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La croissance économique : 5 auteurs pour se distinguer #3

Sommaire

Troisième et dernier article de cette série sur les théories pertinentes sur la croissance économique à connaître afin de gagner en richesse dans vos références en ESH. On ne répètera jamais assez que ce thème peut tomber chaque année. Découvre donc 5 auteurs supplémentaires sur celui-ci afin de te perfectionner !

 

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John Stuart-Mill, Principes d’économie politique, 1848

Dans ses connus Principes d’économie politique (1848), John-Stuart tient une position originale sur le risque d’état stationnaire. Rappelons que cette théorie, développée par Ricardo et sa loi des rendements décroissants, soutient que la croissance économique sera nulle à long terme… ce qui est la crainte d’un grand nombre d’économistes depuis le XIXème siècle : d’abord Ricardo jusqu’à Robert Gordon ou Larry Summers, en passant par Robert Solow… A l’inverse, John Stuart-Mill a une vision pessimiste de l’état stationnaire.

Mais il est nécessaire avant tout de contextualiser sa pensée : Mill se situe dans le courant de l’utilitarisme, ce dernier visant à accroître le bien-être collectif. Dès lors, John Stuart-Mill voit en la croissance zéro un certain bien-être : l’état stationnaire permettrait en effet de modifier fondamentalement nos modes de vie, puisqu’on pourrait faire autre chose que produire et travailler. La fin de la croissance nous permettrait d’arrêter de chercher sans cesse à augmenter la production, mais plutôt de nous épanouir dans d’autres activités culturelles, de se cultiver, etc…

Cette théorie de Mill, dans laquelle il voit clairement le verre à moitié plein, est idéalement à mobiliser dans un sujet nécessitant de rappeler les bienfaits de la décroissance, ou encore dans un sujet sur l’environnement et sa dégradation causée par la croissance.

 

Patrick Artus et Marie-Paule Virard, Et si les salariés se révoltaient ? , 2018

Quelles sont les causes de la stagnation séculaire ? C’est une question abordée par les économistes Patrick Artus et Marie-Paule Virard dans Et si les salariés se révoltaient ? (2018). D’après les auteurs, une tendance explique la stagnation, et s’est d’autant plus avérée problématique à partir de la crise de 2008. En effet, suite à la crise, les actionnaires anglo-saxon ont maintenu les mêmes critères de rendement sur le capital investi. Les entreprises se sont pliées à ces critères et ont maintenu des rétributions très élevées aux actionnaires dans une économie effondrée suite à la crise de 2008. Pour compenser un tel déséquilibre, à savoir le maintien de dividendes élevés dans une économie pourtant atone et affaiblie, les entreprises ont fait porter la charge sur les salariés. En effet, elles ont d’abord diminué les salaires puis licencié les salariés. D’où, d’ailleurs, le titre de l’ouvrage des deux auteurs !

 

Christopher Freeman, The Economics of Hope : Essays on Technical Change, Economic Growth, and the Environment, 1992

Dans The Economics of Hope (1992), Christopher Freeman propose le concept de paradigme sociotechnique pour expliquer le ralentissement de la croissance.  Tout comme Boskin ou Joel Mokyr plus récemment, Freeman estime qu’il y a un décalage entre les innovations et leurs effets sur la croissance. En effet, il estime que l’innovation n’engendre pas inéluctablement une augmentation de la productivité. Il faut prendre en compte une certaine condition pour que ce soit le cas : l’organisation sociale. D’après Freeman, des transformations sociales doivent avoir lieu, la société doit s’adapter aux innovations, d’où le concept de paradigme sociotechnique. Tant que ce ne sera pas le cas, il y aura toujours ce décalage entre le lancements d’innovations et leurs effets sur la croissance, décalage si important puisqu’il serait la principale source de stagnation séculaire chez certains économistes.

 

Lire plus : La croissance économique : 5 auteurs pour se distinguer #1

 

Michel Aglietta et Natacha Valla, Taux d’intérêt négatifs et stagnation séculaire : politique monétaire ou choix sociétal ? , 2016

Michel Aglietta et Natacha Valla font également partie des économistes qui ont écrit sur la stagnation séculaire. Pour eux, cette dernière a pour origine un excès d’épargne, entraînant indubitablement une absence d’investissement conséquente. Ils constatent qu’aujourd’hui, la croissance réalisée est trop faible pour tendre vers le plein-emploi, ce qui empêche par ailleurs une dépense publique stimulée et stimulante pour l’économie.

Mais les deux auteurs vont plus loin : qui est réellement responsable de cette situation ? Ils pointent les gouvernements nationaux qui auraient compté sur les banques centrales afin de remplir leur rôle initial. Puisqu’en effet, si l’on réfléchit bien, quels sont les mécanismes de stimulation de la croissance ? Depuis la bulle Internet de 2002, les banques centrales ont pratiqué des politiques monétaires ultra-expansives, ce qui a conduit au risque de bulle spéculative comme celle de la crise de 2008 (entraînant par ailleurs le passage de politiques monétaires conventionnelles à celles non-conventionnelles). Or, d’après Aglietta et Valla, ce sont les gouvernements qui auraient dû mené les politiques budgétaires appropriées.

En parallèle, ils pointent un excès d’épargne qui est alarmant. Aujourd’hui, le taux d’intérêt naturel serait largement inférieur au taux d’intérêt réel, à tel point qu’il serait même négatif ! Rappelons que tant que le taux d’intérêt réel est inférieur au taux d’intérêt naturel, les entreprises sont incitées à investir. Or, c’est la situation inverse aujourd’hui ! Conséquence : l’épargne est supérieur à l’investissement. Il faudrait les égaliser, ce qui passe par une égalisation du taux d’intérêt naturel au taux d’intérêt réel. La politique monétaire doit tendre vers ceci, mais c’est en réalité impossible ! Le passage aux politiques non-conventionnelles les heurte au plancher des taux 0%, alors que le taux naturel est négatif actuellement.

Excès d’épargne, absence d’investissement : ce sont avec ces mots qu’on pourrait résumer la vision de Michel Aglietta. Selon lui, la stagnation séculaire est avant tout un problème de demande, comme l’avait pointé Larry Summers en 2013. Sa vision s’oppose notamment à celle de Robert Gordon, pour qui le problème vient de l’offre, puisque toutes les innovations possibles aurait été épuisées.

 

Ronald Inglehart : la société postindustrielle, un espoir pour le retour de la croissance ?

Nous le savons tous : le XVIIIème siècle, celui des Lumières, a laissé place aux révolutions industrielles du XIXème siècle. Au XVIIème siècle, l’homme est « maître et possesseur de la nature » (Descartes), puis il se retrouve maître de la société durant la période des Lumières. Cette conception change sous les révolutions industrielles : ce qui compte désormais, c’est le confort matériel, permis par les innovations et la hausse des niveaux de vie.

Selon Ronald Inglehart, cette société industrielle est profondément autoritaire, verticale et hiérarchisée. Aujourd’hui, il ne fait aucun doute que le passage à une société postindustrielle, marquée par l’avènement des services et des nouvelles technologies, est une crainte répandue puisqu’elle annonce une potentielle stagnation séculaire.

Mais selon Ronald Inglehart, l’ère de la société postindustrielle est une chance puisqu’elle permet de sortir d’une société industrielle profondément autoritaire, verticale et hiérarchisée. En d’autres mots, avec la société postindustrielle, il est fort possible d’assister à un retour du langage des Lumières. C’est une opportunité d’après Inglehart puisque selon lui, cette société repose sur de nouveaux piliers : créativité, autonomie, et horizontalité des relations sociales. Encore faut-il que ce nouveau langage soit une réalité et non un idéal.

 

Lire plus : La croissance économique : 5 auteurs pour se distinguer #2

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Rayan Petiteau
Actuellement à l'ESCP après trois années de prépa ECE, dont deux au lycée Saint-Just et une à l'Institution Saint-Jean de Douai, je compte profiter de mon expérience pour aider au mieux les étudiants.