Les samedi 9 et dimanche 10 septembre 2023, l’Inde accueille son deuxième sommet du G20. Une occasion pour le premier ministre ultranationaliste hindou Narendra Modi de montrer que le pays le plus peuplé sur Terre (1,4 milliard) est prêt à participer au leadership mondial.
Un G20 marqué par une victoire pour l’Afrique mais peu d’avancées sur l’Ukraine et le climat
Les 20 pays les plus riches de la planète ont invité dès le début du sommet, l’Union africaine (UA) à rejoindre leurs rangs. Un signal fort alors que l’organisation de 55 pays n’avait qu’un seul représentant auparavant, l’Afrique du Sud.
Même si le premier ministre indien a réussi à faire adopter une déclaration commune sur le conflit ukrainien, celle-ci ne mentionne plus que l’ « emploi de la force » russe et non plus le terme d’ « agression » préféré lors du G20 de Bali de l’année précédente. Si l’Ukraine se sent lésée par cette déclaration, Narendra Modi s’impose en médiateur en réussissant à obtenir aussi bien les signatures occidentales que russes.
Alors qu’ils représentent 80% des émissions de gaz à effet de serre mondiales, les pays du G20 se sont contentés de déclarations de bonnes intentions non contraignantes. Ils se sont, par exemple, engagés à sortir du charbon sans proposer de calendrier précis. Ils espèrent cependant tripler leur capacité en énergies renouvelables d’ici 2030. Enfin, le conflit entre pays développés et en développement sur la question de la responsabilité climatique est demeuré l’obstacle principal à des avancées communes majeures.
Une démonstration de force pour un Narendra Modi qui vise les élections de printemps 2024
Le gouvernement indien a débloqué un budget colossal (120 millions de dollars) afin de faire du sommet un véritable outil de propagande pour le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti ultra nationaliste au pouvoir. De l’aéroport de New Dehli aux lieux de rencontre du sommet en passant par les routes, les panneaux d’affichage à l’effigie du premier ministre sont partout, une campagne publicitaire monumentale dans l’optique d’ériger le premier ministre comme un grand leader mondial dans les mentalités indiennes. En effet, Narendra Modi compte bien utiliser tous les moyens à sa disposition afin de briguer un troisième mandat en 2024.
En parallèle de cette personnification du pouvoir, le premier ministre a profité de l’événement afin de poser les bases du potentiel changement de nom de son pays dans les mois qui suivent. En effet, 76 ans après son indépendance, le pays porte toujours le nom « India » imposé par les britanniques. Le BJP espère le remplacer par le nom hindi « Bharat » dans un souci nationaliste de rejet du passé colonial et d’affirmation du renouveau de la puissance indienne. Cette stratégie a déjà commencé, le premier ministre recourt généralement au mot « Bharat » et les invitations au diner du G20 du samedi 9 septembre présentait déjà la présidente indienne, Droupadi Murmu, comme « The President of Bharat ». Une proposition de loi du BJP visant à acter ce changement de loi est prévu dans les semaines à venir au parlement.
Derrière cette façade trompeuse, l’Inde demeure le pays le plus pauvre par habitant du G20
Si les rues de New Delhi ont pu sembler propres et paisibles lors du sommet du G20, c’est parce que le pouvoir indien a employé des moyens colossaux afin de dissimuler le chaos urbain habituel. Ramassage des mendiants dans la rue, nettoyage massif des rues, mise en place de postes de contrôle : tout a été mis en place pour empêcher la pauvreté de ternir l’image de puissance d’envergure mondiale revendiquée par Narendra Modi durant le sommet.
Pourtant la pauvreté en Inde reste une réalité malgré une forte croissance économique (+7,2% en 2022). En effet, 800 millions d’Indiens dépendent toujours de rations alimentaires pour se nourrir et les grandes villes comme Mumbai rassemblent quartiers d’affaires aux allures de la City et bidonvilles de plusieurs centaines de milliers de personnes. La croissance indienne est fortement inégale et les 10% plus aisés monopolisent toujours plus de 75% de la richesse nationale. Enfin, la démographie galopante du pays (gain de 10-15 millions d’habitants par an en moyenne) ne fait qu’empirer les choses dans la mesure où le marché du travail indien peine de plus en plus à absorber les primo-travaillants.
Pour aller plus loin :
Créer de l’emploi : le défi de l’Inde
Pour conclure, si le gouvernement indien a reçu l’organisation du G20 comme une réussite diplomatique et interne, le pays demeure un colosse démographique aux pieds d’argile.