L’Inde et le Pakistan sont deux pays que l’Histoire unit mais que les volontés politiques de leur dirigeant ont séparé. Les deux pays faisaient partie de l’empire des Indes jusqu’en 1947. Cependant, lorsqu’en 1947, le Royaume-Uni quitte le continent, le voeu de Gandhi d’avoir une Inde unie ne s’est pas réalisé : Inde, Pakistan, et Bangladesh par la suite, sont devenus 3 pays antagonistes. Qu’en est-il de cette situation aujourd’hui ?
La zone géographique
L’Asie est très touchée par les conflits interétatiques, et notamment pour les pays qui partagent des frontières communes. C’est le cas de l’Inde et du Pakistan. Quelques régions sont « coincées » entre ces pays et sont revendiquées par les deux Etats. Elles deviennent alors sources de tensions. En effet, il arrive souvent que la population soit, comme au Cachemire, musulmane mais administrée par un gouvernement hindou ou inversement. Les deux pays revendiquent donc la région, pour des raisons différentes mais valables, ce qui crée des conflits. Ici, nous allons nous intéresser tout particulièrement au Cachemire, région comprise entre l’Inde et le Pakistan. C’est un territoire dirigé par un Maharaja hindou mais qui est composé de musulmans. Ainsi, l’Inde le revendique, comme étant un de ses Etats, et le Pakistan, comme population à majorité musulmane.
Les causes
Outre les causes historiques et religieuses que nous avons déjà citées, la cause principale du conflit concernant l’appartenance du Cachemire est bien économique. En effet, cette région est une des plus riches d’Inde. C’est pour cela que Narendra Modi, actuel Premier Ministre indien, a révoqué l’autonomie du Cachemire pendant l’été 2019. Il souhaite « libérer la région du terrorisme ». Il faut ici entendre qu’il veut faire taire les revendications indépendantistes du Pakistan sur le Cachemire. Il souhaite surtout appliquer une « safranisation » de la population indienne aux Cachemiris, c’est-à-dire étouffer les minorités et spolier les terres des propriétaires terriens cachemiris. Le réel objectif de Narendra Modi est bien d’assimiler le Cachemire au reste de l’Inde. Suite à sa décision en août 2019, le Premier Ministre indien a instauré des mesures restrictives aux Cachemiris : couvre-feu, coupure des communications et présence de l’armée sur le territoire. Le but est bien d’empêcher la population de se révolter. La présence de l’armée est aussi un facteur plus que dissuasif pour contrecarrer toute révolte.
Les participants
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’Inde et le Pakistan ne sont pas les seuls participants dans ce conflit. La Chine y est aussi impliquée de près, ainsi que les Etats-Unis. La Chine est concernée en cherchant, elle aussi, à récupérer une partie des territoires situés entre l’Inde, le Pakistan et la Chine : on peut citer l’Aksai Chin ou l’Azad Cachemire. L’Inde étant le principal ennemi de la Chine en Asie, cette dernière soutient le Pakistan afin d’affaiblir l’Inde. De plus, il faut compter avec la « One Belt, One Road » chinoise, qui entend bien isoler l’Inde du reste du monde et passerait donc par le Sri Lanka, le Bangladesh et le Pakistan. Il est alors nécessaire pour la Chine de soutenir le Pakistan, notamment dans l’affaire du Cachemire. Du côté des Etats-Unis, il s’agit surtout d’un moyen de prévention : ils ont fait du Pakistan et de l’Afghanistan leur théâtre d’opération après le 11 septembre 2001. Il ne faudrait donc surtout pas que le Pakistan entre guerre et déstabilise la région. Cela serait un terreau parfait à la renaissance du terrorisme. Les Etats-Unis font donc tout pour apaiser les tensions et éviter une guerre.
Le conflit
Suite à la séparation en deux de l’Inde et du Pakistan, un referendum était prévu pour savoir ce que la population souhaitait. Cela concernait notamment la répartition de cette dernière, puisqu’il y a toujours 170 millions de musulmans en Inde et près de 8 millions d’hindous au Pakistan. Cependant, il n’a jamais eu lieu. Les guerres indo-pakistanaises de 1965 et 1971 n’ont fait que cristalliser la situation. L’acquisition de la bombe nucléaire par les deux pays en 1998 (date officielle, car l’Inde l’aurait officieusement depuis 1974) a tendu la situation, rendant une guerre ouverte impossible. En 2003, il y a eu un cesser le feu entre les deux pays, qui prévoyait une démilitarisation du Cachemire. Il n’en fut rien puisque, dans les années 2000 et 2010, on a assisté à une ultra militarisation de la région. D’après Pascal Boniface, il s’agit de la zone la plus militarisée du monde. Il y aurait 800 000 militaires sur place et l’Inde y a construit une clôture électrifiée sur 150 km. Tout au long des années 2010, les tensions sont à leur comble. En 2016, l’Inde a réprimé par la force une manifestation d’indépendantistes pakistanais, en blâmant le gouvernement pakistanais. En février 2019, un groupe islamiste pakistanais (JeM) a perpétré en Inde un attentat suicide de 40 militaires. Or, en février 2019, on était en pleine période de campagne électorale pour la réélection de Narendra Modi, qui a instrumentalisé l’attaque pour fédérer la nation et s’assurer la réélection. Il a envoyé l’armée indienne attaquer le Pakistan au plus profond de ses terres. Ensuite, en août 2019, il révoque l’autonomie du Cachemire. Shahnaz Bashir, écrivain et journaliste cachemiri, assure que « Au Cachemire, la situation va encore empirer ».
Les enjeux
Les enjeux de ce conflit ne sont pas seulement de savoir à qui appartiendra le Cachemire. Les Droits de l’Homme y sont bafoués. Le 5 août 2019, les experts de l’ONU ont déclaré que « la situation des droits de l’Homme au Jammu-et-Cachemire est en chute libre ». Ce qui justifie un tel engouement autour de cette région est sa position stratégique au sein des montagnes de l’Himalaya. En effet, au Cachemire se trouve la source de grands fleuves capitaux pour l’agriculture des pays alentours. De plus, il permet de relier le Tibet et le Xinjiang, territoires stratégiques où les revendications et révoltes indépendantistes sont nombreuses. On comprend bien ici que la géographie de la région est, en grande partie, au centre du conflit. On peut donc citer et justifier l’ouvrage de Yves Lacoste La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre. En réponse à la décision de Narendra Modi, Islamabad a décidé de couper toute relation avec New Delhi. L’ambassadeur de l’Inde au Pakistan a été renvoyé chez lui et le Pakistan a rappelé son ambassadeur. Cependant, l’Inde a l’avantage : une population plus importante, un rôle international qu’on ne peut plus négliger et une armée présente sur les lieux qui compte bien y rester. Est-ce pour cela que la communauté internationale ne réagit pas ? Le premier ministre pakistanais a tout de même comparé l’Inde au régime nazi, en déclarant « Le monde regardera-t-il et se montrera-t-il conciliant comme il l’a été avec Hitler ? ». Un message fort, qui manque pourtant d’écho. Et que dire, aujourd’hui, de la situation d’une population qui n’a pas accès à des informations vitales face à la propagation d’une épidémie mondiale ? Ce qui est certain, malgré le manque d’action de la communauté internationale, est que les mesures prises par le gouvernement indien relèvent aujourd’hui d’une « irresponsabilité criminelle » pour citer Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF (Reporters Sans Frontières).
Un passé chaotique, un présent criminel, un futur conflictuel ?
Cela fait maintenant un an et demi que les Cachemiris survivent sans vivre : couvre-feu, pas d’accès à Internet, interdiction de se rassembler et présence de l’armée partout. Le Pakistan se révolte et se dit prêt à tout faire pour remplir ses obligations envers la population cachemiri. Les Pakistanais sont dans les rues pour manifester, les Cachemiris sont enlevés et torturés : le Cachemire, nouvel épicentre d’un conflit international ?