Auteur :
Racine
Date de création :
1677
Personnages principaux :
- Thésée, fils d’Égée, roi d’Athènes, mari de Phèdre et père d’Hippolyte, absent au début de la pièce
- Phèdre, femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé : victime de la vengeance de Vénus, a un désir incestueux pour son beau-fils Hippolyte
- Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope : victime du désir incestueaux de Vénus et amoureux d’Aricie
- Aricie, princesse du sang royal d’Athènes, sœur des Pallantides, clan ennemi : amoureuse d’Hippolyte
Et les personnages secondaires, confidents des personnages principaux :
- Œnone, nourrice et confidente de Phèdre
- Théramène, gouverneur d’Hippolyte
- Ismène, confidente d’Aricie
- Panope, femme de la suite de Phèdre
Résumé :
Cette tragédie en en cinq actes et en vers narre l’histoire de Phèdre, amoureuse, d’un amour monstrueux, de son beau-fils Hippolyte, alors que son mari, le roi Thésée, est absent depuis six mois. Hippolyte lui aime Aricie, princesse athénienne dont les sentiments sont réciproques, malgré le fait que leurs familles soient ennemies, sa famille ayant été évincée du trône par Thésée, raison pour laquelle Hippolyte essaye de se cacher cet amour. Alors qu’Hippolyte, constatant toujours l’absence de son père, veut rendre le trône à Aricie, Phèdre lui avoue son amour après l’avoir appris à Oenone. Cet amour, incestueux, est repoussé par Hippolyte, et transporte Phèdre dans toute la souffrance.
Mais quand Thésée revient, Oenone, pour protéger Phèdre, lui annonce qu’Hippolyte a voulu violenter la reine qui a menacé de se tuer, quand ce dernier veut lui avouer son amour pour Aricie. Phèdre, consciente de la portée que pourraient avoir ces allégations sur la vie d’Hippolyte, souhaite les nier, mais c’est juste avant qu’elle apprenne l’amour d’Hippolyte et d’Aricie. Elle ne revient donc pas sur ses accusations.
La vie d’Hippolyte se voit ensuite écourtée, Neptune le faisant tuer par un monstre marin dont le récit est fait par Théramène. A l’annonce de sa mort, Phèdre révèle la vérité à Thésée et se suicide en s’empoisonnant.
Analyse :
Dans cette pièce, le génie de Racine est d’avoir unifié deux sujets, la légende d’Hippolyte transmise par Euripide qui relate une vengeance, celle d’Aphrodite, vexée que ce jeune homme dédaigne les femmes, qui fait qu’il devient la victime de la passion de Phèdre, qui se pend en l’accusant de l’avoir violé par une lettre. Ce sujet se mêle avec la Phèdre de Sénèque dont il parle aussi, où elle tente de séduire Hippolyte et calomnie le jeune homme directement en l’accusant de viol. Cette dernière est une pièce violente, et Racine a préféré passer par Oenone du fait que la calomnie a quelque chose de trop bas et noir pour la mettre dans la bouche d’une princesse selon lui.
L’innovation majeure de Racine est la création de deux coups de théâtres avec la disparition et l’apparition de Thésée, reposant sur la présence et l’absence du père. Cett pièce repose sur une binarité avec une combinaison entre le secret et la révélation, avec le double motif du jour et de la nuit.
Cette pièce se concentre sur des personnages antiques avec une transmission des Anciens par les Modernes. Ils incarnent, au fil du temps, des sortes d’archétypes qui viennent nous parler des passions et qui permettent une réflexion sur elles : on a ici une représentation du désastre des passions avec au centre de la pièce le personnage le plus monstrueux qui soit, Phèdre, lucide sur son crime. Cette pièce est donc un ensemble réflexif qui permet une appréhension de la force des passions.
En effet, ce théâtre nous touche parce qu’il représente par ses formes archétypales et lointaines quelque chose qui à a avoir avec le plus profond de nous, la « horde primitive », touchant à deux tabous essentiels, constitutifs de notre société, que sont l’inceste et l’infanticide dépassant ainsi le simple mythe pour toucher au tabou essentiel.
Citations extraites du livre :
- Acte I, scène 3, vers 161 : « Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire. » – Phèdre
- Acte I, scène 3, v. 273-274 : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue, // Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue. » – Phèdre
- Acte I, scène 3, v. 283 : « D’un incurable amour remèdes impuissants ! » – Phèdre
- Acte IV, scène 6, v. 1269-1270) « Mes crimes désormais ont comblé la mesure ; // Je respire à la fois l’inceste et l’imposture » – Phèdre
- Acte IV, scène 2, v. 1112 : « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. » – Hippolyte
Illustration : Phèdre par Alexandre Cabanel 1880.