The Line, c’est un titanesque projet urbain ; un projet caractérisé par certains comme étant un projet de « civilisation » avec pour ambition de révolutionner notre conception classique de la ville et de projeter l’Arabie Saoudite non pas dans le 21e siècle, mais directement dans le 22ème siècle. Présenté en janvier 2021, ce projet, porté par Mohamed Ben Salman (prince héritier d’Arabie Saoudite), imagine une ville « utopique » sans voitures, sans rues et sans émission de gaz à effet de serre. Ce projet est inscrit dans une vision à long terme du royaume : vision 2030
Concrètement, à quoi va ressembler the Line ?
The Line, comme son nom l’indique, vise à réinventer la notion que l’on a de la ville. Long de 170 kilomètres de long pour 200 de large et 500 de haut ; ce projet situé au nord-ouest de l’Arabie Saoudite passant de la mer Rouge au désert et aux montagnes intérieur. Ses parois seront entièrement recouvertes à l’extérieur de glaces qui refléteront le monde d’avant. A son terme, le projet pourra accueillir 9 millions d’individus.
Une smart city pour réinventer les rapports humains
Mohamed Ben Salmane conçoit cette ville comme innovante, moderne, intelligente et écologique. Pour satisfaire sa volonté d’inscrire ce projet dans le monde de demain, The Line aura l’intelligence artificielle ancrée dans les optimisations de la ville. Cette technologie est décriée par l’usage potentiellement néfaste que pourront en faire les prochains dignitaires du régime.
Etude de cas – La problème de l’eau
En Arabie Saoudite particulièrement, l’aridité des sols, la faiblesse des précipitions rend la question de l’eau cruciale. Les experts qui ont travaillé sur le projet sont partis du postulat que l’eau va dans un futur proche manquer à tous et que la technique va permettre de répondre à cet enjeu du XXIème siècle. En effet, depuis des années déjà, l’Arabie Saoudite a investi en masse dans des technologies de désalinisation de l’eau. Mais se pose alors un certain nombre de problèmes : qui va décider du partage de l’eau ? Qui va être à la tête de ces entreprises ? L’eau devient-elle alors un produit financier comme un autre, soumis à la concurrence des marchés ? Comment va se faire ce partage ? … Le problème qui se pose dans ce projet, c’est qu’en misant massivement sur la technologie, on va alors créer une dépendance nouvelle.
Une utopie actuelle ?
Depuis quelques décennies, un courant anti-urbain, l’« urbanophobie » empli dans les grandes capitales du monde entier. On peut penser au Metropolis de Fritz Lang, qui aujourd’hui reçoit un certain nombre d’échos de dystopie moderne. The Line veut être la réponse à ce dégoût de la ville, en devenant un paradis terrestre. Imaginons une ville sans voiture, structurée autour de communauté, où la « vraie » nature, celle qui est restée sauvage est à portée de main ; où tous les lieux possibles sont rassemblé pour optimiser notre quotidien. Imaginons une ville ou la technologie serait au centre, une ville capable de prédire et d’anticiper nos réactions, une ville pilotée par une intelligence artificielle. Une ville où une nouvelle forme d’apartheid urbain se développerai, une nouvelle façon d’éloigner du regard la pauvreté, réservée à une élite ou du moins aux personnes aisé du pays. Imaginons un monde clos qui ambitionne de récréer le monde tout entier. Pour beaucoup d’observateurs internationaux, ce projet est à bien des aspects l’ébauche d’une nouvelle dystopie.
The line : utopie ou dystopie ?
The Line divise, car pose un certain nombre de questions qui mêle des implications sociales, économiques, politiques et culturelles forte. La technologie au cœur de ce projet peut rappeler certains épisodes de Black Mirror qui interrogeait sur le rôle et la régulation des technologies dans certains mondes fantasmés.
Mots clés :
- Ville intelligente / smart cities
- Greenwashing/éco-blanchiment
- Inégalité sociaux-spatiales/ appartheid urbain
- Conflit distributionnel/ désalinisation/ guerre de l’eau
- Dépendance/ soumission/ contrôle
- Technologie/ 4ème révolution industrielle
En bref :
- Localisation : Néom (Arabie Saoudite)
- Début des travaux : octobre 2022
- Porteur du projet : Mohamed Ben Salman
- Taille : 170 km de long
- Une utopie urbaine qui à bien des aspects se relève être une dystopie