Alain Nonjon, jury de concours de géopolitique, décortique le sujet tombé lors de l’épreuve de Géopolitique ESSEC 2024 !
Un sujet de Géopolitique classique !
Le sujet de Géopolitique ESSEC 2024 est très classique pour trois principales raisons :
- car la frontière est une notion centrale de la géopolitique , le lieu où se délimitent les identités les rapports de force
- car la globalisation est un processus étudié par les candidats, et désigne pour les Anglais le processus de mondialisation et pour les Français plutôt une référence Fallait il introduire la distinction décrite par Cynthia Ghorra Gobin ? « la mondialisation se définit comme un processus multidimensionnel concernant différents aspects de la vie des sociétés et des individus (échanges registres culturels , social , environnemental et économique et évoquant l’avènement d’un territoire monde , d’une société monde La globalisation ne fait pas elle référence à une représentation du monde renvoie plus simplement à la métamorphose d’un capitalisme émancipé du national (ou postfordiste ) et financiarisé .elle convoque plutôt la révolution numérique et souvent porte sur la sphère financière Les Anglais n’ayant pas opté pour el terme « worldization » le terme de « globalization » couvre pour eux mondialisation et globalisation … bref autant dire que le distinguo n’était pas « prioritaire » dans le sujet posé .
- car par deux fois déjà la thématique des frontières avait été retenue ;ESCP en 2022 vers un retour des frontières et à Ecricome 2019 un monde sans frontière :une utopie dépassée ? y aurait-il donc comme l’écrit M Foucher une obsession des frontières ? On notera que chaque fois le sujet est accompagné d’un point d’interrogation preuve s’il en fallait de débattre :ici le terme de paradoxe (para à côté de et doxos sens commun ) qui décrit une proposition contraire à l’opinion commune ,ou une association de d2 faits contradictoires devait donc être débattu .
Proposition de plan du sujet Géopo ESSEC par Alain Nonjon
Voici ci-dessous la proposition de plan présentée par Alain.
I. La globalisation induit a priori une dévaluation des frontières sinon leur disparition : un lieu commun ?
- Le sans frontiérisme une utopie qui a la vie dure ; de Benjamin Constant (1813) à Thomas Friedman et sa terre plate ou O’brien et la « fin de la géographie ».avec ses adeptes du sans-frontiérisme (V Hugo « qui a intérêt aux frontières ? » ou ses idéalistes Michael Moore « un monde sans mur » …
- Des évolutions inhérentes à la mondialisation :flux commerciaux en progression même ralentie 25300mds de $ en 2022 IDE 1500mds de $ ; poids des migrations plus d’1md d’hommes en situation de mobilité dont 240M pour traverser les frontière de leur Etat, NTIC qui fluidifient l’information et se jouent des frontières coopérations économiques qui transcendent les frontières ZIR Espaces sans frontières communs ,cyberespace ou le spatial depuis 1963, des risques planétaires( pandémies accidents écologiques qui ne s’arrêtent pas aux frontières (cf Tchernobyl ))
- Des dynamiques parties intégrantes de la globalisation
- Des transferts de souveraineté des Etats au profit de gouvernance régionale ou planétaire (globalisation et règle prudentielles sans frontières ) règles de l’OMC même si exception culturelle La multinationalisation et l’optimisation fiscale les interfaces frontaliers et la déterritorialisation de production bref plus qu’un lieu commun à retrouver chez Kenichi Ohmae « une économie mondiale devenue si puissante qu’elle a englouti presque fait disparaître les frontières nationales traditionnelles et qu’elle tire la bureaucratie l’armée et le milieu politique vers le statut de secteur en déclin » … prophétie qui date bien sûr !
II. La globalisation dans son déroulement mais aussi ses excès, génère des frontières, borne des territoires: un paradoxe banalisé !
- Globalisation et revendications identitaires nationales cohabitent:prolifération cancéreuses des Etats (21 dans la seule décennie 1974-1984) multiplication des frontières avec 193 Etats à l’Onu contre 51 à la création de cette assemblée , plus de 3000m de frontières politiques tracées depuis la guerre froide activation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes création du Sud Soudan de Timor , règlement de différends par al création de frontières séparation république Tchèque et slovaque … 1989 érection d’un mur provisoire entre San Diego et Tijuana et la même année chute du mur de Berlin … réunification allemande ! La mondialisation n’empêche pas la Catalogne de vouloir faire sécession !De fait la chute des empires , al décolonisation , devenue accès à l’indépendance mépris du droit international en jouant sur des identités historiques fantasmées …justifiant parfois al guerre cf Poutine et « l’activisme qui consiste à promener sa frontière sur el territoire de l’autre (M Foucher) , et l’échec de certaines tentatives d’unification (Syrie Egypte après 1961 confortent l’idée qu’il peut y avoir concomitance entre globalisation et frontièrisation
- « Raidissement du monde et frontières de fer» Pour S Rozière les 2 vont de pair La globalisation peut entrainer un recours à l’encadrement des migrants en renforçant des frontières cf l’année où le >Maroc signe un accord de libre échange avec l’Europe la barrière de Ceuta est rehaussée « rebordering » qui vise à diriger les flux par la contrainte au travers de check points avec militarisation des frontières surveillance accrue des frontières (americano mexicaine ) retour aux murs 25000 km soit 10% des barrières mondiales )
- Globalisation et ses excès sources de critiques qui conduisent à réactiver des populismes frileux , des protectionnismes circonstanciés ,des démarches souverainistes de rupture , sinon un anti/altermondialisme défensifs … et « si plus d’internationalisme nous ramenait à la patrie » ? (J Jaurès) Tribalisme au reflux de la mondialisation pour B Badie …Frontières numériques au service de la désinformation (cf Chine et sa protection pour établir une dictature numérique ) .
III. Les mutations actuelles de la globalisation complexifient le rapport aux frontières et bousculent les « prophéties » d’une fin des frontières bousculées ! le paradoxe confirmé !
- Une mondialisation qui se perpétue à un rythme plus lent (slowbalisation ) avec des démarches de friendly shoring (de campisme ) et de proximité , de derisking qui mettent un terme à l’euphorie de l’hypermondialisation et laisse une bonne place…. au retour des frontières .La frontière revit comme marqueur d’identité/ système de protection / de régulation des échanges , de mise en concurrence des territoires , de fixation de limites (pour recevoir l’autre il faut bien lui ouvrir sa porte donc lui faire franchir une frontière (R Debray éloge des frontières )la frontière est la « meilleure amie du cosmopolitisme elle reconnaît qu’il y a plusieurs mondes et que je m’y inscris à ma place »
- Des menaces qui auraient du susciter des réponses collectives mais qui débouchent souvent sur des réponses solitaires:terrorisme et l’utilisation de la globalisation pour frapper partout … réchauffement climatique et échecs multiples à prendre des engagements contraignants et transnationaux , la montée de la militarisation des économies et un nouveau multilatéralisme segmenté (cf Brics /Russie / désoccidentalisation /éclatement de l’Afrique /)cyberattaques et réponses nationales
- De fait la globalisation a un avenir (critique de la notion de démondialisation) et les frontières aussi :l’espace maritime se dote de frontières (Truman le plateau continental peut être regardé comme l(‘extension de la asse terrestre de al nation souveraine « une logique de mondialisation fermée se met en place ( murs qui s’installent à toutes les échelles (gated citis ) els conflits frontaliers se multiplient Mali Burkina Faso Russie Ukraine )il est temps de ressortir les équerres Wole Soyinka en Afrique retour à l’amour des frontières cf mot d’ordre de Deng Xiao Ping « aimons notre Chine relevons notre grande muraille »
