Voici une fiche de lecture de l’ouvrage de Nicolas Baverez sorti en 2009 : “Après le Déluge : la grande crise de la mondialisation” :
« Le 15 septembre 2008 restera au capitalisme mondialisé ce que furent pour les États-Unis […] l’attaque de Pearl Harbor […] : une surprise totale, marquant l’écroulement d’un monde et le basculement dans l’inconnu »
Le 15 septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers déclenche une crise financière sans précédent, ébranlant les fondements mêmes de l’économie mondiale. Cet événement a provoqué l’écroulement d’un monde et un basculement dans l’inconnu. La crise de 2008, selon Baverez, est bien plus qu’une simple crise économique : elle symbolise la fin d’un cycle néolibéral commencé à la fin des années 1970, caractérisé par le retrait de l’État, la déréglementation, l’innovation financière, et la suprématie de la politique monétaire.
Baverez décrit cette crise comme une véritable révolution qui a bouleversée statu quo :
- Sur le plan économique, elle marque la fin d’un cycle de mondialisation néolibérale.
- Sur le plan géopolitique, elle remet en cause la hiérarchie des puissances, avec le déclin relatif des pays développés et l’ascension des nouvelles superpuissances du Sud.
- Sur le plan politique, elle pose le défi de repenser les institutions et les règles de la mondialisation
- Sur le plan idéologique, c’est l’effondrement du mythe de l’autorégulation prôné par le capitalisme moderne.
Chronique d’un séisme annoncé
Baverez s’interroge sur l’inertie des décideurs économiques face aux nombreux signaux d’alerte qui précédaient la crise. Dès l’été 2007, les prémices d’une catastrophe financière étaient visibles, avec la panique bancaire autour de Northern Rock au Royaume-Uni et l’annonce de pertes record pour des institutions telles que Citigroup et UBS. Pourtant, malgré ces avertissements, les autorités monétaires ont semblé ignorer l’imminence de la crise. L’économiste critique notamment la décision de Henry Paulson de laisser Lehman Brothers faire faillite, tout en nationalisant l’assureur AIG avec un soutien massif de 85 milliards de dollars.
Baverez décrit la crise financière de 2008 comme un scénario classique du capitalisme, rejoué à une échelle inédite : une bulle spéculative suivie d’une euphorie, puis une panique, un effondrement du crédit, une course au désendettement, une disparition de la liquidité, et une contagion à l’ensemble de l’économie. Alan Greenspan, ancien président de la Fed, admet lui-même en 2008 qu’il a fait une erreur en croyant que les organisations motivées par leur intérêt privé préserveraient la stabilité du système. Pour Baverez, cette erreur de jugement a précipité la crise.
L’erreur de la politique monétaire
Baverez cite Ludwig von Mises, qui affirme que les crises économiques sont toujours provoquées par des politiques monétaires expansionnistes. Il considère la monnaie comme le plus puissant des instruments de la politique économique, capable d’influencer la consommation, l’investissement, le commerce, et toutes les catégories d’agents économiques. Pourtant, cet instrument peut également être le plus dangereux, notamment en cas de création monétaire excessive, qui mène à l’inflation ou, à l’inverse, à la déflation en cas de politique restrictive.
En parlant de la politique monétaire : « le plus efficace et le plus dangereux des instruments de la politique économique ».
La crise de 2008, selon Baverez, est en grande partie due à l’échec de la politique monétaire. La Réserve fédérale, sous Alan Greenspan, a laissé le secteur financier sans contrôle, ce qui a permis la désintermédiation, la déréglementation, et l’innovation financière, comme la titrisation. Cette transformation a globalisé les risques, rendant le système financier extrêmement vulnérable en cas de défaillance d’un acteur important.
La crise immobilière
L’immobilier joue un rôle central dans la crise de 2008. Baverez rappelle que l’immobilier représente le plus grand investissement des ménages et constitue une part majeure de leur patrimoine. Une bulle immobilière, comme celle qui a précédé la crise, est particulièrement dangereuse car elle touche une large part de la population, affectant leur consommation et, par extension, l’ensemble de l’économie.
Entre 1997 et 2007, les prix de l’immobilier ont explosé aux États-Unis (+171 %), au Royaume-Uni (+211 %), et en France (+139 %). Cette bulle immobilière était étroitement liée à la bulle du crédit, dont la pointe émergée était les subprimes. Le laxisme des agences de notation, qui ont accordé la note AAA à des véhicules de financement douteux, a aggravé la situation.
La crise bancaire et financière
À partir de l’été 2007, la pression sur la liquidité et la solvabilité des banques a déclenché une spirale déflationniste par la dette. Baverez souligne que les règles prudentielles de Bâle II, bien qu’elles aient contribué à l’éclatement de la bulle de liquidité, se sont révélées procycliques en durcissant les contraintes de solvabilité en pleine crise. La faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008, qualifiée par Baverez de « pire erreur de politique économique depuis le choix de la FED d’augmenter ses taux directeurs au lendemain du krach d’octobre 1929. », a provoqué un choc systémique global, exacerbé par la déréglementation, l’internationalisation et les innovations financières.
La crise économique et sociale
La crise financière a rapidement contaminé l’ensemble de l’économie. Baverez décrit comment l’explosion du système fondé sur l’endettement a entraîné une chute de la consommation dans les pays développés, un effondrement des carnets de commandes des entreprises, et une baisse drastique des exportations des pays émergents. L’État, seul acteur en mesure d’intervenir, a dû mettre en place des plans de relance, des prêts, des garanties, des recapitalisations et des nationalisations pour stabiliser l’économie.
Conclusion : La fin du monde néolibéral
« Le cycle néolibéral, né à la fin des années 1970 en réponse au blocage de la régulation keynésienne des pays développés s’est refermé le 15 septembre 2008 »
Ce cycle, caractérisé par la déréglementation et la suprématie des marchés financiers, a été dynamité par la crise, laissant place à une économie administrée où l’État joue un rôle central. La récession, la dépression et la déflation qui ont suivi la crise ont montré les limites du modèle néolibéral et la nécessité de repenser les fondements du capitalisme mondial.
Points clés à retenir :
– Le 15 septembre 2008 est une date clé, marquant le début d’une crise financière globale.
– La crise de 2008 a mis fin à un cycle néolibéral de la mondialisation, remettant en cause l’ordre économique, géopolitique, politique, et idéologique mondial.
– La bulle immobilière et du crédit, alimentée par une politique monétaire expansionniste et un laxisme réglementaire, est au cœur de la crise.
– La faillite de Lehman Brothers est qualifiée de « pire erreur de politique économique » depuis 1929, déclenchant un choc systémique global.
– La crise a entraîné une récession mondiale, obligeant les États à intervenir massivement pour stabiliser l’économie.
– La fin du cycle néolibéral a ouvert une nouvelle ère où l’État joue un rôle central dans la régulation économique.