Il y a 102 ans jour pour jour, s’achevait l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire, qui a considérablement marqué l’imaginaire collectif dans lequel les visions des poilus et du charnier des tranchées resteront à jamais gravés. Si beaucoup d’autres évènements majeurs sont advenus depuis et ont considérablement bouleversé l’échiquier mondial, il convient cependant de remarquer que certains effets de ce conflit sont encore visibles aujourd’hui sur la scène géopolitique internationale.
L’avènement des États-Unis et le déclin de l’Europe
Si avant la première guerre mondiale les puissances européennes pensaient avoir encore de beaux jours devant elles face aux limites des États-Unis même si ceux-ci connaissaient une émergence réelle et non négligeable, à la fin des quatre années de conflits, force est de constater que ce n’est plus le cas.
L’Europe ressort de la grande guerre brisée, détruite et ruinée. Le tribut humain payé est extrêmement lourd, mais celui économique l’est encore bien plus. L’addition est encore plus salée pour l’Allemagne qui doit composer avec les conditions de paix très lourde imposée par le traité de Versailles de 1919. Mais la France et l’Angleterre, si elles comptent au rang des vainqueurs de la guerre n’ont pas non plus un bilan reluisant. L’ancien empire russe a lui cédé la place à un URSS encore jeune et déstabilisé par les révolutions successives.
En face, les États-Unis ressortent du conflit comme la nouvelle puissance dominante de l’échiquier mondial. Son économie à la santé resplendissante avant la crise a moins souffert que celles européennes du conflit qui pour les Américains n’a duré que deux ans puisqu’il n’entre en guerre qu’en 1917. De plus, leur territoire n’ayant pas été touché, ils n’auront pas de réparations à financer. Mais c’est sur le plan psychologique et diplomatique que les États-Unis ont sans doute le plus pris l’ascendant sur l’Europe. En effet, c’est bien leur entrée dans le conflit qui coïncide avec le début de la victoire de la Triple Entente et l’armée américaine a sur le terrain fait preuve d’une efficacité foudroyante. A la fin de la guerre, cette supériorité géopolitique américaine s’illustre par les propositions de Wilson pour la paix (finalement non suivies) dans ses quatorze points ou encore par le fait que ce soit les Américains qui soient à la manœuvre lors de la création de la nouvelle Société des Nations en 1920. La première guerre mondiale a donc en premier lieu amené à un reclassement des puissances internationales, mettant en place des dynamiques qui semblent s’être poursuivies jusqu’à aujourd’hui.
La fin de l’empire ottoman… derrière la grandeur duquel court toujours la Turquie d’Erdogan depuis
Le tsar de Russie Nicolas Ier disant en 1853 en parlant de la situation de l’Empire ottoman qui semblait en irrémédiable déclin depuis déjà plusieurs décennies « Nous avons sur les bras un vieil homme très malade ». La première guerre mondiale semble bien acter le décès de cet empire qui avait pendant plus de cinq siècles rayonné et parfois même s’était payé le luxe de menacer les puissances occidentales, notamment lorsqu’il avait pris en 1453 la ville de Constantinople, faisant chuter l’empire byzantin millénaire, ou lors des différents sièges de Vienne en 1529 ou 1683.
Le traité de Sèvres sonne le glas l’Empire ottoman, le dépeçant en un certain nombre d’états. Depuis, même si la Turquie a tenté de récupérer un peu de cette grandeur passée, jamais elle n’a réussi à s’en rapprocher. C’est notamment cela que vise le président turc actuel Erdogan, qui fait retrouver à son pays des ambitions tant géopolitiques qu’économiques jamais vu depuis la fin de la première guerre mondiale.
La première guerre mondiale, l’une des origines de la poudrière moyen-orientale
En 1915, le britannique McMahon fait une promesse aux communautés arabes du Proche et Moyen-Orient. En échange de leur aide dans le conflit qui oppose la Grande-Bretagne à l’Empire ottoman, un grand état arabe sera créé dans la zone après la guerre. Attirés par cette opportunité, les peuples arabes, dirigés par Fayçal Hussein entrent dans la lutte et participent à la défaite des Ottomans.
Mais en 1917, Balfour fait une promesse identique aux hauts dignitaires sionistes : un état juif sera créé à la fin de la guerre sur le territoire précédemment occupé par l’Empire ottoman. On comprend ici clairement que ces promesses britanniques reposent sur un clientélisme visant à créer un front anti-ottoman.
C’est d’autant plus vrai qu’aucune des deux promesses ne sera manifestement tenue. En effet, dès 1916, Français et Anglais se réunissent pour signer les accords secrets de Sykes-Picot, dans lesquels ils se partagent le territoire de l’Empire Ottoman. C’est cette division qui prévaudra lors du traité de Sèvres en 1920 où le Proche et Moyen-Orient est dépecé en mandats accordés aux deux pays.
On comprend donc qu’il y a deux choses intéressantes qui découlent de la première guerre mondiale pour la compréhension de la zone proche et moyen-orientale. Tout d’abord, une partie du ressentiment des entités régionales à l’égard des puissances occidentales date de cette époque et vient de ces deux promesses non tenues. De plus, les accords de Sykes-Picot ont créé plusieurs situations de grande instabilité et certaines des frontières qu’il a dessinées sont encore contestées aujourd’hui.