Notion très clivante et polémique, la pertinence de la discrimination positive est régulièrement mise en cause notamment à l’échelle des gouvernements et des politiques mises en place en ce sens. Tentons alors de déchiffrer les différentes opinions à ce sujet.
Ce qu’est la discrimination positive
Les premières politiques de discrimination positive (« affirmative action ») ont été mises en place au début des années 1960, aux Etats-Unis, sous la présidence de J.F. Kennedy. Il s’agissait de politiques permettant de s’assurer qu’il n’existait pas de discrimination « raciale » (terme utilisé à cette époque) à l’embauche. La discrimination positive a été mise en place dans de nombreux pays (développés) dans une logique d’équité et d’égalité des chances, afin d’effacer les inégalités souvent historiques qui ont affecté et qui affectent toujours certaines communautés. La discrimination positive a pour but de faire en sorte que chacun ait les mêmes possibilités d’opportunités, et reconnait aussi bien les minorités ethniques et les discriminations associées que les femmes, les personnes handicapées et autres groupes sous-représentés ou victimes d’inégalités de traitement.
A quoi la discrimination positive répond-t-elle politiquement parlant ?
La discrimination positive est mise en place pour effacer des déséquilibres (ou bien pour créer un équilibre) en matière d’emploi, d’éducation, ou bien même en termes d’accès au logement. En effet, elle repose sur l’idée que certaines communautés ou certaines personnes seront discriminées négativement à cause d’un ou plusieurs traits de leur identité (nationalité, origine(s), religion, sexe, orientation sexuelle, handicap etc.) et qu’il est donc nécessaire de mettre en place des mesures pour pallier ces inégalités. A titre d’exemple, l’instauration des quotas ou d’une parité (à l’Assemblée, dans les listes communales depuis la loi du 31 janvier 2007…) constituent un traitement préférentiel visant à promouvoir l’égal accès à une certaine position. Promouvoir la diversité pourrait être synonyme de richesse de par les expériences différentes que vivent les parties prenantes selon leurs modes de vie et leur culture.
Quelles sont les critiques relatives au principe de discrimination positive ?
Malgré les effets bénéfiques revendiqués par les partisans de la discrimination positive, ses opposants affirment qu’elle peut plutôt s’avérer elle-même discriminatoire par rapport aux autres minorités ou communautés qui, non inclues dans telle ou telle mesure de discrimination positive mais bien discriminées, se verraient alors subir l’inégalité, ou, a minima, ne se verrraient pas accorder l’avantage promu par ladite action. En ce sens, les opposants à la discrimination positive arguent qu’elle est à juste titre une forme de discrimination comme une autre et qu’il est injuste de donner des avantages à un certain groupe d’individus, même si cela se fait au nom d’une égalité des chances.
D’autre part, certaines figures politiques conçoivent l’application de la discrimination positive comme un opérateur de réduction de l’identité. C’est ainsi que Jacques Chirac s’exprimait en 2005 sur le sujet en affirmant que « Les discriminations sont un poison pour notre démocratie et notre cohésion nationale » alors même qu’il plaidait pour la diversité sociale et culturelle. De fait, mettre en place une mesure de discrimination positive provoque inévitablement un recentrage sur une certaine caractéristique identitaire d’une personne, ce qui amènerait à sa réduction, ou bien à sa reconnaissance seulement par le trait identitaire discriminé dont il est question. En ce sens, un projet de loi constitué en Californie quant à l’interdiction de l’utilisation du mot « caste » semble faire débat puisque certains Hindous avouent que désigner expressément la « caste » comme une caractéristique protégée rend de façon disproportionnée les Sud-Asiatiques plus vulnérables aux accusations injustes de discrimination pour des actions qui peuvent n’avoir rien à voir avec la caste (étant donné que ce mot est souvent utilisé en référence à cette région du monde).
Que retenir alors du débat sur la discrimination positive ?
Finalement, la question de mettre fin à la discrimination positive est complexe car elle soulève des questions fondamentales sur la justice, l’égalité et la diversité. C’est ici qu’interviennent les différentes conceptions que l’on peut avoir de la justice. Réfléchissons-nous en termes d’égalité ? C’est-à-dire que chacun étant égal, il ne doit pas y avoir d’avantage donné à un groupe plutôt qu’un autre; ou bien pensons-nous avec une logique d’équité ? Selon J. Rawls, célèbre philosophe américain, nous devrions penser la justice comme équitable et non égalitaire. Rawls est conscient du fait que nous ne partons pas tous avec les mêmes privilèges et facilités d’accès aux opportunités. Ainsi, selon lui, les inégalités doivent être tolérées si et seulement si elles d’améliorer la situation des plus désavantagés (à l’image de la discrimination positive).
Il est tout-de-même essentiel de prendre en compte les arguments des deux côtés et de chercher des solutions qui tiennent compte à la fois des injustices historiques et des préoccupations concernant l’équité pour tous les individus. Pour les opposants à la discrimination positive, la fin de celle-ci ne signifierait pas nécessairement la fin de la lutte contre les inégalités, mais pourrait signifier un changement de stratégie pour atteindre ces objectifs.
La fin de la discrimination positive est un sujet qui continuera évidemment à susciter des débats et des réflexions, même chez les plus jeunes générations très polarisées entre elles à l’image du groupe Students for Fair Admissions qui a poursuivi en justice l’Académie militaire américaine en septembre dernier. Ce groupe a fait valoir que la décision de la Cour interdisant les admissions prenant en compte l’origine du candidat (discrimination positive sous forme de quotas) devrait également s’étendre aux académies militaires du pays.
Vocabulaire
Discrimination positive : affirmative action
Égalité des chances : equal opportunity
Minorité ethnique : ethnic minority
Quota : quota
Parité : parity
Réducteur : reducing
Interdiction : ban
Projet de loi : bill
Hindou : hindu
Faire valoir : to argue
Poursuivre en justice : to sue
