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L’Amérique latine, leader du tourisme de demain ?

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l'Amerique latine, leader du tourisme de demain

« Les îles Canaries ont une limite ! » : tel était l’un des slogans scandés par des milliers d’habitants des sept îles de l’archipel lors des manifestations populaires contre le tourisme de masse en avril dernier. Ces protestations s’inscrivent dans la continuité de réticences déjà bien ancrées dans le monde hispanophone, excessivement marqué par les externalités négatives du tourisme.

En effet, de l’autre côté de l’Atlantique, bon nombre de régions partagent les mêmes préoccupations. Depuis quelques années, l’Amérique latine est également au carrefour des flux touristiques internationaux, forte de ses belles plages, de ses massifs montagneux et de ses sites archéologiques classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Néanmoins, les répercussions sociales et environnementales de cet afflux touristique suscitent l’indignation de la population locale. En effet, nombreux sont ceux à s’inquiéter pour l’intégrité de leur patrimoine et pour leurs intérêts économiques.

Dès lors, certains pays latino-américains tentent de sortir de cette impasse en appelant à une révision éthique, environnementale et technologique des modalités touristiques.

 

Enjeux et conséquences du tourisme d’aujourd’hui en Amérique latine

Les dérives du tourisme de masse en Amérique latine sont aujourd’hui perceptibles, ce qui éveille la méfiance des populations.

 

Des populations d’ores et déjà victimes du tourisme de masse 

En Amérique latine, le tourisme pourrait conduire à une nouvelle forme d’exclusion des populations et porter atteinte aux traditions locales. Par exemple, au Pérou, le sanctuaire de Machu Picchu attire aujourd’hui un surplus de visiteurs, ce qui menace l’intégrité du patrimoine Inca. Plus significatif encore, à Carthagène, en Colombie, le tourisme de masse a entraîné un phénomène d’élitisation des quartiers, conduisant au déplacement systématique des populations les plus touchées par la pauvreté. 

Naturellement, c’est aussi l’économie locale qui est mise en péril dans les sites les plus attractifs du sous-continent. C’est le cas autour de la station balnéaire de Punta Del Este en Uruguay, où le développement du tourisme haut de gamme pénalise les activités régionales. En effet, les pêcheurs locaux font face à une concurrence croissante pour les ressources maritimes ; cette pression accrue est en partie due à l’expansion des activités de pêche commerciale, particulièrement celles dédiées aux complexes touristiques de luxe.

 

Le tourisme moderne : ennemi de la cause environnementale ?

Actuellement, une grande partie de la population latino-américaine s’inquiète de la menace environnementale que représentent certains projets d’aménagement. Au Mexique, première destination touristique du sous-continent (42,2 millions de voyageurs en 2023), le développement massif des infrastructures adaptées aux visiteurs suscite la colère des locaux. 

Par exemple, dans la péninsule du Yucatán, des groupes d’activistes soutenus par le Congrès National Indigène (CNI) dénoncent le projet d’élargissement du réseau du Train Maya. En effet, ce dernier traverse des zones particulièrement vulnérables aux aléas environnementaux, comme des forêts tropicales ou des réserves naturelles. La déforestation nécessaire au projet pourrait donc menacer la biodiversité locale et exacerber les effets déjà perceptibles du changement climatique. 

Lire plus : Les enjeux environnementaux en Amérique latine – défis, coopérations et solutions

 

Des coopérations territoriales à l’épreuve du tourisme de masse

En Amérique latine, certains Etats tentent, non sans difficultés, de coopérer et de s’entendre sur les modalités d’accueil des visiteurs. 

 

Des tentatives de coopération à différentes échelles 

Malgré ces difficultés persistantes, l’Amérique latine reste globalement consciente du poids de l’industrie touristique dans son économie. Dès lors, au cours des dernières années, certains États se sont unis autour de projets collaboratifs.

En 2011, l’Alliance du Pacifique est créée à l’initiative de quatre pays : le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou. Elle est axée sur la promotion conjointe des destinations touristiques et le développement des routes interpays. Ainsi, les membres de l’organisation tentent de renforcer l’attractivité de leurs régions en favorisant les mobilités et les échanges entre les territoires. 

À plus petite échelle, les pays latino-américains collaborent avec l’OMT afin d’encourager un tourisme durable et inclusif. Ainsi, l’organisme des Nations Unies œuvre à proposer des programmes de coordination entre les membres. Par exemple, depuis 2017, l’OMT soutient activement le projet Camino Inca, qui s’étend sur six pays. L’organisme appelle ainsi à une coopération soutenue entre les États dans le but de préserver les routes incas du tourisme de masse.  

 

Des partenariats locaux freinés par des rivalités renouvelées 

Tant de changements structurels et diplomatiques sont irrémédiablement gage de rivalités naissantes entre certaines communautés.

C’est le cas au Pérou, où les Quechuas et les populations de la région de Cusco entretiennent des rapports tendus autour de la répartition des ressources naturelles. En effet, le peuple Quechua vit de l’agriculture traditionnelle et dépend donc des cours d’eau pour subsister. Cependant, ces réserves se trouvent en périphérie de la région de Cusco, où des projets miniers sont établis par les autorités pour répondre aux besoins de l’industrie touristique. Dès lors, la qualité de l’eau se dégrade et les Quechuas sont régulièrement en situation de stress hydrique. 

Ainsi, l’industrialisation expéditive déclenchée par le tourisme de masse représente un danger pour la cohésion sociale de la population… mais aussi pour ses conditions de vie.  

 

Une révision des modalités touristiques en construction

Les pays latino-américains tentent aujourd’hui de regarder vers l’avenir et d’adopter des mesures concrètes pour lutter contre les dégâts causés par le tourisme de masse. 

 

Le tourisme communautaire : solution d’avenir ?

Depuis quelques années, le tourisme communautaire se démocratise en Amérique latine. Cette initiative vise à faire des populations locales les responsables et bénéficiaires des activités touristiques. Ainsi, le tourisme communautaire promeut le respect des coutumes, permettant aux locaux et aux visiteurs d’entretenir des relations amicales. C’est le cas en Équateur, où les fermes de cacao ouvrent leurs portes aux touristes (on parle de « Cacao Tourisme »), ce qui permet aux agriculteurs de reprendre la main sur leur activité économique.  

Plus largement, des communautés Amérindiennes proposent à des petits groupes de visiteurs de séjourner au sein même de leurs familles.

Lire plus : Qu’est-ce que le tourisme créatif ? 

 

L’éco-tourisme pour un développement durable

Face aux enjeux climatiques actuels, certaines communautés tentent d’atténuer les dérives environnementales du tourisme de masse. Pour cela, elles suivent le modèle de l’éco-tourisme, initié par le Costa Rica dans les années 1980. Il est utile de savoir que le pays a classé plus de 25 % de son territoire en zones protégées et qu’il compte aujourd’hui 27 parcs nationaux. En 2018, il inaugurait le Camino de Costa Rica, un sentier de randonnée de 280 km respectueux de la biodiversité. De plus, l’éco-tourisme est très encouragé par les autorités costariciennes. En 1995, elles créent le Programme de Certification de Durabilité Touristique (CST), soutenant les pratiques écologiques dans l’industrie touristique.

Lire plus : Le Costa Rica, un modèle de développement durable

Ainsi, de plus en plus de pays latino-américains se tournent vers cette forme de tourisme durable. C’est le cas du Mexique, de la Bolivie, du Pérou et de l’Équateur qui promeuvent des visites centrées sur la découverte de la nature, tout en sensibilisant les voyageurs aux risques que les dérives environnementales représentent pour le patrimoine culturel et les écosystèmes.

 

Une modernisation nécessaire de la logistique touristique 

Afin d’optimiser le potentiel de son secteur touristique, l’Amérique latine modernise ses infrastructures et s’ouvre progressivement aux firmes étrangères.

 

Une ouverture récente de l’Amérique Latine aux firmes hôtelières et logistiques 

La révision éthique et environnementale des modalités touristiques en Amérique latine s’accompagne d’une innovation technologique. Entreprise-symbole, Airbnb a établi un centre de support à Bogotá afin d’amender son service client dans la région. Des plateformes de tourisme collaboratif sont également largement implantées sur le sous-continent, comme Couchsurfing et BlaBlaCar. 

Ainsi, ces technologies permettent d’optimiser l’expérience des voyageurs, en plus de donner une visibilité précieuse aux prestations locales.

Lire plus : L’économie en Amérique latine ; un paysage en mutation 

 

Des campagnes de marketing au cœur d’une nouvelle stratégie 

De nombreux pays d’Amérique latine, forts de leurs progrès techniques et technologiques, mettent en place des campagnes marketing innovantes pour promouvoir leurs nouvelles modalités touristiques.

C’est le cas du Pérou, décrit par le slogan de l’agence nationale PromPerú comme « The Richest Country in the World ». Cette stratégie vise à mettre en avant le patrimoine culturel et gastronomique du pays par le biais de vidéos promotionnelles. Par exemple, certaines scènes mettent en lumière les évènements traditionnels, comme le festival annuel de la Fiesta de la Candelaria à Puno.

Dès lors, il s’agit d’user des médias et des réseaux sociaux pour atteindre un public diversifié et toujours plus nombreux.

 

Pour conclure, les pays d’Amérique latine sont globalement parmi les plus volontaires dans le processus d’élaboration d’un tourisme alternatif, soucieux des conditions humaines et environnementales. Néanmoins, les tentatives de coopération sont assez fragiles et les initiatives nationales restent inégalement favorisées. Dès lors, en Amérique latine, l’effectivité d’un tourisme durable reste aujourd’hui largement tributaire des choix et de la responsabilité des voyageurs eux-mêmes.

Lire plus : Tout ce qu’il faut savoir sur le tourisme en Espagne

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Caroline Henriques