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En France, « la réindustrialisation est la mère des batailles »

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France réindustrialisation

Le 10 mai 2023, Emmanuel Macron dévoilait dans une interview pour l’édito Challenges que « la réindustrialisation est la mère des batailles ». Le mouvement de réindustrialisation de la France est bel et bien engagé, les premiers signaux commencent à éclairer le terrain mais pas encore le niveau de production.

La désindustrialisation, un mal profondément français

Nicolas Dufourcq, dans son ouvrage publié en mai 2022 La désindustrialisation de la France, 1995-2022, nous dit que « la désindustrialisation française est un moment majeur de l’histoire et pourtant elle est couverte d’un halo de mystère. Entre 1995 et 2015, le pays s’est vidé de près de la moitié de ses usines et du tiers de ses emplois industriels […]. Depuis 1980, la France a perdu 2,2 millions d’emplois industriels. » Les chiffres sont en effet éloquents : il y a aujourd’hui 7,5 millions d’emplois dans l’industrie allemande, contre 2,7 millions dans l’industrie française.

Emmanuel Macron tire lui-même un constat de désindustrialisation symptomatique à la France au cours de l’interview pour Challenges : « tous les pays européens ont été frappés par une forme de désindustrialisation à partir de la fin des années 1980 jusque dans les années 2000. Nous l’avons été beaucoup plus que les autres. » Le chef de l’Etat va jusqu’à ajouter « il y a même eu à un moment la théorisation du choix d’un modèle moins industriel afin de devenir une grande nation de services. ».

Il synthétise ce phénomène français de la manière suivante : « pendant trente ans, nous avons été le seul pays d’Europe à ne pas savoir gagner la bataille contre le chômage de masse, à avoir de telles difficultés avec les déficits publics et avec notre commerce extérieur. Tout cela est notamment lié à notre désindustrialisation. ».

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En France, les premiers signaux de la réindustrialisation apparaissent

Alors que comme nous venons de le voir la France avait l’habitude au cours des dernières décennies à se vider de ses usines, l’Hexagone connait un solde positif de 280 usines depuis 2017. L’an dernier, les investissements étrangers dans l’industrie ont représenté 43 % des projets accueillis, selon le cabinet d’audit-conseil EY.

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L’Hexagone attire désormais également des « gigafactories ». Notamment grâce à l’adoption en avril 2023 par les Vingt-Sept du « Chips Act », un plan pour doubler la part de marché de l’Union européenne sur les semi-conducteurs, des industriels étrangers comme STMicroelectronics et GlobalFoundries ont décidé de s’implanter en France, plus précisément à Crolles en Isère pour créer une nouvelle usine de semi-conducteurs. D’un montant de 7,5 milliards d’euros, ce projet hors normes est « « le plus grand investissement industriel des dernières décennies, hors nucléaire », selon l’expression de Bruno Le Maire, avec à la clé, la création de 1 000 emplois. Il convient également de noter les gigafactories de batteries automobiles des groupes ProLogium, Stellantis, Verkor, Envision, Bolloré, etc…

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Enfin, certains fabricants relocalisent pour mieux contrôler leurs chaînes de production. Le cabinet d’audit-conseil PwC s’est penché sur ce phénomène sur la période 2020-2023 en analysant 58 familles de produits qui, il y a trois ans, ont été identifiés comme « propices et prioritaires » pour une relocalisation (20 dans la santé, 13 dans l’agroalimentaire et l’électronique et 12 dans les Industries de process et d’assemblage). Globalement, le mouvement semble enclenché puisque « 33 catégories sur les 58 catégories de produits propices et prioritaires ont fait l’objet d’actions de relocalisation réparties de manière homogène par secteur d’activité », souligne le cabinet. Au total, ces relocalisations représentent 47,1 milliards d’euros d’investissements et 48 000 emplois.

Pour autant, ce dynamisme n’est pas encore visible au niveau de la production. L‘industrie manufacturière en France est ainsi tombée de 15 % du PIB en 2000 à 9 % en 2022 alors qu’elle représente en moyenne 15 % du PIB dans la zone euro et 18 % en Allemagne. En mai 2023, l’indice de la production était à peine supérieur à celui de 2016-2017.

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Pour conclure, la réindustrialisation est au cœur des actions de la France en matière économique, pourtant comme l’explique Pierre Benadjaoud, économiste France au Crédit Agricole et auteur d’une étude sur le sujet, « il faudra du temps pour voir si les efforts de réindustrialisation portent leurs fruits. Mais la France peut récupérer des parts de marché au niveau européen ».

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Damien Copitet
Je suis étudiant à SKEMA BS après deux années de classe préparatoire au lycée Gaston Berger (Lille). Nous nous retrouvons toutes les semaines pour l'actualité en bref