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La Russie, 30 ans après la fin de la Guerre Froide

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Depuis la fin de la guerre froide, la Russie n’a jamais réellement digéré sa perte d’influence mondiale et a toujours tenté de la préserver. Par ses actions en Syrie, première sortie militaire depuis 1991, la Russie semble vouloir renouer avec les grands pays décisionnaires. Parallèlement, les États-Unis de Donald Trump se sont éloignés de l’ordre international pourtant défini par et pour eux. Les ressources gazières et pétrolières russes peuvent également jouer un rôle déterminant pour développer son influence, en particulier en Europe de l’Est. Quel futur envisager pour notre géant voisin Russe ?

 

Le Moyen-Orient : étape stratégique du retour sur le devant de la scène

La politique étrangère de la Russie doit être observée simultanément sur deux théâtres : celui de la mer Noire et celui de la Méditerranée orientale. En effet, après avoir sauvé le régime de Bachar Al Assad, Moscou joue désormais un rôle de pivot au Moyen-Orient notamment en ayant les cartes en main dans la création de la future constitution syrienne, loin devant les États-Unis ou l’Europe. En revanche elle ne semble pas disposer de ressources politiques et économiques suffisantes pour élargir son influence à tout le Moyen-Orient et imposer une solution politique durable. En effet si la Russie se montre suffisamment puissante pour contrecarrer les plans européens et américains en Syrie, elle ne l’est pas assez pour remodeler ce territoire à sa guise, laissant en réalité troubles et doutes.

 

Un pouvoir de nuisance grandissant et une volonté de retrouver de l’influence en Europe

La stabilité stratégique mondiale dépend de la relation russo-américaine étant donné que ces deux pays disposent à eux seuls plus de 90% des armes nucléaires mondiales. Le retrait américain du FNI (traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire) en octobre 2018, justifié par les violations de la Russie, déconstruit un peu plus les mécanismes de maîtrise des armements mis en place pour sortir de la guerre froide. Dans un autre registre, si elle illustre ses capacités de déstabilisation, l’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016 devrait continuer à alimenter suspicion et défiance à l’égard de Moscou aux États-Unis, encore plus après l’élection de Joe Biden, du même parti qu’Hilary Clinton. Bien entendu l’asymétrie de cette relation ne peut s’accentuer qu’en défaveur de la Russie en raison du différentiel de potentiel entre ces deux pays, et pourrait conduire, d’une part, à une utilisation continue par Moscou de son « sharp power »,pouvoir de nuisance, et d’autre part à un recours régulier aux sanctions économiques par les États-Unis. Alors que Donald Trump avait renforcé la relation entre son pays et les pays d’Europe de l’Est apeurés par leur voisin russe, Joe Biden suivra-t-il cette tendance ? Laissera-t-il ces pays aux mains d’une Europe déboussolée ou pire sous l’influence russe ?La crise du Covid-19 renforce petit à petit le pouvoir de séduction russe, qui propose de diffuser son vaccin « spoutnik » dans toute l’Europe. Si aujourd’hui seules la Slovaquie et la Hongrie ont autorisé l’administration de ce vaccin sur leur territoire, le sujet fait encore débat dans le reste de l’Europe mais pourrait aboutir d’ici peu. Si le déchirement entre les pays européens est net depuis plusieurs années, notamment par l’arrivée au pouvoir de Fidesz en Hongrie et du PiS en Pologne, la crise du COVID est-elle l’élément déclencheur d’une rupture définitive où la Russie jouerait évidemment un rôle de récupérateur déterminant ?

Alors qu’elles devraient être en bonne logique un facteur de stabilité internationale, les relations entre l’Europe, les États-Unis et la Russie la perturberaient.

 

La solution sur le long terme, se tourner vers l’Asie ?

En plus de vouloir récupérer son « dû » en Europe, la Russie semble se tourner vers l’Asie. En effet des relations sino-russes dépend une part importante de la stabilité eurasiatique. Pour l’heure les deux pays entretiennent un mariage de raison face aux États-Unis, mais leurs intérêts stratégiques sont susceptibles de diverger. En effet, si Moscou estime que l’UEE (union économique eurasiatique) est compatible avec le projet des nouvelles routes de la soie, la Russie risque de se retrouver rapidement marginalisée en raison du différentiel de dynamique entre les deux projets. Comme dans le cadre russo-américain l’asymétrie de cette relation ne peut s’accentuer qu’au détriment de la Russie. Néanmoins ses relations nourries avec l’Inde et le Japon visent à atténuer le poids de la Chine dans ses choix futurs. La Russie voit toujoursl’OTAN, désormais à ses frontières avec la récente intégration des pays Baltes, comme la principale menace, mais les inflexions de ses doctrines nucléaires et économiques montrent qu’elle se préoccupe d’ores et déjà des menaces sur ses flancs orientaux.Aujourd’hui il est difficile de savoir si la Russie a implicitement abdiqué en faveur de la Chine, de manière à négocier une place favorable dans le nouvel ordre international que Pékin cherche à mettre en place ; ou si elle pense toujours être en mesure de maintenir une indépendance totale vis-à-vis de la Chine et de jouer un rôle singulier dans le futur jeu des puissances.

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Romain Micas