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La construction des États africains

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Dans Discours sur l’Afrique, Victor Hugo écrit : “L’Afrique n’a pas d’histoire ; une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe”. Il est vrai que l’histoire africaine a souvent été sous domination extérieure, arabe ou encore européenne. Pourtant l’histoire de l’Afrique, ou plutôt des Afriques, est bien plus riche et complexe qu’on ne le pense. D’après Sonia Le Gouriellec, il faut revoir l’imaginaire que l’on a de ce continent. L’histoire africaine est mise de côté, car non écrite. Mais elle existe.

Avec plus d’1 milliard d’habitants, l’Afrique est le berceau de nombreuses civilisations. Aujourd’hui constitué de 54 États, ce continent-monde doit être pensé dans sa diversité. Nous l’imaginons souvent comme étant un continent en retard par rapport aux autres et en marge du reste de la planète. Pourtant, dès le Moyen-Âge, il participait aux échanges commerciaux avec tout l’Océan Indien et le Moyen-Orient. De nombreux empires riches et mythiques se sont développés, tels que l’Empire du Mali ou l’Empire du Ghana.

Dans cet article, l’objectif sera de comprendre comment les États africains actuels ont été créés et quelle est leur place dans le monde d’aujourd’hui. De manière générale, il est important de remettre en cause les préjugés que nous avons sur l’Afrique, qui existe depuis bien avant l’arrivée des Européens.

 

Les États souverains modernes hérités de la colonisation

Avant l’arrivée des Européens, les empires africains ne possédaient pas de frontières établies entre eux. Ces empires régnaient sur des zones d’influence flexibles qui pouvaient se chevaucher. Cela participe au mythe de l’absence de politique en Afrique. Pourtant, de réelles organisations politiques existaient et des guerres avaient même lieu, visant davantage à contrôler les populations que les territoires

Le tracé des frontières en Afrique apparaît donc avec la partition du continent par les nations européennes. Le “partage de l’Afrique” a lieu en 1884 avec la conférence de Berlin, afin de contrôler la forte concurrence entre les puissances européennes dans la colonisation africaine. Les Européens ont donc calqué un modèle occidental à un autre continent. Ce modèle provient du Traité de Westphalie en 1648, qui a engendré un nouvel ordre international fondé sur l’existence d’États délimités sur un territoire et une population. La souveraineté d’un pays est alors conceptualisée en se basant sur ce territoire. Avec la colonisation, la logique westphalienne s’est propagée dans le reste du monde. Bertrand Badie met en avant le concept de État importé, pour expliquer que l’État est une forme inadaptée et héritée de la colonisation.

Le tracé des frontières par les Européens est donc perçu comme artificiel en Afrique, car il ne respecte pas les singularités ethniques, culturelles, linguistiques et religieuses des différentes populations. Aujourd’hui encore, de nombreux conflits inter-étatiques sont liés à la colonisation, comme le conflit du Sahara occidental opposant le Maroc et l’Algérie. Également, des conflits intra-étatiques explosent dans de nombreux pays africains. Les guerres civiles au Soudan et en Somalie sont des exemples d’États faibles aux populations divisées.

 

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La quête de l’unité régionale en Afrique

Le panafricanisme est le nom de cette quête d’unité. Le but est de promouvoir l’indépendance du continent africain tout en admettant qu’il existe des différences et des scissions. Ce mouvement provient des diasporas afro-descendantes. La première conférence a lieu en 1900 à Londres, avec 32 participants (dont seulement 4 Africains). 

Des divisions apparaissent dans le courant. William Du Bois, sociologue et militant panafricain afro-américain, est en faveur de l’intégration des Afro-américains aux États-Unis qui feraient partie de la cause panafricaine. Sa vision était celle d’une lutte mondiale contre le racisme et l’oppression, où les Afro-américains étaient à la fois des acteurs locaux de lutte et des membres d’une communauté mondiale plus large. Marcus Garvey, surnommé le “Moïse noir”, s’opposait à Du Bois et penchait davantage pour un séparatisme radical et l’absence de relations avec les colonisateurs. Il promouvait le “Back to Africa”, visant au retour des communautés d’origines africaines d’Europe et des États-Unis, à revenir en Afrique. Du Bois reprochait à Garvey de vouloir une Afrique gouvernée par les Afro-américains.

En Afrique, des divisions avaient également lieu entre les différents pays indépendants. D’un côté, le groupe de Brazzaville (Congo) regroupe principalement des anciennes colonies françaises. Ce groupe souhaite une intégration étapes par étapes avec patience et coopération avec les anciens colonisateurs. Le groupe de Casablanca (Maroc), quant à lui, suit une lignée anti-impérialiste qui exige notamment l’indépendance de l’Algérie et de tous les territoires encore contrôlés par les Européens.

En 1963, ces deux groupes parviennent à surmonter leurs différends en se rassemblant à Addis-Abeba (Éthiopie), pour créer l’Organisation de l’Union Africaine, qui devient ensuite l’Union africaine. Cette union prône la souveraineté et l’intégrité des pays africains, mais aussi le principe de non-ingérence. D’après Jeffrey Herbst, “l’intangibilité des frontières coloniales” est un paradoxe qui permet la stabilité. Ne pas modifier la carte de l’Afrique était un moyen peu coûteux de maintenir des frontières sans faire la guerre. Ensemble, les pays africains essayent de se faire entendre diplomatiquement à l’ONU. Ils représentent un quart des membres. Leurs indépendances ont renforcé le groupe afro-asiatique puis le Mouvement des non-alignés.

 

L’Afrique, terrain de rivalités de puissances étrangères

Durant la Guerre Froide, la majorité des pays rejoignent le Mouvement des non-alignés, lancé par la Yougoslavie en 1961. Ce mouvement encourage la possibilité de ne s’aligner ni avec l’Ouest, ni avec l’Est. Pourtant, les États-Unis et l’URSS, voyant les pays européens perdre leur influence sur le continent africain, se mettent à soutenir des régimes et des groupes de rebelles afin de maintenir leurs sphères d’influence. Dès leurs indépendances, les pays africains sont un terrain de guerre d’influences. Ils n’ont alors pas pu complètement déterminer leurs relations intra-africaines.

De plus, les pays africains subissent encore l’héritage du colonialisme. S’ils ont été victimes d’un impérialisme et d’une exploitation économique, ils ont également subi une “mission civilisatrice” européenne. Dans les relations avec l’Afrique, les Européens ont tendance à considérer leurs anciennes colonies comme étant “leur” Afrique. La France reste très présente dans ses anciennes colonies avec le franc CFA et la Françafrique, et le Royaume-Uni, à moindre mesure, avec le Commonwealth. Pourtant, les populations africaines semblent être de plus en plus hostiles à l’influence toujours présente de Londres et Paris en Afrique.

Depuis les années 2010, la Chine est devenue le premier partenaire commercial et allié diplomatique de la majorité des pays africains. Le concept de Chinafrique est développé car Pékin investit massivement dans le développement de l’Afrique, notamment dans la construction d’infrastructures de transport. Par exemple, elle a financé la construction d’infrastructures reliant l’Éthiopie, pays enclavé de plus de 120 millions d’habitants, à Djibouti, au bord de la Mer Rouge. Le continent africain est en effet au cœur des nouvelles routes de la soie. Elle se présente comme étant une alternative idéale aux Occidentaux, car elle aussi a subi la colonisation et est aujourd’hui capable de rivaliser avec les États-Unis. Ces derniers reprochent à la Chine de faire tomber les pays africains dans le piège de la dette envers la Chine, ce qui fait que ces infrastructures passent sous le contrôle chinois.

De nombreux pays sont également présents militairement dans la région. La France et le Royaume-Uni ont maintenu des bases militaires dans de nombreuses anciennes colonies. La Chine, la Russie et les États-Unis ont également développé leur présence militaire sur le continent. Djibouti est l’exemple parfait de ce combat d’influences. Ce petit pays au positionnement géographique stratégique, possède sur son territoire les bases militaires de 5 pays : France, États-Unis, Chine, Japon et Italie.

 

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Alban Dantin
Actuellement en master à Sciences Po Bordeaux, j'ai d'abord fait deux ans de classe prépa littéraire A/L à Saint-Sernin (Toulouse).