Dans cet article, nous te proposons de revenir sur la vie politique en Russie, et en particulier sur les éléments marquants de ces dernières années voire de ces derniers mois : l’opposition représentée par le camp Navalny et les dernières élections législatives.
Dates clés concernant les débuts de la vie politique de Navalny
- 2000s : Alexeï Navalny crée un blog sur lequel il publie des enquêtes qui dénoncent la corruption des élites russes.
- 2011 : Il prend la tête des manifestations contre le parti de Vladimir Poutine et devient, depuis, une figure emblématique de l’opposition.
- 2016 : Il annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2018 mais…
- … Octobre 2017 : Il est déclaré inéligible jusqu’en 2028 en raison de sa condamnation pour détournements de fonds.
- 2018 : Il est incarcéré plusieurs fois, en raison d’organisations de manifestations contre Vladimir Poutine. Mais, en novembre, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Russie, jugeant “politiques” les multiples arrestations d’Alexeï Navalny.
Son empoisonnement et son arrestation
Alexeï Navalny se retrouve hospitalisé en Allemagne en août 2020 à la suite d’un empoisonnement par un agent neurotoxique du groupe Novitchok – une substance conçue à l’époque soviétique à des fins militaires –, selon les experts occidentaux. Le 17 janvier 2021, il quitte l’Allemagne pour rentrer en Russie. En effet, il sait pertinemment qu’il n’a pas d’avenir politique hors de Russie, car poursuivre une action politique en exil est très difficile, voire impossible. Mais, dès son arrivée, il est arrêté par les autorités russes pour fraude. Pour autant, Navalny avait anticipé son arrestation puisque, le lendemain, il diffuse une enquête anti-corruption visant Vladimir Poutine ; à laquelle il joint un appel à manifester pour dénoncer son incarcération. Elle est visionnée des dizaines de millions de fois. Depuis, le principal opposant est donc emprisonné en Russie, dans la colonie pénitentiaire IK-2, où on le réveille toutes les heures la nuit, par peur qu’il ne s’évade.
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Les manifestations et la répression du gouvernement
Janvier : Après l’appel de Navalny, des milliers de manifestants ont défié l’interdiction de se rassembler le 23 janvier 2021. Ils se sont réunis surtout à Moscou et à Saint-Pétersbourg, mais aussi en Extrême-Orient, en Sibérie ou encore dans l’Oural. D’après l’ONG OVD Info, spécialisée dans la surveillance des manifestations, plus de 3 300 personnes ont été arrêtées à travers la Russie durant la journée.
(De manière générale, les autorités russes considèrent tout rassemblement non autorisé comme une “menace à l’ordre public”. Le simple fait de sortir avec une pancarte demandant quelque chose peut conduire à une arrestation, voire à une condamnation à de lourdes amendes, parfois même à la prison.)
Depuis août : Des agents du département de lutte contre les crimes économiques et la corruption (l’un des organes d’élite de la police russe) sonnent aux portes d’habitants de Moscou identifiés comme partisans de l’opposant Alexeï Navalny, et leur proposent d’avoir une « discussion ». Les proches sont également visés. C’est par exemple le cas du frère d’Alexeï Navalny, Oleg.
Les Occidentaux soutiennent Navalny
Tout d’abord, on peut noter que l’Union européenne et les Etats-Unis ont condamné la répression violente des manifestations par les forces russes.
De plus, les pays du G7 ont réprouvé, le 26 janvier, la mise en détention pour des raisons « politiques » de l’opposant russe, et réclamé sa « libération immédiate et inconditionnelle », ainsi que celle de ses partisans arrêtés le 23 janvier lors des manifestations.
Puis, concernant l’empoisonnement de Navalny, la Russie a toujours nié toute implication. De ce fait, le 5 octobre 2021, 45 pays – dont les Etats-Unis, le Canada et les membres de l’Union européenne – ont exigé devant l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), que la Russie fournisse des explications plus détaillées.
Et enfin, symbole de ce soutien envers Navalny, lui et sa fondation anticorruption FBK ont reçu fin septembre 2021 le prix allemand sur la liberté d’opinion et la démocratie, M100 Media Awards. Il s’agit d’un prix décerné depuis 2005 par un jury composé de journalistes internationaux, qui récompense des personnes ou des organisations agissant pour la liberté d’opinion et la liberté de la presse.
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L’opposition parvient-elle à avoir un vrai impact en Russie ?
Plusieurs stratégies ont été mises en place au fur et à mesure pour contrecarrer l’opposition. D’abord, durant des années, le gouvernement misait sur la stratégie du black-out : parler le moins possible de Navalny ou de ses idées, lui interdire l’accès au champ politique légal, le condamner à des peines de prison courtes. Après son retour, il est devenu, via les média, soit un escroc, soit un révolutionnaire, soit un traître. Et son empoisonnement, lui, a été assimilé à un non-événement ou à un complot de la part des pays occidentaux.
Malgré cela, l’opposition parvient à avoir un certain impact sur les réseaux sociaux, comme TikTok ou Vkontakte (VK), l’équivalent russe de Facebook. Mais, c’est le Kremlin qui maîtrise les médias traditionnels, ce qui fait que Navalny n’est pas une figure si populaire en Russie. D’ailleurs, la mobilisation dans la rue n’a pas été à la hauteur des attentes.
De plus, Vladimir Poutine a toujours le soutien de sa population : il reste l’incarnation du “Moujik”, un homme fort à la tête d’une grande puissance internationale qui compte. Il enregistre aujourd’hui environ 60% d’opinions favorables. Et puis, grâce à la modification de la Constitution, il peut même se représenter encore deux fois après la fin de son mandat actuel qui se termine en 2024, et rester au pouvoir jusqu’en 2036.
Néanmoins, on peut noter une nette baisse des opinions qui lui sont favorables puisqu’il y a 2 ans c’était plus de 80%. Sa popularité diminue parce que la situation économique se dégrade (baisse des salaires, réforme des retraites impopulaire, hausse des prix et des tarifs des services publics, etc.). Et la crise du Covid-19 n’a pas arrangé les choses.
Les élections législatives du 17 au 19 septembre 2021
Une nette victoire du parti présidentiel – Russie Unie –, une progression des communistes, mais aussi des fraudes majeures : voilà ce qui a marqué les élections législatives russes, qui se sont tenues du 17 au 19 septembre 2021.
Malgré son inéligibilité jusqu’en 2028, Alexeï Navalny avait demandé aux électeurs de voter pour n’importe quel candidat – nationaliste, communiste, peu importe –, tant qu’il ne s’agit pas du candidat de Russie Unie. C’est la stratégie du “vote intelligent”.
Ce vote aurait, selon l’opposition, remporté un large succès notamment à Moscou – en vue des votes accordés aux communistes –, mais a été fortement affaibli par diverses fraudes massives. Washington a d’ailleurs affirmé que les Russes avaient été « empêchés d’exercer leurs droits civiques ». En outre, le gouvernement avait aussi mis sous pression plusieurs géants du web (Apple, Google, YouTube, Telegram), qui ont finalement cédé en supprimant tout accès à des sites de l’opposition diffusant, par exemple, de simples consignes de vote.
Finalement, Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, a remporté 49,82 % des voix lors de ce scrutin. Cela lui assure plus des 2/3 des sièges à la Douma – la chambre basse du Parlement –, ce qui est assez pour réviser la Constitution.
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