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La croissance économique : 5 auteurs pour se distinguer #2

Sommaire
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Suite de cette série consacrée aux auteurs pertinents afin de se distinguer sur un sujet sur la croissance économique, qui pour rappel est un grand classique des concours où il reste assez difficile de se démarquer des autres candidats. Découvre donc dans cette article une nouvelle liste de 5 auteurs à mobiliser dans un sujet sur la croissance !

 

Si tu as loupé le premier article de cette série, tu peux le lire ici : La croissance économique : 5 auteurs pour se distinguer #1

 

Moses Abramovitz : Le progrès technique, une « mesure de notre ignorance » ?

D’après Moses Abramovitz, le progrès technique est une « mesure de notre ignorance ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Pour contextualiser ces mots, il faut rappeler que Moses Abramovitz est un économiste du XXème siècle. Ce fait n’est pas sans importance : il a ainsi traversé tous les débats concernant les sources de la croissance économique qui ont eu lieu durant cette période, notamment au milieu du XXème siècle lorsque des économistes comme Robert Solow écrivent sur les causes de la croissance. Ce dernier montre qu’il existe en fait une part inexpliquée de la croissance qui correspond au progrès technique. Mais ce progrès technique est un résidu, on ne sait pas d’où il provient réellement, telle une manne tombée du ciel. La part inexpliquée de la croissance fait référence à ce progrès technique résiduel.

Moses Abramovitz prend ainsi part au débat. Il constate, en s’appuyant sur les chiffres des économistes Carré-Dubois et Malinvaud, que la croissance s’explique à 50% par les facteurs de production usuellement connus : le travail et le capital. D’où viennent les 50% restants ? Nous l’ignorons en réalité, puisqu’il s’agit d’un résidu, d’un progrès technique dont on ne sait l’origine. Et donc, puisqu’on ignore totalement cette part inexpliquée de la croissance, Moses Abramovitz interprète le progrès technique non pas comme une mesure de la croissance, mais plus comme une « mesure de notre ignorance ». Le progrès technique reflète notre ignorance concernant les causes de la croissance.

 

Daniel Cohen, Les infortunes de la prospérité, 1994

Dans Les infortunes de la prospérité (1994), ouvrage publié en 1994, Daniel Cohen s’intéresse également au progrès technique. A la fin du XXème siècle, les théories concernant les sources de la croissance sont toujours ouvertes : on passe d’un progrès technique qui serait exogène à un progrès technique dit endogène (Romer, Barro, Lucas…).

Le progrès technique peut-il alors s’expliquer ? Ou est-il inexplicable ? Selon Daniel Cohen, le progrès technique intervenu dans l’Europe post-1945 a une source bien précise : les Etats-Unis.

En effet, il faut savoir que quand un pays est leader dans l’innovation et connaît une avance vis-à-vis des autres pays en termes de progrès technique, ses méthodes sont imitées par les autres pays en rattrapage. C’est d’ailleurs la théorie de Gerschenkron : le rattrapage d’un pays est d’autant plus rapide s’il imite les méthodes du pays leader. Dès lors, le progrès technique permet la croissance des pays en rattrapage à travers l’imitation des méthodes.

A la sortie de la seconde guerre mondiale, nous savons tous que les Etats-Unis sont leader du monde sur tous les plans : économique, militaire, industriel… L’innovation y est nettement plus développée. D’après Daniel Cohen, oui, dans l’Europe post-1945, le progrès technique est bien tombé du ciel… mais ce ciel fut américain ! Le progrès technique en Europe dans la seconde moitié du XXème siècle s’expliquerait tout simplement par une diffusion de celui-ci en provenance des Etats-Unis.

 

Gary Becker, Human Capital, 1964

Dans Human Capital (1964), Gary Becker s’intéresse au concept de capital humain. Si les théoriciens de la croissance endogène estiment que le capital humain, au même titre que les autres formes de capitaux, peut être stimulé grâce à l’Etat, ce qui permet de susciter du progrès technique, la démarche de Gary Becker est totalement différente. Dans cette dernière, le capital humain n’est pas stimulé par une quelconque intervention de l’Etat. Le capital humain et sa capacité à croître dépendent de chaque individu. Gary Becker adopte un raisonnement marginaliste puisqu’il intègre directement le concept capital humain au calcul économique classique.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? D’après Becker, chaque individu va comparer le coût marginal d’une année d’études supplémentaire par rapport au rendement marginal de cette même année d’études, à savoir l’augmentation de salaire que pourrait susciter cette année d’études. Si l’individu estime qu’une année d’études supplémentaire lui sera bénéfique en termes d’augmentation de salaire dans sa vie professionnelle, le rendement marginal d’une année d’études supplémentaire est alors largement positif pour lui, et il sera ainsi incité à continuer ses études. D’où une hausse de son capital humain. Ce dernier est donc déterminé, chez Gary Becker, par la rationalité de l’homoeconomicus.

 

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Easterlin, « La croissance économique améliore-t-elle le sort humain ? », 1974

L’article « La croissance économique améliore-t-elle le sort humain » (1974) met en avant un paradoxe, qu’on nomme le paradoxe d’Easterlin. Ce dernier montre la richesse n’équivaut pas nécessairement au bonheur. Il permet de nous interroger, finalement, sur la nécessité de la croissance.

Dans une étude réalisée entre 1946 et 1970 aux Etats-Unis, Easterlin remarque que le niveau de vie a doublé. Or, le bonheur ressenti par la population est resté stable et n’a pas augmenté. La hausse du revenu ne permet pas le bien-être.

Dès lors, le présupposé de l’opinion commune selon lequel il existe une corrélation entre le PIB et le bien-être s’avère faux. Esterlin nous a montrés que la relation entre le PIB brut par habitant et le bien-être est statistiquement insignifiante. Il rejoint ainsi Eloi Laurent qui, dans Sortir de la croissance. Mode d’emploi (2019), disait que la croissance est « aveugle au bien-être humain ».

 

Michael Boskin : une inflation surestimée, des gains de productivité sous-évalués ?

En 1995, Michael Boskin, professeur aux Etats-Unis, publie un rapport alarmant sur la croissance, et plus précisément sa mesure. Ce rapport peut servir de point de départ afin d’expliquer l’actuelle stagnation séculaire des pays développés puisqu’il pointe la fin d’une relation vertueuse entre innovations, productivité et croissance.

D’après Boskin, le PIB en valeur est correctement évalué. Cependant, les indices de prix surévaluent l’inflation parce qu’ils ne prennent pas suffisamment en compte les effets de l’innovation sur la qualité des produits. Les gains de productivité seraient tout simplement devenus invisibles.

Prenons un exemple : si le prix des voitures augmente de 5% en moyenne, et qu’en même temps, la qualité de celles-ci augmente également de 5%, alors l’inflation devrait être de 0%… et non de 5% ! Or, c’est bien une inflation à 5% qui est prise en compte !

Le rapport Boskin permet ainsi de voir qu’en général, la croissance reste mal mesurée puisque les innovations et les gains de productivité ne sont pas pris en compte ! Finalement, s’il y a actuellement stagnation séculaire, elle ne serait due qu’à un problème de mesure de la croissance et de la productivité.

 

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Rayan Petiteau
Actuellement à l'ESCP après trois années de prépa ECE, dont deux au lycée Saint-Just et une à l'Institution Saint-Jean de Douai, je compte profiter de mon expérience pour aider au mieux les étudiants.