L’Argentine est un pays pionnier concernant les droits des femmes dans la région, mais aujourd’hui, l’arrivée de Javier Milei au pouvoir compromet ce statut…
Des victoires historiques
En 1947, les Argentines obtiennent une première satisfaction après des années de combat : le droit de vote et la possibilité d’être élue. Cette loi de 1947 est d’ailleurs surnommée la « loi Evita » en référence à Eva Peron, grande figure du combat féministe argentin.
En 1949, pour signer l’entrée des femmes en politique, est crée le Parti Péroniste Féminin, dont la figure de proue n’est personne d’autre que cette même Eva Peron. En 1951, les Argentines appliquent leurs droits et le taux de participation s’élève alors à 90%.
Eva Peron et son mari (Juan Domingo Peron, président de l’Argentine de 1946 à 1955) ont donc très amplement contribué à l’insertion des femmes dans le processus electoral et en politique.
Lors de la sombre dictature militaire (1976-1983), les luttes continuent. Le combat des mères (ou des grand-mères) de la Place de Mai en témoigne : les participantes ont crée une association des mères dont les fils ont disparu, devenant alors la principale force d’opposition au gouvernement.
La tradition féministe et le climat de lutte des femmes sont donc très importants en Argentine. Sans ce contexte historique, il est difficile de comprendre les enjeux actuels.
Avant l’accession de Milei aux commandes du pays : les Argentines gagnent des droits
En 2015, dans un contexte certes national mais aussi continental et mondial, émerge le mouvement « Ni una menos » qui dénonce les violences sexuelles et les féminicides (particulièrement nombreux : toutes les 31 heures, une femme est tuée en Argentine). Ce mouvement prend une ampleur continentale puisqu’il se répand en Uruguay, au Chili et au Pérou par exemple.
En 2018, suite au mouvement MeToo, les foulards verts (crées en 2003 en Argentine) gagnent en visibilité et sont relayés au niveau du continent entier et, plus tard, aux États-Unis. Ce mouvement utilise des symboles historiques puisqu’il s’inspire du foulard blanc porté par les mères de la Place de Mai. Dès lors, il devient le symbole de la lutte pour l’avortement et pour la légalisation de l’IVG dans le pays.
Décembre 2020 marque une victoire historique pour toute l’Argentine : une loi sur l’IVG est proclamée. Les femmes en gestation peuvent désormais recourir à l’IVG jusqu’à 14 semaines. Avant, l’IVG était seulement autorisée en cas de viol ou de danger pour la mère.
Actualités : Milei et les droits des femmes ?
Milei, l’anti-système (comme il aime se presenter), désormais à la tête du pays, remet très largement en cause les droits des femmes, fruits de luttes historiques. Dès lors, les associations féministes se mobilisent en masse.
En effet, ses positions ultra-conservatrices sur le sujet sont alarmantes : il a assuré vouloir supprimer le Ministère des Femmes (« Ministerio de las Mujeres, fuera ! », et supprimer toute éducation sexuelle à l’école.
Dès son accession au pouvoir, Milei a bien supprimé le Ministère chargé des droits des femmes mais on peut également citer la « ley omnibus », une mesure drastique qui place dans les mains du président le pouvoir exécutif et législatif pour une durée d’un an (minimum). Durée pendant laquelle, il compromet un grand nombre des acquis du mouvement des femmes et des minorités de genre.
La loi omnibus propose par exemple l’élimination de définitions telles que « personne enceinte » et « identité de genre », le remplacement du concept de « violence de genre » par celui de « violence domestique ». C’est en réalité une tentative de réimposer un usage discriminatoire du langage par l’État.
Ces changements rétablissent un contrôle de l’état sur les femmes.
Milei nie très largement les inégalités et les violences de genre, il affirme que le plafond de verre n’existe pas.
Plus encore, c’est le droit à l’avortement, acquis en 2020, qui est en danger : « ce n’est pas un droit acquis » selon Milei.
« Assasinat aggravé par descendant » : ce sont les mots qui inspirent le Président lorsqu’on lui évoque le droit à l’avortement. Une fois au pouvoir, il a promis qu’il organiserait un referendum, sans hésiter à abroger le droit à l’IVG si le « non » l’emportait.
Il est donc bien clair que la tronçonneuse de Milei constitue le principal défi des associations féministes, chargées de la conservation et de la protection des droits des femmes.
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Et ailleurs sur le continent, qu’en est-il ?
L’une des dynamiques les plus marquantes aujourd’hui sur le continent est la progressive ascension des femmes en politique. Plusieurs noms de politiciennes sont ici à citer : Michelle Bachelet (deux fois Présidente du Chili de 2005-2010 et de 2014-2018) ; Dina Boluarte (Présidente de la République du Pérou depuis 2022) ; Xiomara Castro (Présidente de la République du Honduras depuis 2022) ou encore la très récente Présidente du Mexique Claudia Sheinbaum.
Tous les regards sont donc aujourd’hui tournés vers l’Argentine et la politique anti-féministe de Javier Milei. Toutefois, le chemin à parcourir demeure long pour le reste du continent. Au Chili par exemple, l’IVG est illégale, sauf en cas de risque pour la santé de la mère, de viol, ou de malformation du fœtus. De rares exceptions, acquises en 2017, qui pourraient bientôt disparaître.