Culture Générale HEC / EMLYON 2022 – Analyse du sujet

Découvrez dans cet article l’analyse du sujet de Culture Générale HEC / EMLYON tombé au concours 2022 pour les préparationnaires. Cette épreuve est très redoutée de par son importance : un coefficient non négligeable pour cette épreuve et une utilisation par quasi toutes les écoles de la BCE. 

POUR VOIR LE SUJET DE CULTURE GÉNÉRALE HEC / EMLYON DU CONCOURS 2022

POUR VOIR TOUS LES SUJETS ET LES ANALYSES DU CONCOURS 2022

 

Analyse rédigée par Heddy Kheddar (diplômé HEC Paris/Science Po Paris)

L’analyse du sujet de Culture Générale HEC / EMLYON 2022

Aimer, est-ce se perdre ?

 

Analyse des termes

 

Aimer, c’est deux choses :

  • Ressentir de l’amour (ressentir une attirance, vouloir être auprès de la personne, souffrir de son absence, se sentir heureux en sa présence, l’admirer…)
  • Manifester ses sentiments, chérir l’objet de notre amour : exprimer son amour et entretenir une relation amoureuse (dire « je t’aime », embrasser, « faire l’amour », offrir des fleurs, soutenir dans l’adversité, louer)

Se perdre, c’est :

  • S’égarer, perdre son chemin, se retrouver déboussolé, sans repère
  • Être dépossédé d’une partie de soi

Est-ce :

  • Demander si une action en est une autre, cela revient à demander si la première est assimilable à la seconde comme une sorte de cas particulier. Par exemple, boire, c’est se nourrir ; manger, c’est se nourrir.
  • La question ici est donc de savoir si aimer est une façon de se perdre. Autrement dit, on se demande dans quelle mesure aimer implique de se perdre : aimer, est-ce forcément se perdre ? Aimer, est-ce potentiellement se perdre ? Aimer, est-ce vraiment se perdre ?

Dire qu’aimer, c’est se perdre, c’est dire que :

  1. Ressentir de l’amour peut égarer, rendre déboussolé, sans repère
  2. Ressentir de l’amour peut causer une dépossession d’une partie de soi
  3. Manifester ses sentiments peut égarer, rendre déboussolé, sans repère
  4. Manifester ses sentiments peut causer une dépossession d’une partie de soi

 

Si aimer, c’est s’égarer, perdre son chemin, se retrouver déboussolé, sans repère, alors cela suppose que l’on a une « direction », que l’on poursuit une finalité et que l’amour peut nous la faire perdre de vue, nous empêcher de la rejoindre, nous la faire oublier, voire la remplacer par une autre. Quelle direction peut-on avoir et perdre en aimant ? Quelle direction l’amour peut-il nous proposer/imposer à la place ?

 

  • La quête individuelle du bonheur. On cesse d’avoir une quête individuelle de bonheur. On se perd dans une obsession : vivre auprès de la personne que l’on aime, la rendre heureuse elle. Tout faire pour satisfaire l’être aimé.
  • Une mission, un objectif quelconque que l’on s’est donné et dont on est distrait par l’amour qu’on éprouve.
  • Un devoir moral. Manquer à un devoir par amour.
  • La vie d’ici-bas. Faire l’expérience mystique d’un amour surnaturel et ne plus tendre que vers un au-delà transcendant. Tout faire pour obtenir l’agrément de Dieu et obtenir le salut.

Si aimer, c’est être dépossédé d’une partie de soi, alors cela suppose que l’on a une partie de soi à perdre dans le rapport à un être aimé :

 

  • Son identité. Renier son ipséité à vouloir trop se conformer aux goûts de l’autre pour lui plaire.
  • Sa liberté/son discernement. On n’est plus déterminé par soi mais par l’autre, parce qu’on en devient dépendant et qu’on veut absolument ce qu’il y a de mieux pour lui.
  • Son égo, son orgueil. En avouant qu’on aime l’autre, on avoue qu’il nous a séduit. On renonce à notre posture d’égo, qui était nourri par la flatterie de l’autre et notre refus de céder à ses avances. De plus, en avouant qu’on l’aime, on prend le risque de perdre tout intérêt à ses yeux, de ne plus être objet de convoitise, ce qui peut nuire à l’amour-propre et faire perdre confiance en soi.
  • Sa fierté, voire sa dignité. Réclamer de l’attention. Faire un pas vers l’autre après un conflit. Renouer par amour avec quelqu’un qui nous a fait terriblement souffrir en entachant notre fierté et notre dignité. Pardonner l’adultère.
  • Ses principes, son honneur. Manquer à ses devoirs ou agir contrairement à ses valeurs par amour.
  • Sa moitié, voire son tout : l’être aimé. Quelqu’un que l’on n’aime pas ne fait pas véritablement partie de notre vie. S’il la quitte, on n’a pas le sentiment d’avoir perdu quelqu’un. A l’inverse, si l’on aime quelqu’un, toute séparation avec cette personne est vécue comme une « perte » d’une partie de nous-mêmes. On souffre d’avoir perdu l’une des personnes qui comptaient le plus pour nous. On peut vivre cette perte par la rupture/l’abandon, la trahison ou la mort.

 

Dire qu’aimer, ce n’est pas se perdre, c’est dire que :

Aimer, ce n’est pas QUE se perdre : ce n’est pas réductible à cela.

  • Aimer, c’est éprouver des sentiments merveilleux
  • Aimer, c’est s’ouvrir à une magnifique manière de voir la vie
  • Aimer, c’est découvrir et redécouvrir un être perçu comme parfait
  • Aimer, c’est se consacrer à autrui

 

Aimer, ce n’est PAS se perdre : ça ne constitue pas vraiment un égarement ni une dépossession d’une partie de soi.

  • Aimer, c’est plutôt trouver une partie de soi. Rencontrer sa moitié, son âme-sœur, c’est trouver une partie de soi dont on n’avait même pas conscience qu’elle existait.
  • Aimer, c’est se trouver une direction à suivre. Aimer quelqu’un donne du sens à une vie : je veux la consacrer à rendre heureuse cette personne. Ce n’est pas parce que cette finalité n’est pas centrée sur moi qu’elle m’égare.

 

Problématisation

 

Dans quelle mesure aimer implique-t-il de se perdre ? Si aimer, c’est s’égarer, alors cela signifie que l’on a une « direction », que l’on poursuit une finalité et que l’amour peut nous la faire perdre de vue, nous empêcher de la rejoindre, nous la faire oublier, voire la remplacer par une autre. Mais quelle direction peut-on avoir et perdre en aimant ? Quelle finalité l’amour peut-il nous proposer ou nous imposer à la place ? Eprouver des sentiments amoureux, les avouer, les manifester, n’est-ce pas prendre le risque d’être dépossédé d’une partie de soi ? Qu’a-t-on à perdre de sa propre personne dans le rapport à un être aimé ? Ce sentiment de perte n’est-il qu’une illusion ?

Vous pourriez aussi aimer