La démographie en ESH : auteurs et notions incontournables

La démographie est une thématique qui a rarement fait l’objet à elle seule d’un sujet de concours écrit en ESH. Pour autant, elle demeure cruciale lors des oraux des Parisiennes (ESCP et HEC) et elle peut parfaitement trouver sa place dans une copie de concours dans le cadre d’un croisement des notions pour répondre à un sujet, chose vivement souhaitée et soulignée par les différents rapports de jury.

Définition des termes

Le mot « démographie » trouve son origine en 1855 chez Achille Guillard, dans Eléments de statistique humaine ou démographie comparée, qu’il définit comme étant « la connaissance, donnée par l’observation, des lois suivant lesquelles les populations se forment, s’entretiennent, se renouvellent et se succèdent ». Par le biais d’outils tels que le taux de mortalité, de natalité ou par l’analyse du vieillissement de la population, elle permet donc une meilleure connaissance de l’évolution d’une société.

Contexte historique et économique

Jusqu’au 18e siècle, les populations humaines connaissent à la fois une forte fécondité et une forte mortalité, en raison d’un manque évident de connaissances nécessaire à la maîtrise de ces données. Mais la situation change dès le 19e siècle, avec la mortalité qui recule beaucoup plus rapidement que la natalité, amenant ainsi la population européenne à passer de 200 millions en 1800 à 420 millions en 1900. Cette première forme de « Transition démographique » amènera alors au développement des premières thèses sur l’impact de la démographie sur le développement.

L’Europe et plus spécifiquement la France semblent être aujourd’hui en proie à un vieillissement démographique, qui ne cesse de progresser, en témoigne la part des personnes âgées d’au moins 65 ans en France en 2020, de 20,5%, contre 19,7% deux ans auparavant (INSEE) un chiffre qui est donc en croissance. Il est possible d’imputer ce vieillissement en partie à la baisse de la mortalité permise par les progrès médicaux et sociaux, et à l’arrivée à un âge adulte de la génération du baby-boom, période de forte natalité qui commence vers 1945 et qui dure jusqu’aux années 1960. 

Quelques références à maîtriser : 

J.Bodin (Les six livres de la République, 1576) : Du point de vue économique, l’homme est indispensable à toute production en tant que facteur travail, et l’accroissement de la population ne peut en ce sens qu’être vecteur de richesses (« Il n’y a de richesses, ni force que d’homme » ). Sur le plan civil, cet accroissement permettrait également en un sens la paix, puisque plus une société développerait sa classe moyenne, qui est sa catégorie productive, moins il y’a un risque de factions et de fractures dû à la confrontation entre des individus aux conditions extrêmes.

Ainsi, la croissance démographique anglaise à la fin du 18e siècle fut un prérequis à la croissance puisqu’elle a fourni au pays la main d’œuvre dont il avait besoin pour offrir à son industrie un travail peu coûteux du fait de sa profusion.

T.Malthus (Essai sur le principe de population, 1798) : Il existe un problème évident, celui de la divergence entre l’accroissement de la population et celui de la production alimentaire. (« Si elle n’est pas freinée, la population s’accroît en progression géométrique. Les subsistances ne s’accroissent qu’en progression arithmétique. »). Dès lors, une solution possible serait de changer le comportement des hommes de façon à les orienter vers une baisse du taux de natalité. Malthus vise particulièrement les populations pauvres, et dénonce les aides étatiques britanniques (Les « Poor Law ») qui contribuent à la reproduction toujours plus croissante des individus « socialement inférieurs ».

D.Ricardo (Principes d’économie politique et de l’impôt, 1817) : Si la population ne cesse de croître, on risque alors d’assister à une exploitation toujours plus croissante des terres agricoles, pour faire face à la hausse des besoins, or cette exploitation croissante se manifestera par l’usage de terres de moins en moins rentables, jusqu’à un état qu’il qualifiera de stationnaire.

K.Marx (Le Capital, 1867) : La surpopulation ne proviendrait pas de lois naturelles, mais serait endogène au mode de production capitaliste. Cette production conduirait à la formation d’un excédent de population ouvrière en raison d’une augmentation constante de la composition organique du capital. Il se forme ainsi, au niveau macro-économique, un excédent d’ouvriers qui ne travaillent plus et ne peuvent consommer : C’est le phénomène de la surpopulation relative.

A.Ando et F.Modigliani (The « life-cycle » hypothesis of saving, 1963) : La théorie du cycle de vie explique comment un agent va être amené choisir son niveau de consommation et d’épargne au cours de sa vie. Elle se fonde sur l’hypothèse que le niveau de consommation des individus va rester stable, et que le revenu ne cesse de croître durant la vie active avant de fortement décroître au moment de la retraite. Au début de sa vie d’adulte, l’agent doit désépargner en raison de ses faibles revenus et de sa forte consommation. Une fois rentré dans la vie active, l’agent peut débuter le remboursement de sa dette et constituer une épargne qui servira à financer sa consommation durant la retraite, période finale où il va désépargner pour maintenir son niveau de vie. Dans cette perspective, un vieillissement de la population peut conduire à une augmentation de la consommation (notamment en faveur de certains secteurs, comme l’industrie médicale), mais également à freiner la croissance en réduisant l’épargne, élément favorable à l’investissement dans la perspective néoclassique. 

E.Boserup (Evolution agraire et pression démographique, 1965) : Contrairement aux thèses pessimistes de Malthus, le défi démographique serait en réalité une forme d’incitation à l’innovation, en développant de nouveaux modes de production davantage en mesure d’être conciliable avec la situation démographique et sociale.

P.Rosanvallon (La crise de l’Etat-Providence, 1981) : L’Etat Providence français serait voué à faire face une crise dont la nature est triple, à savoir de légitimité, d’efficacité et de financement. L’aspect financier semble être ici renforcé dans le cadre d’un vieillissement de la population, avec un risque de baisse des recettes fiscales (la population active diminuant, une étude de l’INSEE montrant que d’ici 2050, il n’y aurait potentiellement plus que 1,4 actif pour un inactif de plus de 60 ans, contre 2,2 en 2005) associé à une augmentation des dépenses consacrées à la santé (En 2020, le budget de la santé en France atteignait 8,6% du PIB).

G.Dupont, H.Sterdyniak (Quel avenir pour nos retraites ? 2000) : Dans cet ouvrage, les auteurs mettent en avant le fait que la part des retraites dans le PIB devrait passer de 13% en 1997 à 20% en 2040, posant alors un problème de financement. Une solution serait de passer par une baisse de l’âge de la retraite, une diminution du montant de ces retraites ou encore une hausse des cotisations.

R.Gordon (Is U.S Economic Growth Over ? 2012) : L’offre de long terme subirait de plein fouet le vieillissement démographique, avec le recul de la population en âge de travailler qui ne peut désormais plus être compensé par l’augmentation du taux d’activité féminin, et de l’épuisement du progrès technique à pouvoir maintenir des gains de productivités suffisamment forts.

T.Piketty (Le capital au 21e siècle, 2013) : La croissance démographique de ces dernières années pour des PDEM comme le Japon suit une moyenne de 1,2% (0,6% pour la croissance extensive et 0,6% pour la croissance intensive). Mais puisque la croissance démographique sera amenée à diminuer, il en sera de même pour les revenus de la production tandis que la croissance du capital ne cesse de croitre à un rythme de 4/5% ce qui pourrait par la suite amener à des inégalités extrêmes entre détenteurs de capital et le reste. Il prône par conséquent une gestion multilatéral de cette problématique.

Aujourd’hui, face au recul démographique, l’immigration pourrait être une solution afin de rééquilibrer la pyramide des âges, mais elle demeure encore source de tensions sur le plan politique et social en France et plus globalement en occident.

Quelques sujets d’oraux sur la thématique :

 Vieillissement de la population et croissance. (HEC 2019)

Le vieillissement de la population est-il un atout pour l’économie française ? (HEC 2017)

« Il n’est de richesse que d’hommes ». Commentez cette phrase de Jean Bodin. (HEC 2018)

 Les enjeux du vieillissement démographique en France. (HEC 2016) 

Le vieillissement démographique est-il une menace pour la croissance économique ? (ESCP 2016)

Dynamique démographique et comportement d’épargne. (ESCP Europe 2012)

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