Beaucoup de pays ont décidé de fermer leurs frontières afin d’éviter la circulation du Covid au sein de leur territoire. Choix hâtif ou stratégie prometteuse, ces pays doivent aujourd’hui vivre avec les conséquences de leur décision. Or, ces dernières sont multiples, bénéfiques comme dévastatrices, et remettent en cause de nombreuses pratiques que nous pensions, aujourd’hui, acquises.
La fermeture des frontières dans le monde
En mars 2020, la plupart des Etats du monde ont décidé de fermer leurs frontières. Cependant, cela s’est effectué dans des conditions différentes pour chaque pays. En effet, en Europe, tous les pays ont rapidement opté pour la fermeture de leurs frontières (Allemagne, Royaume-Uni et Pays-Bas en tête). Cependant, cette décision a plus été perçue comme un dernier recours que comme une réelle solution prise pour éviter la propagation du Covid. A l’inverse, en Afrique, il vaut mieux prévenir que guérir, et les gouvernements ont décidé de fermer leurs frontières alors qu’ils ne dénombraient qu’une centaine de cas à l’intérieur de leur territoire, là où les pays européens comptaient déjà plusieurs milliers de cas au moment de la fermeture de leurs frontières. On peut estimer que l’Afrique s’est inspirée des décisions prises par l’Asie car, bien que drastiques, les mesures de confinement total dans le cadre de la politique du « zéro cas » permettent aujourd’hui à l’économie asiatique de se relancer. La Chine, notamment, voit actuellement sa croissance remonter (4,4% en 2020 face à 7,9% prévue en 2021 par le FMI). A l’inverse, son rival américain a enregistré une décroissance de 5,5% en 2020. Bien qu’un tel chiffre était à prévoir, il montre bien que les Etats-Unis ont beaucoup plus souffert de la crise sanitaire que la Chine. En effet, les Etats-Unis sont le pays qui dénombre le plus de cas. C’est pourquoi, ils ont eux aussi fait le choix de fermer leurs frontières. Cette décision s’est appliquée à leurs deux partenaires de l’USMCA, ainsi qu’aux pays européens de l’espace Schengen. Il est à noter que le Royaume-Uni n’est pas concerné par cette mesure alors qu’il représente le plus grand cluster d’Europe.
Les causes politiques derrière la fermeture des frontières
Il faut bien voir ici que la fermeture des frontières répond, certes, à la crise sanitaire, mais aussi aux ambitions politiques des dirigeants de chaque pays. En effet, les Etats-Unis ont fermé leurs frontières avec le Canada et le Mexique, en disant vouloir empêcher la maladie de rentrer aux Etats-Unis. La réalité est bien différente puisque le Canada ne comptait que 13 000 cas et le Mexique 130 000 face aux 270 000 cas des Etats-Unis. Comment interpréter cela ? Avec la fermeture des frontières, les dirigeants transmettent l’idée que le danger vient de l’extérieur et que c’est l’étranger qui transporte la maladie. En effet, il est toujours plus facile de blâmer l’extérieur pour ses propres problèmes et l’Histoire montre bien que les étrangers ont toujours été perçus comme vecteur de danger. Certains hommes politiques se servent même de cette décision pour préconiser la fin des migrations. A cela, François Héran, démographe au Collège de France, répond que les migrants ne représentent que 1/150ème des passages de frontières et, donc, que de prôner la fermeture des frontières comme étant la solution face aux migrations, est une erreur.
Et les touristes dans tout ça ?
Si les migrants représentent 1/150ème des mobilités internationales, les touristes (on confond ici tourisme de loisirs et de travail), eux, en représentent 140/150ème. Il est alors évident que la fermeture des frontières est un problème bien plus important pour les pays vivant du tourisme. En effet, les pays comme la Thaïlande ou le Mexique vivent en grande partie du tourisme. Leur PIB est dépendant de l’industrie touristique (respectivement 19,7% et 15,5%) et ils ne peuvent donc pas laisser leurs frontières fermées trop longtemps. Quelles en seraient les conséquences ? On estime à 130 millions le nombre d’emplois dans l’industrie touristique, dont 120 millions pour le tourisme international. Tant que les frontières resteront fermées, ces 120 millions de personnes n’auront pas de travail et, donc, pas de revenus. Les conséquences sont nombreuses puisque cela entraîne une baisse du pouvoir d’achat de ces foyers, un frein au développement des pays du Sud (Asie du Sud ou Amérique latine notamment) et une stigmatisation de l’étranger. On peut aussi voir que certains pays semblent, volontairement, vouloir s’isoler et ne plus avoir à faire à l’extérieur. Par exemple, en imposant un test anal pour entrer sur son territoire, la Chine s’assure une forte réduction de son nombre de visiteurs. Le test PCR étant tout aussi efficace, il est clair que la Chine semble vouloir dissuader le monde extérieur de se rendre à l’intérieur de son pays.
Les conséquences sur les relations internationales
Les conséquences de la fermeture des frontières sont doubles. Tout d’abord, il faut voir que la production locale est à nouveau valorisée puisque beaucoup de secteurs sont en pénurie par manque d’importations. Par exemple, dans l’Union Européenne, les importations ont baissé de près de 10% depuis le début de la crise. Les productions intensives venant de l’étranger sont ainsi réduites, ce qui favorise les productions locales, qui deviennent une partie non-négligeable de la consommation. En ce sens, le Covid a accompli en un an ce que les Objectifs du Millénaire pour le Développement n’ont pas réussi à atteindre depuis 2000.
Cependant, l’essor des productions locales n’est qu’un aspect de la fermeture des frontières et les conséquences négatives sont, malheureusement, bien plus nombreuses. C’est, entre autres, le commerce qui souffre le plus de cette crise. Par exemple, en France, le commerce extérieur représente 50% du PIB. Une telle fermeture des frontières nous rappelle la 2nde Guerre Mondiale, dernière fois dans notre histoire où la France s’est fermée au monde extérieur. Concrètement, le déficit de la balance commerciale française est de 60 milliards d’euros en 2020, face à 17 milliards en 2019. Une telle augmentation s’explique par le fait que la crise a fortement touché les domaines dans lesquels la France était compétitive (le luxe, l’aéronautique et le tourisme). Les pays du Nord sont donc tout aussi concernés que les pays du Sud par la crise, même si les secteurs touchés sont bien différents.
Pour conclure
Même si le Covid, et les crises qu’il implique, a des conséquences désastreuses sur le monde, il semble aussi servir de justification à nombre de pays pour s’isoler et instaurer un nationalisme d’Etat. En effet, déjà en 2018, on assistait à un durcissement des contrôles des frontières (comme en Allemagne, Suède, Norvège, Pologne…). En Pologne, par exemple, cela répond à une stigmatisation des étrangers et de l’immigration. On peut donc légitimement s’interroger sur les véritables raisons de la fermeture des frontières actuelles : phénomène nouveau lié au Covid ou accélération justifiée par la crise sanitaire ?