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La guerre des monnaies

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Guerre des monnaies. Le terme utilisé est fort, on n’utilise pas le mot guerre pour n’importe quel conflit. La guerre représente une lutte armée entre états. Il y a un tout un champ lexical autour de la guerre. Un vainqueur, des perdants, des armes, une stratégie, un but, une attaque, une défense…

 

Le terme guerre des monnaies est-il alors vraiment approprié ?

Une guerre des monnaies est une lutte pour défendre la valeur de sa monnaie entre plusieurs états. Et ce en utilisant notamment des stratégies de dévaluation compétitive. En fait, chaque état commence à intervenir sur le marché des changes en affaiblissant leur devise pour stimuler leurs exportations. On parle de guerre, car quand un pays s’engage dans cette stratégie, il y a forcément une réaction des autres, des dévaluations en chaine.

Pour remettre dans le contexte…

La guerre des monnaies à été et est surtout utilisée pour parler des conflits entre les grandes monnaies internationales (dollar, yuhan, euro). Bien que depuis quelques années et notamment depuis le discours en 2010 de Guido Mantaga, ministre des Finances au Brésil, ce terme s’applique aussi aux monnaies émergentes.

Temporellement, il ne peut avoir de guerre des monnaies qu’en régime de change flottants (car l’état peut intervenir sur le marché des changes). Ainsi, on ne peut parler de guerre des monnaies que depuis le passage aux changes flottants. C’est-à-dire en 1976 durant les accords de Jamaïque.

Alors, parler de guerre des monnaies suppose un environnement monétaire instable, qui entrainerait des conflits et des politiques agressives et non coopératives. Or, depuis 2008, la volonté est clairement affirmée de coopérer et de s’entendre en matière monétaire. Les différents sommets du G20 ont entendu à plusieurs reprises vouloir une paix et une stabilité monétaire. D’autant plus que parler de guerre suppose, d’utiliser des armes.

L’arme de la dévaluation compétitive est-elle toujours si efficace ? Finalement cela reviendrait à poser la question de savoir si parler de guerre des monnaies n’est pas obsolète.

Aujourd’hui on parle plus de guerre des monnaies inversée ! 

Sous le prisme d’une métaphore filée de la guerre. Cet article remontera l’histoire et analysera l’actualité de la guerre des monnaies pour savoir si ce terme est toujours approprié et si cette pratique est en réalité, une vraie stratégie politique ou un échec total.

 

La guerre des monnaies, une guerre qui n’implique que des perdants 

Apparemment vue comme une réelle stratégie politique de compétitivité, la guerre des monnaies est en fait une bombe à retardement. C’est une guerre à sens unique, il n’y a que des perdants car les effets néfastes de cette stratégie remplace tous les effets vertueux.

 

La dépréciation monétaire, une bombe à retardement : les effets néfastes rattrapent tous les effets positifs

Il y a bien évidemment des effets positifs à la guerre des monnaies. La dépréciation monétaire entraine un effet prix modélisé par la courbe en J. Lors d’une dévaluation ou d’une dépréciation, le cours de la monnaie baisse ce qui renchérit le cout des importations et rend les exportations plus compétitives.

Les effets néfastes rattrapent néanmoins rapidement les effets positifs. La hausse du prix des importations entraine une inflation importée et in fine une baisse du pouvoir d’achat, de la consommation composante principale de la croissance économique. Or, l’inflation non maîtrisable est devenue une phobie pour la planète économie. L’histoire a prouvé que l’hyper-inflation pousse à la révolte sociale (davantage encore que le chômage). Et parfois conduit à la -vraie- guerre par exemple en Allemagne durant la République de Weimar.

De plus, la dépréciation monétaire est à l’origine d’une hausse de la spéculation. En effet, anticipant une baisse de certains titres financiers suite à la dépréciation. Les investisseurs favorisent un climat financier pessimiste, de méfiance lui-même alimentant le cercle déflationniste. Par exemple, en 2019 lors de la guerre sino-américaine. L’annonce de prochaines taxes à la fin de l’été a poussé les opérateurs à anticiper une dépréciation du Yuan, ce qui a fait augmenter les titres financiers des bourses américaines et contribuer à créer des bulles spéculatives.

Finalement, au niveau international un pays qui dévalue unilatéralement et fortement sa monnaie renforce son économie au détriment de l’emploi dans les autres pays. Cela crée un déséquilibre du commerce mondial que dénoncent ces autres pays, tentés de faire pareil. Si tout le monde dévalue ainsi (à ce moment-là, on peut parler de “guerre”). ¨Primo, cela annule les effets positifs de la dévaluation, et in fine, ne resteront plus que les inconvénients d’une telle manœuvre.

 

La peur généralisée de la guerre des monnaies : une guerre à sens unique car tout le monde est perdant

Les économistes Barry Eichengreen et Douglas Irwin dans leur rapport publié en 2010 (Comment éviter la guerre des monnaies ?), soulignent que « la crainte aujourd’hui est qu’une guerre des devises, avec son lot de barrières tarifaires et de représailles, pourrait entraîner des perturbations dans le système international du commerce aussi sérieuses que celles des années 30 ».

Et, selon ces économistes, « il y a de bonnes raisons de s’inquiéter car l’expérience des années 30 suggère que les conflits de taux de change peuvent être même plus dangereux que les dépressions sévères par les pressions protectionnistes qu’elles entrainent ». En fait, la conclusion de ce rapport est qu’une nouvelle guerre des monnaies serait dangereuse pour tous les pays. Or originellement, la guerre des monnaies est une stratégie pour obtenir un avantage compétitif en termes d’importation et d’exportation et non être plongé dans une lourde récession.

En outre, la guerre des monnaies est une stratégie non coopérative. Or on sait que depuis John Nash une situation non coopérative amène à un équilibre de Nash. Equilibre qui est sous optimal. Deux monnaies ne pouvant se déprécier simultanément l’une par rapport à l’autre. L’effet volume annulé il ne reste plus que les effets néfastes. Pour citer un effet néfaste, c’est notamment la création monétaire massive et donc l’inflation généralisée. L’économiste Joan Robinson appelait cela « beggar-thy-neighbour policy » La politique du chacun pour soi.

 

Comment préserver la paix monétaire ?  

Ainsi, éviter la guerre des monnaies est devenu le crédo des états et notamment des grandes puissances mondiales. Pour préserver une paix monétaire il est nécessaire qu’il y ai une plus grande coopération et concertation monétaire. Ce qui passe précédemment par une réforme des institutions monétaires internationales.

 

La nécessité d’une plus grande coopération et concertation monétaire

Naturellement, la paix ne peut s’obtenir que par des concessions réciproque, une coopération et une concertation monétaire mondiale.

  • Une concertation monétaire de plus grande ampleur est largement souhaitable et réaliste. Néanmoins, le système monétaire international est par essence l’endroit où s’expriment les contradictions du système de croissance mondiale. Il y aura toujours des problèmes. Aujourd’hui, les Etats-Unis et l’Europe sont inquiets pour la croissance. Il s’agit d’accentuer les efforts pour davantage de coordination afin de régler les problèmes au cas par cas.

 

  • Une coopération accrue entre les zones monétaires pourrait déboucher sur la formation de bandes de fluctuations entre les grandes devises. Ce qui limiterait les à-coups de taux de change. L’Europe avait connu un tel système dans les années 70 avec “le Serpent monétaire européen”. Elle implique que les Etats s’engagent à intervenir sur le marché des changes si leur monnaie s’écarte trop de la zone cible. Cette solution est un peu plus hypothétique dans le cadre où si pour un état, intervenir sur le marché des changes car leur monnaie s’écarte trop est inverse à leur politique économique actuelle. Ils ne le feront pas.

 

Le besoin de réformer les institutions monétaires internationales

Pour préserver la paix monétaire, rien de mieux que de réformer les institutions monétaires qui aujourd’hui n’ont plus assez de moyens et de pouvoir pour arrêter une guerre des monnaies.

Il y alors un projet de réforme principal.

L’idée a été émise de promouvoir l’usage international des Droits de tirage spéciaux (DTS). L’unité de compte du FMI créé en 1969. La valeur étant déterminée chaque jour par un panier des grandes monnaies de réserve internationales (dollar, euro, yen et livre), les prix des matières premières en DTS seraient par exemple beaucoup moins volatils.

L’idée n’est pas neuve. Dès mars 2009, Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale chinoise a affirmé que les DTS devraient remplacer le dollar comme principale monnaie de réserve. ”

Mais ce système a peu de chances d’être adopté. De fait, les DTS n’ont jamais eu de succès. Ils constituent moins de 5% des réserves mondiales et ne sont pas une monnaie de circulation financière privée. “Tout l’intérêt du dollar comme monnaie de réserve est qu’il est soutenu par le marché de capitaux le plus liquide du monde”, explique The Economist.

Pour que les DTS deviennent de vrais actifs de réserve. Il faudrait, comme le prône Joseph Stiglitz, que le FMI devienne une véritable banque centrale mondiale, en charge de gérer la liquidité mondiale. En somme, il faudrait un gouvernement mondial. On n’en est encore loin. Toutefois, il est concevable d’augmenter légèrement la part des DTS dans les réserves des Etats émergents.

 

Le terme guerre des monnaies n’est-il pas obsolète ?

Finalement, puisque l’objectif affiché aujourd’hui est de préserver la paix monétaire et que la guerre des monnaies n’est pas forcément une politique efficace voire nocive. Peut-on encore parler de guerre des monnaies ?

 

Aujourd’hui la guerre des monnaies est une guerre implicite

Il faudrait déjà, arrêter de parler de “guerre”. Le message général des têtes dirigeantes des pays les plus industrialisés du monde reste. “Il faut éviter les dévaluations compétitives de monnaies” et poursuivre l’engagement des pays “à l’égard des taux de change déterminés par le marché”.

De plus, selon André Cartapanis, il faut faire la distinction entre guerre de monnaie implicite. Celle qui découle des politiques budgétaires et monétaires nationales. Et explicite, celle qui est issue de vraies stratégies de dévaluation compétitive.

Pour nuancer, la situation actuelle est meilleure qu’elle l’était en 2010, quand Chine et États-Unis se sont affrontés violemment et publiquement sur le yuan et le dollar. Depuis la Chine a consenti à relever doucement mais sûrement sa monnaie.

 

L’arme commerciale, plus efficace et plus actuelle que l’arme monétaire

Enfin, plus qu’une simple désuétude du terme guerre des monnaies. En fait la guerre des monnaies n’est pas la politique la plus efficace pour relancer ses exportations et baisser ses importations. D’une part, comme expliqué elle à des effets pervers. D’autre part l’arme commerciale est plus efficace que l’arme monétaire.

Une étude a été menée par Agnès Bénassy-Quéré, Matthieu Bussiére et Pauline Wibaux soutenant qu’une hausse de 1% des tarifs douanier dans un pays (arme commerciale) réduit ses importations de 1,4% alors qu’une dévaluation de 1% de la devise engendre une baisse des importations de 0,5% soit trois fois moins.

Ainsi, mieux vaut une guerre commerciale qu’une guerre monétaire.

Qu’en est-il des nouvelles monnaies ? 

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Martin Guerville
Je m'appelle Martin Guerville, je suis passionné d'économie et j'ai à coeur de transmettre ce savoir aux étudiants de prépa !