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Science et connaissance : quelques thèses importantes

Sommaire
Sciences et connaissance

La science et la connaissance sont deux concepts très étudiés en philosophie et en épistémologie. Que sont-elles réellement ? A quoi doivent-elles servir ? Cet article propose d’y répondre.

 

PLATON, Cratyle : la connaissance requiert un objet stable

Privée d’un objet stable, permanent, identique à lui-même, la connaissance ne saurait être une vraie connaissance. L’Idée est exigée par la nature même de la connaissance. Seule l’essence peut être connue. De ce fait, l’objet mouvant n’est pas susceptible d’être connu.

De même une connaissance mobile n’est pas une connaissance. Pour qu’il y ait une connaissance réelle, il faut un sujet stable et un objet stable, telle l’Essence. On peut rapprocher cette pensée de celle de Bergson dans L’évolution créatrice : “l’intelligence a pour objet le solide inorganisé”, elle n’est pas adaptée au flux du devenir. En résumé, pour Platon il faut échapper au mobile universel (Cf. Fragments, Héraclite) pour fonder la connaissance.

 

PLATON, La République, Livre VI :comment atteindre la vraie connaissance ?

Platon cherche ici à définir la ligne de la connaissance. Il distingue alors quatre champs de la connaissance :

  • celui des images (l’opinion), il désigne le domaine des objets représentés par les images (la connaissance). Aussi, “la division a été faite de telle sorte que l’image est à l’objet ce qu’elle reproduit comme l’opinion est à la science.”
  • celui construit sur les objets comme hypothèses
  • dans le quatrième, on atteint le principe absolu par les seules idées (théorèmes, lois, par exemple)

Seule la raison, saisissant les choses intelligibles, peut atteindre le principe absolu.

 

ARISTOTE, Ethique à Nicomaque : l’ami est un médiateur dans la connaissance de soi

Pour l’homme, l’apprentissage est un réel plaisir, la connaissance de soi plus particulièrement encore. Cependant, “nous ne pouvons pas nous contempler à partir de nous même”. Les remarques que l’on adresse aux autres en sont une preuve suffisante. Dès lors, pour se connaître, l’homme a besoin d’un alter ego, c’est l’ami.

”Un ami est un autre soi-même”, il est le miroir de nous-même. Ainsi pour Aristote,  “la connaissance de soi est un plaisir qui n’est pas possible sans la présence de quelqu’un”. L’amitié ne consiste pas en une simple relation de bénéfices matériels, émotionnels ou moraux, l’amité est une expérience privilégiée pour atteindre la connaissance de soi.

 

MONTAIGNE, Essais, Livre I : A quoi sert le savoir ?

“Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.” écrivait Rabelais. C’est précisément l’écueil pointé par Montaigne ici. En effet, nous nous remplissons la tête de science sans devenir meilleur, notre conscience reste vide. La connaissance scolaire, académique, le savoir dit intellectuel ne nous élève pas moralement.

Montaigne constate : “Nous ne travaillons qu’à remplir la mémoire, et laissons l’entendement et la conscience vides.” Notre savoir reste inutile, alors que son but devrait être la vertu. Ainsi, le savoir vise à la sagesse mais il nécessite une conscience active dans l’apprentissage.

 

DESCARTES, Principes : la connaissance claire et distincte

De cet extrait on retiendra uniquement cette définition phare : “J’appelle par connaissance claire la connaissance qui est présente et manifeste à un esprit attentif; distincte, celle qui est tellement précise et différente de toutes les autres qu’elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère comme il faut.”

 

DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit : arithmétique et géométrie sont plus certaines que les autres sciences

Pour Descartes, “l’arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que toutes les autres sciences.” En effet, leur objet est à la fois très clair et très simple. De fait, elles sont les plus faciles et les plus claires de toutes les sciences.

Malgré tout, il est extrêmement difficile de parvenir rationnellement à la vérité. C’est pourquoi Descartes prend la certitude mathématique comme modèle : “ceux qui cherchent la vérité ne doivent s’occuper d’aucun objet dont ils ne puissent avoir une certitude égale aux démonstrations de l’arithmétique et de la géométrie.” La mathématique doit donc servir de modèle pour parvenir à la vérité.

 

DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit : la mathématique, science de l’ordre et de la mesure

Dans cet ouvrage, Descartes a l’idée d’une mathématique universelle qui serait comme la méthode des sciences. En effet, “toutes les choses où l’on étudie l’ordre et la mesure se rattachent à la mathématique.” Cette mathématique universelle renfermerait toutes les raisons pour lesquelles les autres sciences sont dites des parties de la mathématique. Celle-ci ne serait pas étudiée car supposée trop facile, alors qu’elle est justement cette science de l’ordre et de la mesure, la méthode générale des sciences.

 

DESCARTES, Règles pour la direction de l’esprit : les voies de la connaissance

Descartes distingue deux voies pour parvenir à la connaissance. La première est l’intuition, la seconde est la déduction. L’intuition désigne “le concept que l’intelligence pure et attentive forme avec tant de facilité et de distinction qu’il ne reste […] aucun doute sur ce que nous comprenons.” Il s’agit d’un mode de connaissance rationnel qui repose sur l’évidence (vue précise et indubitable de l’esprit). L’intuition intellectuelle s’apparente à une sorte de mouvement. La déduction quant à elle, “emprunte plutôt en quelque manière sa certitude à la mémoire”. Elle n’est pas immédiate mais découle justement d’un raisonnement issu des premiers principes donnés par l’intuition.

Ainsi, l’intuition acquiert aux premiers principes et la déduction aux conclusions. La certitude scientifique exige ces deux moyens. Il est possible d’assimiler cette distinction à celle de Pascal entre le cœur et la raison, ou encore l’intuition et l’intelligence bergsoniennes (même si ce ne sont pas les mêmes).

 

SPINOZA, Ethique, Livre V : Maîtriser les passions par la connaissance

La connaissance doit permettre à l’homme de devenir plus vertueux en se libérant des passions. En effet chez Spinoza, une passion est une affection dont nous ne formons qu’une idée confuse. Alors,”une affection qui est une passion, cesse d’être une passion sitôt que nous en formons une idée claire et distincte.” Mieux je connais mes affections, plus ma puissance progresse. De plus, “il n’est point d’affection du Corps dont nous ne puissions former quelque concept clair et distinct.” 

Voir plus : L’art en philosophie : quelques thèses incontournables

 

COMTE, Cours de philosophie positive : les trois états de la science

Dans l’état théologique, l’esprit humain tourne ses recherches vers les connaissances absolues (non subordonnées aux phénomènes naturels). L’état métaphysique désigne quant à lui la croyance en des entités. Enfin, l’état positif renvoie à la recherche des lois de la nature.

“Science d’où prévoyance: prévoyance d’où action” écrit Comte. La science permet l’action par la prévision. Ainsi, les connaissances naturelles, loin d’enchaîner l’homme à un aveugle destin, le libère en lui permettant de prévoir. Savoir et pouvoir sont unis dans la pensée de Comte.

Le but des sciences n’est pas simplement de satisfaire notre curiosité, un besoin de connaissance des lois de la nature de la part de notre intelligence. Le but des sciences est de satisfaire notre de savoir, le tout en vue d’agir. En bref, connaître et agir sont les buts fondamentaux de la science.

 

BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique : l’obstacle épistémologique

La pensée scientifique progresse par erreurs rectifiées, en luttant contre elle-même. Les résistances à la connaissance scientifique ne sont pas seulement extérieures, mais internes à l’acte de connaître (préjugés, prénotions, etc.).

Ainsi, “c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique.”

“La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine.” Elle est une difficile conquête contre l’esprit lui-même. Bachelard dresse un constat essentiel : toute notre connaissance scientifique est un travail de rectification contre nous-même.

 

BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique : Science et opinion

Il faut détruire l’opinion qui ignore toute pensée véritable : “L’opinion pense mal; elle ne pense pas: elle traduit des besoins en connaissances.” La première chose à faire en science, c’est de savoir poser des problèmes, de remettre en cause son opinion. N’oublions pas que “toute connaissance est une réponse à une question”. En science, “rien n’est donné, tout est construit.” La science doit totalement répudier l’opinion.

 

BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique : Le fait scientifique est construit (Cf. Le Nouvel esprit scientifique)

La pensée scientifique moderne se caractérise par une abstraction croissante. “L’observation scientifique est toujours une observation polémique.” Tout d’abord, celle-ci ne fait jamais que confirmer ou infirmer une thèse antérieure. De plus, la pensée scientifique montre en démontrant, hiérarchise les apparences, transcende l’immédiat, reconstruit le réel. De fait, le phénomène scientifique est entièrement théorique, il est une production de l’esprit.

 

POPPER, Conjectures et Réfutations : la théorie scientifique

“Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique.” Y a-t-il une certitude absolue en science ? Pour Popper en tout cas, ce n’est pas le cas.

“La connaissance […] progresse grâce à des anticipations non justifiées.” Conjectures et réfutations ne permettent d’atteindre aucune certitude, elles nous signalent toutefois des erreurs instructives et ne permettent d’avancer dans l’exactitude de nos connaissances. Ainsi, “la réfutation d’une théorie […] constitue toujours à elle seule un progrès qui nous fait approcher de la vérité.” En résumé, la science est toute relative et se fonde sur des hypothèses réfutables à tout moment.

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