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La violence cathartique selon Hermann Nitsch

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Le thème au programme cette année de l’épreuve de culture générale pour les classes préparatoires commerciales est “la violence”. Cette notion est intéressante dans la mesure où elle peut recouvrir des actes, des situations plurielles, et avoir un impact sur l’individu. Un des axes intéressants pour aborder la violence est sa représentation, et notamment la possibilité même de sa représentation. C’est ce que nous allons tenter d’étudier dans une série d’articles consacrés à la représentation de la violence dans les arts et les lettres. 

Aujourd’hui, nous nous intéresserons à la manière dont le performeur Hermann Nitsch fait d’une violence sans fard et choquant un usage cathartique. 

Qui est Hermann Nitsch ? 

Hermann Nitsch est un artiste autrichien né en 1938 et mort en 2022. Il est notamment connu pour ses performances d’une extrême violence, en tant que digne membre de l’actionnisme viennois, mouvement autrichien des années 60 qui a tenté de développer un art indépendant de la performance par une implication totale du corps des performeurs, soumis notamment à la souffrance et à des mutilations, en réponse à la Seconde Guerre Mondiale et à la pensée fasciste très prégnante alors en Autriche. Outre Hermann Nitsch, on compte également parmi les actionnistes viennois Otto Muehl et Günter Brus. 

Hermann Nitsch développe en particulier le concept d’Orgien-Mysterien-Theater (Théâtre des Orgies et Mystères) qui intègre une pluralité de formes d’art : architecture, musique, peinture…et visant à une réactivation des mythes originaires visant à mettre sous tension les participants afin qu’ils puissent prendre conscience de leur existence. Ses performances intègrent du sang et des corps animaux et humains, reprenant les formes des rituels liturgiques. On observe ainsi des orgies sanglantes, qui ont bien sûr choqué à l’époque. Il s’agit d’une exploration du corps jusqu’à ses ultimes retranchements et même au-delà.

Hermann Nitsch, action 100, Jour 2, Actions en simultanées, Prinzendorf, août 1998 

Une représentation sans fard de la violence 

Selon Hermann Nitsch, la violence est réprimée au sein de notre société, puisant cette réflexion dans une lignée de penseurs tel que Sigmund Freud, Nietzsche ou encore le Marquis de Sade : la seule forme de violence qui est représentée est une violence caricaturale, celle des films hollywoodiens ou encore des jeux vidéos. Contre cette représentation fausse de la violence, Hermann Nitsch souhaite au contraire toucher au tabou de notre société, une violence originelle, faite de sang, de corps humains et animaux en quantité, jusqu’au dégoût. Il cherche à saisir la violence qui subsiste en chacun de nous mais qui ne peut s’exprimer dans notre société.  

Ainsi, on peut notamment citer les Abreaktion, représentation d’un sacrifice animal (néanmoins, cela ne reste que symbolique, Hermann Nitsch travaillant à partir de carcasses d’animaux déjà morts). Il y a une volonté de réactiver ces gestes primitifs du sacrifice, présent déjà dans les textes sacrés.

Un usage cathartique de la violence 

« Je veux les éveiller au moyen d’une intensité sensuelle et leur apporter une compréhension de leur existence », dit Hermann Nitsch à propos de son travail : il vise à une expression cathartique par la très grande violence de ses performances mais aussi de ses peintures, à travers une profusion de sang qui mêlent intimement le culte, le rituel et l’art.

Les performances d’Hermann Nitsch s’apparentent à une catharsis dans la mesure où elles cherchent à apprivoiser “les aspects occultés de la vie des individus ou ceux dictés par un conditionnement de la société, par l’expérimentation sensuelle des matériaux présents dans ses actions et de la violence émanant de ses représentations.” (Karine Gaucher, Aspects du rituel et de la violence chez les actionnistes viennois). La catharsis est en effet ce qui conduit un individu à se libérer de ses pulsions et de ses passions : dans le cas des performances d’Hermann Nitsch, c’est de la violence réprimée dont il s’agit de se libérer.

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Corentin Viault