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Le Soudan: un pays marqué par les crises

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La guerre civile qui a éclaté en avril 2023 au Soudan continue de faire rage. Ce conflit, bien qu’il ait déjà fait 15 000 morts et forcé 8 millions de civils à fuir le pays, reste peu médiatisé et bien souvent incompris. Revenons donc sur les raisons qui ont mené jusqu’à ce conflit pour mieux comprendre la complexité de la crise soudanaise.

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Retour sur l’histoire du Soudan

Au XIX° siècle, le Soudan est passé sous contrôle Egyptien puis britannique et ne deviendra indépendant qu’en 1956. À ce moment-là, le Soudan regroupe les territoires actuels du Soudan du Sud et du Soudan (Nord). Il s’agit d’un pays marqué par la diversité culturelle et religieuse découpé en plusieurs communautés avec majoritairement les Arabo-musulmans au Nord du pays et la population Noire chrétienne au Sud. Les tensions sont donc déjà présentes dès l’indépendance. Ainsi, dès 1956 un groupe de rebelles du Sud réclame l’indépendance, ce qui entraine une violente guerre civile jusqu’en 1972, date de la signature d’un Traité de Paix qui accorde l’autonomie au Soudan du Sud.

Entre 1983 et 2005 s’ensuit une deuxième guerre civile après que le Président, Gaafar Nimeiry ait introduit des principes de la charia, violemment contestés par les populations non-musulmanes du Sud. La déclaration de la fin de l’autonomie du Soudan du Sud a achevé de précipiter le Soudan dans une nouvelle crise faisant des milliers de morts.

En 2005, un traité met fin aux affrontements et restaure l’autonomie du Soudan du Sud jusqu’en 2011 avant l’organisation d’un référendum pour l’indépendance. Ce dernier est très largement adopté puisque plus de 98% de la population vote oui pour l’indépendance.

Conséquences économiques de l’indépendance du Soudan du Sud

L’indépendance du Soudan du Sud représente une perte économique importante pour le gouvernement de Khartoum. L’exploitation pétrolière est un pilier de l’économie soudanaise, représentant 73% des revenus d’exportation. L’indépendance marque donc un manque à gagner considérable pour le Soudan qui voit ses recettes diminuer puisque le Soudan du Sud détient 75% des réserves de pétrole. Le sous-sol soudanais regorge également de minerais comme l’uranium, le cuivre, le zinc, le plomb, le chrome ou encore l’or, dont les gisements sont localisés en partie dans le Sud. Le Soudan est d’ailleurs le 3° producteur d’or d’Afrique avec plus de 76 tonnes extraites en 2019 selon le World Gold Council, majoritairement à destination des pays du Golfe.

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Des conflits qui se poursuivent

Malgré l’indépendance du Soudan du Sud, ce territoire demeure composite, faisant cohabiter plusieurs communautés  qui se disputent le pouvoir. Ainsi une guerre civile est déclarée en 2013 entre les populations  Dinka et Nuers. Celle-ci se poursuit jusqu’en 2020.

En parallèle un violent conflit éclate au Darfour. Le Darfour est une région qui se situe à l’Ouest du territoire soudanais, stratégique car elle regorge de ressources pétrolières et aurifères et représente un poids important dans l’agriculture, un secteur clé pour le pays. En effet, le secteur de l’agriculture représente  95% des exportations, 2/3 des emplois et contribue pour 1/3 du PIB du pays.

Origine du conflit au Darfour

Le conflit au Darfour, avant d’être politique, est économique et conjoncturel. Il est lié aux épisodes d’importantes sécheresses dans la région qui ont poussé des milliers d’agriculteurs arabes du Nord à s’établir au Darfour. Ces mouvements migratoires internes ont mené à des tensions avec les populations non arabes du Darfour. L’Armée de libération du Soudan et le Mouvement pour la justice et l’égalité affrontent le groupe armé des janjawids soutenu par Khartoum afin d’obtenir l’indépendance du Darfour.

 Le conflit, qui s’est terminé en 2020, aurait fait entre 130 000 et 400 000 morts en fonction des différentes sources.

Le conflit actuel : le résultat de l’instabilité politique

En 2019, Omar Bashir, qui lui-même avait pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1989 et dirigeait le Soudan depuis, est destitué par l’Armée. Un conseil de transition est alors mis en place avant l’organisation d’élections démocratiques. Cependant, celui-ci est renversé par le général Al-Burhan qui s’empare du pouvoir.

Son gouvernement est contesté en 2023 lorsque le pays replonge dans une nouvelle guerre civile qui oppose d’une part l’Armée régulière d’Al-Burhan et les Forces de Soutien Rapide dirigées par Hemetti.

Aujourd’hui, après plus d’un an de combats, les Forces de Soutien Rapide ont l’avantage et contrôlent la région du Darfour ainsi que la capitale, Khartoum, forçant le gouvernement d’Al-Burhan à se déplacer à Port-Soudan.

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Un conflit d’une ampleur régionale

La guerre civile en cours au Soudan dépasse les frontières du pays, les  deux camps cherchant un soutien à l’étranger. Al-Burhan est soutenu par l’Egypte d’Al-Sissi, l’Iran, la Turquie et l’Arabie Saoudite tandis qu’Hemetti est soutenu par les Emirats Arabes Unis et la Russie à travers la milice Wagner.

Les conséquences humanitaires du conflit

Si le conflit est très peu couvert par les médias, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, l’UNHCR a qualifié le conflit au Soudan de crise humanitaire. En effet, 25,6 millions de personnes sont confrontées à une faim aiguë dont plus de 750 000 sont au bord de la famine. Antonio Guterres, le Secrétaire Général des Nations Unies a même déclaré qu’il s’agissait de la pire crise humanitaire au monde.

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Coralie Vacher