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Les films à voir sur le thème de l’image

Sommaire

La rentrée en classe préparatoire approche et l’heure de débuter ton travail a sonné. La rentrée est un moment très important dans la mesure où tu disposes encore du temps te permettant de lire des livres, de regarder des films…sans être poursuivi par le stress des révisions, colles ou concours blancs. C’est pourquoi nous t’enjoignons à profiter de cette période pour débuter ton travail sur les oeuvres qui pourraient t’aider pour l’épreuve de culture générale. Pour rappel, le thème de l’année 2024-2025 est « l’image ». 

Dans cet article, nous te proposons une sélection d’oeuvres cinématographiques te permettant au mieux d’aborder et de comprendre les enjeux de la notion « d’image ». Nous t’enjoignons à relever des citations, tes impressions et les réflexions qu’éveillent ce livre en toi au cours de ta lecture, afin de pouvoir en maximiser l’utilité. Nous proposerons au cours de l’année des analyses d’oeuvres philosophiques, théoriques, artistiques, cinématographiques et littéraires autour de la notion d’image. 

 

Dziga Vertov, L'homme à la caméra, 1928

L’Homme à la caméra, réalisé en 1929 par Dziga Vertov, est un film expérimental soviétique. Le film suit une journée dans la vie d’une ville soviétique, capturée par un opérateur de caméra qui documente des scènes de la vie quotidienne, allant du travail en usine aux loisirs des citoyens. À travers une série de techniques cinématographiques novatrices, telles que le montage rapide, le stop-motion, les angles de caméra inhabituels, et les superpositions d’images, Vertov explore les possibilités du cinéma comme un outil pour capturer et transformer la réalité. Le film est à la fois un hommage à la modernité industrielle et un manifeste sur le potentiel du cinéma à transcender la simple reproduction de la réalité.

Ce film est très intéressant pour aborder la question de l’image, notamment du point de vue de l’art. Vertov rejette l’idée du cinéma comme simple moyen de capturer la réalité telle qu’elle est. À travers ses techniques de montage et d’expérimentation visuelle, il montre que le cinéma est un outil puissant pour restructurer et réinterpréter la réalité. Les images ne sont pas seulement des reflets du monde, mais des constructions qui peuvent révéler des vérités cachées ou offrir des perspectives nouvelles. Vertov conceptualise le cinéma comme une extension des capacités humaines de perception. Le “Kino-Glaz” est une caméra qui voit et capture des aspects de la réalité inaccessibles à l’œil nu. En manipulant les images, Vertov propose que le cinéma puisse aller au-delà de la simple observation pour devenir un outil de compréhension et de transformation du monde. 

De plus, en montrant à la fois les scènes de la vie quotidienne et le processus de tournage de ces scènes, Vertov expose la construction des images cinématographiques. Cela incite le spectateur à réfléchir à la manière dont les images sont produites, manipulées, et présentées. En exposant le dispositif cinématographique, L’Homme à la caméra invite à une prise de conscience critique sur le pouvoir et les limites des images.

 

Michelangelo Antonioni, Blow-Up, 1966

Blow-Up (1966) , réalisé par Michelangelo Antonioni en 1966, se déroule à Londres dans les 1960. Le film suit Thomas, un photographe de mode qui ne prend que des photos superficielles de mannequin. Mais un jour, en se promenant dans un parc, il photographie un couple apparemment amoureux. En développant les photos, il découvre un détail troublant : en agrandissant les images, il croit percevoir un corps gisant dans les buissons, suggérant qu’il a peut-être accidentellement capturé une scène de meurtre. Thomas continue donc d’agrandir les images pour essayer de percer le mystère, mais à mesure que l’image devient plus floue et granuleuse, la réalité elle-même semble lui échapper.

Le film explore ainsi l’idée que les images, même celles qui semblent représenter la réalité de manière objective, peuvent être trompeuses. Le protagoniste, Thomas, croit découvrir une vérité cachée en agrandissant les photos, mais plus il cherche à clarifier ce qu’il voit, plus l’image devient floue. Mais Antonioni montre également que les images sont ouvertes à diverses interprétations. Ce que Thomas voit ou croit voir dépend de son point de vue, et le spectateur est également laissé dans l’incertitude. Cela met en lumière le fait que l’image n’est jamais purement objective, mais toujours filtrée par l’œil et l’esprit de celui qui la regarde.

De manière plus générale, le film est également une critique de la culture de l’image des années 1960, en particulier dans le milieu de la mode et de la photographie. Les images sont omniprésentes, mais elles sont souvent superficielles et déconnectées de toute signification réelle. Thomas, en tant que photographe, est entouré d’images sans substance, ce qui reflète une critique de la superficialité de la société moderne.

 

Ingmar Bergman, Persona, 1966

Persona (1966) est un film psychologique et expérimental réalisé par Ingmar Bergman, souvent considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre. Le film raconte l’histoire d’Elisabet Vogler, une actrice célèbre qui, après avoir soudainement cessé de parler pendant une représentation théâtrale, se retire dans une maison isolée au bord de la mer sous la garde d’Alma, une jeune infirmière. Alors qu’Alma s’efforce de comprendre le silence d’Elisabet, une relation intense et complexe se développe entre les deux femmes. Alma, d’abord confidente, commence à se projeter dans Elisabet, et les frontières entre leurs identités deviennent de plus en plus floues.

Le film est réputé pour son interrogation sur les thèmes de l’identité, la communication, la folie, et le rôle des masques sociaux. Bergman utilise un langage visuel frappant, avec des images métaphoriques et une structure narrative fragmentée, pour exprimer les conflits internes des personnages. Le film commence et se termine par des séquences expérimentales qui brisent la quatrième dimension, rappelant au spectateur la nature artificielle du cinéma.

Persona propose une réflexion sur l’identité et la manière dont elle peut se troubler, le terme « persona » renvoyant au masque. L’image devient le lieu de ce trouble, avec la superposition des visages dans l’une des scènes les plus mémorable du film par exemple. L’image est ainsi le lieu de réflexion sur l’intime et l’identité et comment celle-ci peut en révéler le caractère illusoire. Cette image cinématographe est d’autant plus puissante que les personnages ne parlent quasiment pas. Néanmoins, cette image cinématographique est elle-même illusoire, ce que Bergman souligne par sa déchirure au sein même du film. 

 

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Andreï Tarkovski, Le miroir, 1975

Le Miroir (1975) est un film réalisé par Andreï Tarkovski. Celui-ci opère un collage de souvenirs, de rêves, et de réflexions montés de manière non-chronologiques, comme les souvenirs d’un homme mourant : le film mêle ainsi des séquences en couleur, en noir et blanc, et des archives historiques, entrelacées avec des scènes de la vie familiale, des images de la Seconde Guerre mondiale, et des moments de la nature.

Le Miroir explore la manière dont les images fonctionnent comme des fragments de mémoire. Tarkovski montre que les souvenirs ne sont jamais linéaires ou cohérents, mais qu’ils se composent de moments disjoints, d’impressions sensorielles, et d’émotions intenses. Le film recrée cette expérience subjective du souvenir à travers un montage non linéaire et des images qui capturent l’essence des émotions plutôt que des faits précis. De plus, chaque image dans Le Miroir est lourdement chargée de symbolisme. Les objets, les paysages, et même les mouvements de caméra sont porteurs de significations multiples et souvent personnelles. Tarkovski utilise les images pour exprimer des idées et des émotions qui ne peuvent être pleinement saisies par les mots, soulignant ainsi le pouvoir unique de l’image cinématographique.

Le film ne se contente pas de montrer des souvenirs, il les fait vivre au spectateur à travers une approche sensorielle. Les images sont accompagnées de sons, de textures, et de rythmes qui engagent pleinement les sens. Ce traitement des images vise à immerger le spectateur dans l’expérience subjective du protagoniste, rendant les souvenirs presque tangibles.

Enfin, Tarkovski s’intéresse à ce qui se cache derrière les images, à l’invisible et au mystère qu’elles suggèrent. Le Miroir est plein d’ellipses et de non-dits qui laissent place à l’interprétation, renforçant l’idée que les images peuvent évoquer des réalités qui dépassent leur apparence immédiate. Le film invite ainsi à une réflexion sur ce que les images montrent, mais aussi sur ce qu’elles ne montrent pas, sur ce qu’elles laissent dans l’ombre.

 

Marguerite Duras, Le camion, 1977

Le Camion (1977) est un film réalisé par Marguerite Duras. Celle-ci lit durant tout le film un scénario à Gérard Depardieu, dans lequel une femme, recueillie par un camionneur en stop, partage ses réflexions personnelles. Mais nous ne voyons à aucun moment ces deux protagonistes : le film ne mêle que la voix de Duras et les images d’un camion s’avançant sur les routes. 

Le Camion explore la tension entre l’image et le récit en dissociant les deux. Duras rompt avec la convention cinématographique traditionnelle qui veut que les images illustrent directement le récit. Au lieu de cela, elle laisse les spectateurs combler les lacunes entre ce qu’ils entendent et ce qu’ils voient, les forçant à utiliser leur imagination pour créer des images mentales en réponse à la narration. Ainsi, le film met en avant le pouvoir de l’imaginaire sur l’image visuelle. En fournissant un récit sans le représenter visuellement, Duras invite le spectateur à s’engager activement dans la création des images manquantes. Ce procédé souligne que les images que nous construisons dans notre esprit peuvent être aussi puissantes, sinon plus, que celles projetées à l’écran, suggérant que le cinéma peut être un art de la suggestion, de l’absence, et de l’évocation plutôt que de la simple reproduction.

 

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Agnès Varda, Ulysse, 1982

Ulysse est un court-métrage documentaire réalisé par Agnès Varda en 1982. Le film s’articule autour d’une photographie prise par Varda en 1954, représentant un homme nu, un garçon, et une chèvre morte sur une plage. Le documentaire explore les souvenirs et les significations associées à cette image. Varda revient sur la photo près de 30 ans après l’avoir prise et entreprend de retrouver et interroger les personnes présentes sur la photographie, ainsi que d’explorer ses propres souvenirs et interprétations de l’image.

Varda examine comment les souvenirs des personnes photographiées diffèrent de son propre souvenir de la scène, soulignant la manière dont une seule image peut donner lieu à une multitude d’interprétations et de significations personnelles. Ainsi, le film démontre que les images ne racontent pas toute l’histoire. Elles capturent un instant, mais la compréhension de cet instant est toujours partielle et ouverte. En revisitant son propre travail, Varda montre que chaque visionnage d’une image peut révéler de nouveaux détails et susciter de nouvelles questions, faisant de l’image un récit en perpétuelle construction.

 

Chris Marker, Sans soleil, 1983

Sans Soleil (1983) est un film-essai réalisé par Chris Marker, qui se présente sous la forme d’un carnet de voyage méditatif. Le film est une exploration poétique et philosophique de la mémoire, du temps, et de la représentation à travers une série de lettres fictives envoyées par un mystérieux caméraman, Sandor Krasna, à une narratrice anonyme. Ces lettres, lues en voix off, accompagnent un montage d’images hétérogènes capturées lors de voyages au Japon, en Guinée-Bissau, en Islande, et ailleurs. Marker juxtapose des scènes de la vie quotidienne, des rituels culturels, des monuments historiques, et des images d’archives pour réfléchir sur la nature du souvenir et la manière dont les images façonnent notre compréhension du monde. Le film ne suit pas une narration traditionnelle, mais plutôt une structure libre et associative qui reflète la nature fragmentaire et subjective de la mémoire. 

Sans Soleil explore profondément la relation entre les images et la mémoire. Chris Marker montre comment les images capturées par la caméra deviennent des fragments de mémoire qui peuvent être revisités, réinterprétés, et réassemblés. Le film pose des questions sur la fidélité des images pour représenter la réalité passée, soulignant la subjectivité inhérente à toute tentative de capturer le temps. Pour cela, Marker utilise le montage pour créer des associations inattendues entre des images de différentes cultures, époques, et contextes. Ce procédé souligne que le sens d’une image ne réside pas uniquement en elle-même, mais aussi dans la manière dont elle est liée à d’autres images. Outre le montage, Sans Soleil mêle également des images générées par des ordinateurs : cela permet d’aborder la question de l’impact de la technologie sur notre perception de la réalité en s’interrogeant sur la manière dont les caméras, les ordinateurs, et les dispositifs de manipulation d’images modifient notre rapport au monde, en brouillant les frontières entre le réel et le virtuel, entre le passé et le présent.

De plus, le film explore comment les images participent à la construction de la réalité culturelle. Marker interroge les représentations exotiques et la manière dont les images d’autres cultures sont souvent réduites à des clichés ou des stéréotypes. Il montre que chaque image est filtrée par le regard de celui qui la capture, et par les attentes culturelles du public qui la consomme.

 

Krystof Kieslowksi, La double vie de Véronique, 1991

 La Double Vie de Véronique (1991) est un film mystique et poétique réalisé par Krzysztof Kieślowski. Il raconte l’histoire de deux jeunes femmes identiques, Weronika en Pologne et Véronique en France, qui ne se connaissent pas mais partagent un lien mystérieux. Elles sont physiquement identiques, ont des talents musicaux, et vivent des émotions semblables, mais Weronika, qui souffre d’une maladie cardiaque, meurt soudainement alors qu’elle chante lors d’un concert. Véronique, en France, ressent sa mort sans la comprendre, et cela l’amène à faire des choix qui modifient le cours de sa propre vie.

Le film explore le concept de la double identité à travers les deux personnages, Weronika et Véronique. Kieślowski utilise l’image pour montrer que malgré la distance géographique et culturelle, les deux femmes sont connectées d’une manière inexplicable. Les images des deux vies parallèles invitent le spectateur à réfléchir sur l’idée de destin partagé et sur la manière dont nos vies peuvent être influencées par des forces invisibles. Ce film permet donc de s’interroger sur la manière dont on pourrait appréhender l’existence de notre double, d’une personne à notre image. 

De plus, Kieślowski se sert de l’image pour exprimer des émotions et des états d’âme intérieurs. La caméra, souvent proche des personnages, capte des moments d’introspection silencieuse, des reflets dans les miroirs ou les vitres, et des jeux de lumière qui traduisent l’intériorité des personnages. Ces images soulignent l’idée que le cinéma peut capturer non seulement l’apparence extérieure, mais aussi l’essence spirituelle d’une personne.

 

Jean-Luc Godard, Le livre d’image, 2018

Le Livre d’image (2018) est un film-essai expérimental réalisé par Jean-Luc Godard. Le film se présente comme un collage audiovisuel qui mélange des extraits de films, des séquences vidéo, des images d’archives, des peintures, des textes et des voix off, le tout accompagné d’une bande sonore fragmentée. Il est divisé en plusieurs chapitres, chacun abordant des thèmes variés comme la violence, la guerre, la culture, et la représentation. Godard utilise ce montage pour réfléchir sur l’histoire du cinéma et des images, mais aussi sur la manière dont les images façonnent notre perception du monde. Le film ne suit pas une narration linéaire et adopte une structure déconstruite qui force le spectateur à s’engager activement pour essayer de donner un sens à l’ensemble. Le Livre d’image est autant une méditation sur la nature des images que sur leur pouvoir politique et leur rôle dans le façonnement des idées et des sociétés.

Dans ce film, Godard déconstruit les images et leur signification en les détachant de leur contexte original et en les réassemblant de manière inattendue. Cette approche met en évidence la manière dont les images, une fois sorties de leur contexte, peuvent acquérir de nouvelles significations, parfois radicalement différentes. Le Livre d’image explore l’idée que les images, tout comme les mots, peuvent être utilisées pour raconter des histoires, mais aussi pour manipuler, persuader, et influencer, notamment dans un but de justifier des idéologiques. 

De plus, dans sa forme, le film adopte une structure fragmentée qui reflète la nature éclatée de l’expérience moderne de l’image. Cette fragmentation force le spectateur à se confronter à l’idée que les images, tout comme les pensées et les souvenirs, ne sont jamais complètes ou fixes, mais toujours en mouvement, toujours en train d’être recomposées.

 

Eleonor Weber, Il n’y aura plus de nuit, 2022

Il n’y aura plus de nuit (2020) est un documentaire réalisé par Éléonore Weber qui explore l’usage militaire des caméras embarquées sur les hélicoptères et les avions de chasse, principalement dans les conflits en Afghanistan et en Irak. Le film est constitué principalement de vidéos en vision nocturne, enregistrées par des soldats, montrant des scènes de surveillance et, souvent, des frappes aériennes. Ces images, capturées par des caméras thermiques, montrent les cibles humaines comme des silhouettes blanches sur fond noir, déshumanisées et réduites à des objets à éliminer.

Le film ne propose pas de narration classique, mais se présente plutôt comme une réflexion sur la guerre, la violence et la perception à travers l’image. Les voix-off des pilotes, qui commentent froidement leurs actions, contrastent avec la brutalité des scènes filmées. Il n’y aura plus de nuit interroge la manière dont la technologie transforme l’acte de voir par l’image en un acte de pouvoir et de violence. De plus, Les caméras thermiques, en réduisant les corps à des silhouettes, privent ces personnes de leur individualité et de leur humanité. Le film montre comment l’image peut devenir un instrument de déshumanisation, facilitant la violence en distanciant les tueurs de leurs victimes.

Ainsi, le film permet une réflexion sur l’éthique de l’image, notamment sur la manière dont ces images de guerre sont utilisées, montrées, et interprétées. Weber invite à réfléchir sur les limites de ce que l’on peut ou doit montrer, et sur la responsabilité des créateurs et des spectateurs face aux images violentes. La juxtaposition de la froideur des voix-off militaires avec les images de mort invite à une prise de conscience sur la manière dont l’image peut banaliser l’horreur.

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Corentin Viault