forme, elle n’est pas aussi maîtrisable, et donc accaparable que d’autres ressources, comme les minerais.
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“La géopolitique de l’eau au Moyen-Orient ; guerre improbable, paix impossible”, Alain Clément, 2010
Dans cet article, Alain Clément analyse la question de l’eau au Moyen-Orient. Il remarque que dans la région, le nombre de conflits liés à l’eau est limité. Ils sont souvent ponctuels et de faible intensité.
Cette région est également marquée par une forte insuffisance en eau. En effet, la région ne possède que 1 % des ressources mondiales en eau pour 7 % de la population mondiale. Cependant, les autorités ne tendent pas vers une distribution plus égalitaire de la ressource. Au contraire, la raréfaction de l’eau va devenir un argument pour légitimer la privatisation de la production et de la distribution. Ceci va donc mener à la concentration de la ressource dans les mains d’une partie privilégiée de la population.
Le paradoxe va même plus loin : malgré la rareté de l’eau, cette dernière est souvent gaspillée. De fait, les Etats privilégient des politiques court-termistes et ne semblent pas réagir face à la gravité de la situation. Par exemple, l’Arabie Saoudite ponctionne des réserves d’eau fossile afin d’irriguer des plantations de blé dans le désert. Or, ce modèle agricole n’est pas viable sur le long terme, alors que les ressources en eau utilisées sont colossales.
Le Moyen-Orient se caractérise donc par une forte inégalité dans la distribution en eau et une gestion paradoxale et parfois incohérente de cette ressource.
L’eau, source de menaces, Barah Mikaïl, 2008
Barah Mikhaïl avance une idée fondamentale, soit le fait que l’eau ne doit pas juste être disponible, mais elle doit aussi être propre à la consommation. Le défi d’assainissement d’eau est donc de la plus grande importance, afin d’assurer un accès équitable à cette ressource.
Mikhaïl propose de privilégier le recyclage des eaux usées, plutôt que de chercher de nouvelles sources d’approvisionnement. Cependant, il souligne que le dispositif est coûteux à mettre en place dans les pays en développement. De plus, les pays développés qui possèdent cette technologie n’assurent pas le recyclage complet des eaux.
Selon l’essayiste, les Etats devraient rester maîtres de leurs ressources hydriques. Néanmoins, en cas de nécessité, il peut toujours être utile de faire appel à des firmes privées afin de les gérer.
L’auteur déplore également le fait que les problèmes liés à l’eau ont été identifiés depuis longtemps, mais que les solutions tardent à se concrétiser. Il parle d’une “bombe hydraulique planétaire” qui “guette l’humanité”.
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