Dans une copie d’HGG ou à l’oral de géopolitique d’HEC, vous devez chercher à vous distinguer pour retenir l’attention du correcteur. La situation au Yémen est un exemple précis et peu répandu dans les copies. Comme cet article est détaillé, vous pourrez relier cet exemple à de nombreux sujets : le Moyen-Orient, la guerre, l’alimentation, le multilatéralisme, les mers et océans. Bonne lecture !
Cet article vous propose une synthèse de la géopolitique du Yémen. Après un récapitulatif de l’histoire du Yémen au XXe siècle, vous découvrirez les causes et aspects de la profonde crise géopolitique et humanitaire actuelle.
Le Yémen était autrefois l’un des berceaux de la civilisation au Moyen-Orient. Pourtant, le pays connaît aujourd’hui une grave crise politique et humanitaire. Depuis 2015, l’Arabie Saoudite impose un blocus sur les importations alimentaires du pays. Cette mesure radicale a profondément fragilisé le niveau de vie de la population yéménite. Par conséquent, l’Indice de Développement Humain (IDH) du pays se classe 183e sur 195 dans le monde.
La partition historique du Yémen, source actuelle de tensions géopolitiques
Deux États yéménites aux trajectoires opposées jusqu’en 1990
Jusqu’en 1990, le pays est divisé en deux États indépendants : le Nord-Yémen et le Sud-Yémen.
La particularité du Nord-Yémen est de n’avoir jamais été colonisé. Jusqu’en 1962, une monarchie féodale dirigée par un chef politico-religieux gouverne le pays. En 1962, une révolution renverse l’imam et établit la République du Nord-Yémen. Dès sa création, les dirigeants de cette république aspirent à conquérir le Sud-Yémen.
Le Sud-Yémen, quant à lui, avait été colonisé par les Britanniques. En 1967, les Britanniques partent du Sud-Yémen. S’établit alors une république marxiste-léniniste, la seule du monde arabe, les autres étant « socialistes ». C’est ainsi que le port d’Aden devient une base de l’URSS.
La réunification du Yémen : une absorption par le Nord aux conséquences géopolitiques actuelles
A la fin de la guerre froide, en 1990, le régime sud-yéménite s’effondre. S’ensuit la réunification des deux Yémen, sous l’égide du président du Nord-Yémen Saleh. Il s’agit d’un président sunnite, tout comme la majorité de la population du pays (70%).
Mais la minorité chiite du pays (30% de la population), localisée principalement au Nord-Yémen, n’accepte pas le pouvoir de la majorité sunnite représentée par Saleh. Les Yéménites chiites se révoltent contre la majorité sunnite du pays. Notons que la proportion de chiites au Yémen est la plus élevée du monde arabe, ce qui peut expliquer leurs revendications politiques.
Ces rebelles chiites sont appelés les houthistes, en référence à leur chef Houthi décédé. Les houthistes, chiites, sont soutenus par les Iraniens contre les sunnites du pays. En effet, par cette manœuvre, l’Iran espère encercler son rival sunnite saoudien par un arc chiite constitué de l’Irak et du Yémen.
Le voisin direct du Yémen, Oman, est obligé à la neutralité car les trois branches de l’Islam sont représentées dans sa population.
La situation actuelle au Yémen : une crise géopolitique, politique et humanitaire sans précédent
Une situation géopolitique complexe au Yémen
En 2011, les révoltes des Printemps Arabes fragilisent le pouvoir du président sunnite Saleh. Celui-ci est blessé dans une tentative de coup d’État. De plus, le président est inquiet de la montée en puissance de deux autres groupes rivaux au Yémen : Al-Qaida, et les indépendantistes sud-yéménites. Saleh se rapproche alors des rebelles chiites, dans un véritable renversement d’alliances.
Les Émirats Arabes Unis décident de soutenir le clan sudiste, celui qui milite pour l’autonomie du Sud-Yémen. Pourquoi ? Car une victoire des indépendantistes sud-yéménites offrirait aux Émirats Arabes Unis un accès à l’Océan Indien. A l’heure actuelle, les Émirats Arabes Unis sont prisonniers du détroit d’Ormuz, qui pourrait être fermé en cas de guerre Iran-Arabie-Saoudite. Grâce à cet accès, les Émirats Arabes Unis pourraient par exemple faire transiter des pipelines par le Yémen. Les Émirats Arabes Unis espèrent donc faire de ce dernier leur avant-port sur l’Océan Indien.
Après l’élection d’un nouveau président en 2012, l’alliance entre majorité sunnite et houthistes ne tient plus. L’Arabie Saoudite, pays à majorité sunnite, lance une coalition pour soutenir le président Hadi, successeur de Saleh. Cette coalition bombarde les positions houthistes. Le président Hadi reste au pouvoir jusqu’en 2022, mais à en croire François Frison-Roche, chercheur au CNRS, il ne jouissait d’aucun pouvoir réel (article France 24). Depuis 2022, un conseil de direction présidentielle a repris la présidence du Yémen.
A l’heure actuelle, aucun camp n’a clairement vaincu l’autre. Pour récapituler, les houthistes (soutenus par l’Iran) contrôlent une grande partie du Nord-Yémen. Le Sud se divise entre Al-Qaida, les troupes favorables au président Hadi (soutenu par l’Arabie Saoudite), et les indépendantistes sudistes à Aden (soutenus par les Émirats Arabes Unis).
Une crise humanitaire enracinée au Yémen ?
La crise est d’abord alimentaire. Dans le nord du pays, les rebelles houthistes contrôlent l’approvisionnement alimentaire. Selon l’ONU, 54% de la population est en situation d’insécurité alimentaire aigue. De plus, l’expiration de l’accord sur l’exportation des céréales ukrainiennes, mi-juillet 2023, pourrait aggraver la situation. En effet, la population yéménite recevait une partie non négligeable de ces céréales, grâce au Programme Alimentaire Mondial (PAM) de l’ONU.
Mais le bilan humain des conflits est également très lourd. D’après les chiffres de l’ONU, les conflits ont blessé ou tué plus de 11 000 enfants depuis 2015. Les trêves épisodiques régulièrement négociées – comme celle d’avril à octobre 2022 – ne sont pas suffisantes. En effet, la population souffre plus de la guerre économique et de ses conséquences sur l’approvisionnement alimentaire que des combats armés.
Une lueur d’espoir dans la situation politique et humanitaire yéménite ?
Toutefois, en juin 2023, les vols commerciaux entre le Yémen et l’Arabie Saoudite ont repris. C’est un premier signe d’apaisement des tensions avec les rebelles houthistes puisque l’aéroport de Sanaa était bloqué par la coalition militaire saoudienne depuis 2016.
