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Le protectionnisme permettra-t-il de sauver l’emploi ? – Zoom sur les Etats-Unis

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Le département du Commerce américain a déclaré ce jeudi 5 aout 2021 que le déficit commercial américain a atteint un niveau historique. De ce fait, on peut analyser que l’accent mis par Joe Biden sur le « Buy American » est une réponse économique à une préoccupation politique : capter l’électorat qui a basculé dans le camp populiste.

Cette stratégie s’inscrit dans la lignée de celle de son prédécesseur Donald Trump qui s’était posé depuis son élection en défenseur de l’emploi industriel, avec un constat et une solution qui ont le mérite de la simplicité : la raison des destructions d’emplois aux Etats-Unis serait à rechercher du côté des importations de produits chinois ; la solution serait alors de taxer fortement les importations pour stimuler la production domestique.

Cependant, cette stratégie néo-mercantiliste semble oublier que la relation entre protectionnisme et emploi est beaucoup plus complexe.

 

Le protectionnisme : une politique commerciale inefficace

Une question pertinente à se poser n’est pas de savoir si le protectionnisme empêchera la destruction d’emplois mais s’il est un moyen efficace de les sauver. En effet, il faut savoir que le protectionnisme entraine une baisse de surplus pour les consommateurs, c’est pourquoi les chiffres sur les emplois sauvés doivent être étudié avec du recul au regard de la perte de pouvoir d’achat supportée par 331 millions d’Américains.

Les études empiriques sont d’ailleurs alarmantes : un emploi sauvé par le protectionnisme coûterait en moyenne 230 000 dollars par an, selon une étude de la Réserve Fédérale de Dallas. Il est alors évident qu’il existe d’autres moyens, moins onéreux, de préserver des emplois.

 

Le protectionnisme : un destructeur d’emplois

Les bienfaits engendrés par le protectionnisme ne sont que temporaires. Si le protectionnisme permet de sauver des emplois à court terme, ce dernier est incapable à long terme de répondre à l’insuffisante compétitivité hors-prix des produits américains. De plus, si le protectionnisme profite aux entreprises du secteur protégé, cela ne les incite guère à devenir plus efficaces car elles savent scrupuleusement qu’elles sont à l’abris de la concurrence étrangère. La protection ne fait que différer les destructions d’emplois qui sont inéluctables.

Pour en avoir la certitude, il suffit de regarder ce qui s’est passé dans le secteur du textile-habillement : les accords multifibres (1974 – 1994) qui visaient à protéger les industries textiles des pays développés de la concurrence des pays en développement n’ont pas empêché la disparition progressive des productions d’entrée de gamme.

 

Le protectionnisme : une politique commerciale coûteuse quand elle n’est pas utilisée de manière stratégique ou temporaire

Le discours protectionniste laisse penser qu’il créera des emplois dans des secteurs où les Etats-Unis ne sont parfois plus présents, à l’image des produits électroniques grand public. Cependant, une fois que les compétences industrielles sont perdues dans un secteur, il est utopique de vouloir rattraper le retard, sauf en cas de saut technologique. Dans ce cas-là, le protectionnisme ne ferait qu’augmenter les prix à l’importation, sans créer le moindre emploi.

 

Le protectionnisme : une stratégie facilement contournable

Le protectionnisme est contourné par les entreprises chinoises qui s’implantent dans des pays tiers. Elles exportent alors à partir de la Malaisie, du Vietnam ou encore du Bangladesh. Certaines entreprises vont encore plus loin en installant directement leurs usines sur le territoire américain afin de concurrencer les entreprises américaines de manière directe.

Cette stratégie a été utilisé par TOYOTA qui s’installa aux Etats-Unis dès les années 1980, une implantation si réussie qu’il est difficile aujourd’hui d’imaginer une époque où les trois constructeurs américains GM, Ford et Chrysler détenaient encore 95 % du marché.

 

Le protectionnisme relève d’une situation de dilemme du prisonnier

Les emplois sauvés dans les secteurs protégés seront compensés par des emplois détruits dans d’autres secteurs. Les pays visés par le protectionnisme vont aussitôt avoir recours à des représailles en taxant à leur tour les produits américains, ce qui réduit fortement les exportations. N’oublions jamais que le commerce international qui est un jeu à somme positive peut rapidement se transformer en jeu à somme négative par le biais d’escalades protectionnistes.

Ainsi, à l’exception d’être utilisé de manière stratégique ou temporaire comme le préconisait Friedrich LIST dans Système national d’économie politique (1841), le protectionnisme est rarement la bonne solution pour sauver des emplois.

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Mo Sa