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La violence dans les films de Michael Haneke

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Le thème au programme cette année de l’épreuve de culture générale pour les classes préparatoires commerciales est “la violence”. Cette notion est intéressante dans la mesure où elle peut recouvrir des actes, des situations plurielles, et avoir un impact sur l’individu. Un des axes intéressants pour aborder la violence est sa représentation, et notamment la possibilité même de sa représentation. C’est ce que nous allons tenter d’étudier dans une série d’articles consacrés à la représentation de la violence dans les arts et les lettres. 

Aujourd’hui, nous nous intéresserons à la manière dont le réalisateur Michael Haneke filme la violence, présente dans la majorité de ses films.  

 

 

Qui est Michael Haneke ? 

Michael Haneke est un réalisateur autrichien né en 1942. Il a gagné deux fois la Palme d’or au Festival de Cannes, pour Le Ruban Blanc puis pour Amour. 

Les films de Michael Haneke ont souvent fait polémique, la plupart traitant de problèmes sociaux, de la cruauté humaine et des limites de notre système. Sa manière de filmer même parvient à transmettre au spectateur diverses émotions, autant celles ressenties par les personnages qu’une culpabilité face aux évènements d’ordre politique, social et moral qu’il montre dans ses films. 

Sur la violence du quotidien

L’un des pricipaux, sinon le principal, thèmes du cinéma de Michael Haneke sont les multiples formes de violences qui agissent au sein des sociétés contemporaines, sous différentes formes, en observant comment elle s’immisce doucement au sein de nos vies jusqu’au geste le plus extrême, le tout filmé souvent de la manière la plus froide possible, d’autant plus qu’elle n’apparait pas toujours justifiée : on peut penser à l’automutilation d’Isabelle Huppert dans La pianiste ou encore la torture de la famille par les deux jeunes individus dans Funny Games. De plus cette violence n’est presque jamais frontalement : ainsi dans Funny Games  les scènes de torture et de meurtre sont signifiées par des hurlements ou du sang sur un téléviseur.  Haneke s’intéresse à la violence banalisée de l’espace familial. 

La représentation même de cette violence interroge donc Haneke : « La question n’est pas de savoir ce qu’on a le droit de montrer, mais comment permettre au spectateur de comprendre ce qu’on lui montre » : la question qu’il se pose est ainsi “comment montrer la violence sans complaisance, comment parvenir à susciter la réflexion sur son origine, ses conséquences et sa représentation?”

Dans Telerama, un auteur menait ainsi cette réflexion : « […] peut-on impunément filmer l’horreur sans prendre parti ? L’impassibilité qu’il revendique amène Haneke à un curieux choix esthétique : ce qu’on pourrait appeler la pornographie de l’épure. Prenez le plan de sept minutes où il filme, de loin, un gamin mort, une femme, couverte d’ecchymoses, qui sautille pour se libérer de ses liens et un homme qui éclate en sanglots convulsifs. Apparemment, c’est parfait : pas de sang, une caméra immobile ou presque (un léger panoramique). On est dans la dignité irréprochable. Sauf que cette dignité est fausse. Les longs plans fixes d’un Angelopoulos ou d’un Tarkovskibouleverseraient par leur sincérité. Celui-là est calculé, malin, artificiel. L’impudence naît de cette pudeur forcée. La première règle d’un cinéaste qui se respecte, c’est la liberté qu’il laisse aux spectateurs d’aimer ou non les personnages. Ici, les personnages sont des marionnettes, et les spectateurs des cobayes de laboratoire. Sur l’écran, les deux meurtriers nous font des clins d’œil, pour nous rendre complices du plaisir qu’ils prennent à tuer. »

Mais contre quel modèle s’oppose Michael Haneke dans sa représentation de la violence ? 

Contre une théâtralisation de la violence

Michael Haneke, dans cette représentation froide, brute et malaisante de la violence s’oppose à la violence-objet commerciale des films d’Hollywood. “L’intérêt de ses films est l’extrême précision avec laquelle elle est scrutée, analysée, décortiquée, pour en extraire l’insoutenable moelle et l’offrir à l’écran, devenu par son art la table d’examen d’un pathologiste virtuel.”

Ses films sont donc avant tout une réflexion sur la représentation de la violence, afin de nous interroger sur la manière dont elle nous apparaît quotidiennement dans l’espace médiatique et une certaine habitude que l’on a désormais de cette dernière, d’où la nécessité pour Michael Haneke de nous provoquer et qu’on se rende enfin compte de sa véritable violence, en ramenant une distance critique dans sa théâtralisation. 

 

Par exemple, le film Funny Games : Une famille composée de deux parents, de leur fils et de leur chien arrivent dans leur maison de vacances au bord d’un lac.  Deux inconnus vêtus de blancs et gantés arrivent, voulant emprunter des œufs. Ayant cassé les quatre œufs, l’un en exige poliment quatre autres que lui redonne la mère, avant qu’il fasse tomber son portable dans l’eau de l’évier, le rendant  inutilisable, et qu’il soit rejoint par le deuxième, demandant d’essayer les bâtons de golf du père. En dix minutes, ils se transforment sous nos yeux en psychopathes cruels qui kidnapperont la famille et l’extermineront au sein de jeux sadiques jusqu’au lendemain matin. Le début du film exemplifie la façon dont un psychopathe “ s’introduit sur un territoire donné et en déplace subtilement les frontières jusqu’à occuper tous les lieux stratégiques ” . On retrouve ce même procédé dans d’autres films, tel que La pianiste. 

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Corentin Viault