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Les enjeux géopolitiques du COVID-19

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Les enjeux géopolitiques du COVID-19  par SimONU Kedge

Le 07 mai dernier, l’équipe de SimONU Kedge Marseille, a réalisé une conférence en partenariat avec Mister Prépa. 

Mme Pompey, chargée de communication à l’UNRIC (antenne de l’ONU) et M Collignon, professeur de géopolitique en classe préparatoire ECS ont répondu à nos questions sur les effets du Covid-19 dans les relations internationales et sur les enjeux géopolitiques.

Nous avons abordé ensemble plusieurs points : l’interconnexion de nos économies, les échanges commerciaux, l’intégration régionale, le changement dans les rapports de force, les organisations internationales ainsi que les options de sortie de crise. Ces points sont révélateurs des effets du Covid-19 sur les relations économiques et diplomatiques.

 

Pourquoi parler de “système monde” et de “village global” ?

À l’heure actuelle, la pandémie continue de se répandre, le terme de “système monde” explique bien les interactions actuelles. Selon Immanuel Wallerstein, il n’y a qu’un seul réseau économique mondial. Tous les acteurs ou encore les échanges sont liés. Le géographe Olivier Dollfus affirmait en 1986 que le système monde était le produit de toutes les interactions entre les éléments. Il est interdépendant du système terre car ce dernier contient la vie. Aujourd’hui ces systèmes font prendre conscience de cette interdépendance et des risques qui y sont associés.

De même, l’idée de “village global “ de McLuhan met en exergue les relais d’informations, de rumeurs et les bilans de victimes quotidiens de la pandémie à travers le monde.

Nous avons d’abord axé la conférence sur les conséquences économiques du Covid-19.

 

Peut-on envisager la fin du modèle capitaliste ? ou encore la mutation ? À qui profite vraiment cette crise ?   

Définissons d’abord le capitalisme. Il s’agit d’un régime économique qui repose sur l’accumulation de capital, capital qui n’appartient pas à ceux qui les mettent en œuvre par leur propre travail.

À priori ce régime n’est pas remis en cause du fait de son efficacité. Mais si on considère le libéralisme inhérent à sa définition (liberté de mouvement, limite du rôle de l’Etat), c’est cet aspect qui montre des limites. La crise ne remet pas en cause le modèle capitaliste mais son aspect libéral.

Ce dernier entraîne une concurrence entre entreprises, territoires et travailleurs qui débouche sur une spécialisation du territoire dans certaines tâches qui sera transformée par cette crise.

 

Que révèle la crise sur la manière dont les pays commercent entre eux ? Faudra-il repenser le commerce mondial ?

A l’évidence, il y aura une remise en cause du commerce mondial. Les personnes demandent plus de contrôle de la part de l’État au sein même des entreprises. 80% des substances actives des médicaments viennent en effet d’autres régions du monde.

Cette pandémie ouvre la voie directe au protectionnisme. Néanmoins, économiquement ce modèle connaît ses limites. Pascal Lamy, Directeur Général de l’OMC, préfère parler de l’avènement du précautionnisme (exagération du principe de précaution). À l’avenir, nous chercherons peut-être à nous approvisionner au plus près afin d’éviter tout risque (en cas de prochaine crise).

 

Quelle(s) option(s) pour la reprise économique ?

La crise économique qui accompagne la crise sanitaire est d’autant plus grave. Le système économique a besoin d’être reconstruit c’est certain. Mais comment ?

Le Secrétaire Général de l’ONU a affirmé qu’il fallait voir dans cette catastrophe une opportunité d’orienter nos politiques économiques vers des choix plus durables, plus inclusifs et qui assurent la santé et la sécurité. Ces idées s’alignent sur les 17 Objectifs de Développement Durable, un plan voté en 2015 mais qui reste d’actualité.

En effet, cette crise vient de la manière dont on a traité et interagi avec notre environnement. Elle n’est pas et ne sera pas une exception, il faut garder en tête que cela peut se reproduire mais aussi que le virus n’est pas le seul enjeu actuel : il ne faut pas négliger le changement climatique. Il faut voir cette crise comme un essai car d’autres crises nous attendent.

Ce qui est certain c’est que la reprise économique va passer par l’injection de milliers de milliards d’euros pour créer des emplois ou redresser des entreprises. Le Secrétaire Général de l’ONU voudrait que cet argent soit utilisé pour mettre en œuvre une transition verte et propre dans le cadre d’une politique de décarbonisation de l’économie. En effet, l’argent ne doit pas être utilisé pour soutenir des industries dépassées et polluantes. Il faut cesser de protéger ces activités et cesser les subventions aux combustibles fossiles, fixer un prix au carbone et appliquer le principe du pollueur payeur.

Il paraît également urgent d’investir dans la résilience c’est à dire mettre en place des stratégies, des mécanismes pour mieux résister aux chocs exogènes. Cela nous permettra de mieux anticiper les prochaines crises et surtout de ne laisser personne derrière, notamment les populations les plus vulnérables.

Bien qu’on ait l’impression que cette reprise et cette transition nécessitent de lourds investissements, il ne faut pas oublier que le coût de l’inaction est bien supérieur à celui de l’action.

Nos invités ont souligné l’aspect fondamental de l’économie dans les relations internationales. Ces dernières ne s’arrêtant pas aux échanges commerciaux, nous avons tenu à les interroger sur les conséquences diplomatiques du Covid-19.

Cette nouvelle crise remet-elle en cause le fonctionnement de l’UE ?

La remise en cause de l’Union Européenne ne date pas de la crise. Cette dernière ne fait que remettre au gout du jour des faiblesses qui existaient déjà. L’UE est dépassée par l’urgence de la crise et par la nature de la crise. Il s’agit d’une crise sanitaire qui touche le domaine de la santé publique. Or, dans ce domaine il n’existe pas de régulation européenne, la santé publique est une compétence interne des États membres et l’UE n’est qu’un appui. C’est la raison pour laquelle les possibilités sont limitées et qu’il n’y pas d’action engagée à l’échelle de l’UE.

À cela s’ajoute un manque de solidarité évident qui s’est vu au tout début de la crise lorsque la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen a préféré attendre de voir ce qui se passait en Italie plutôt que d’agir. Manque de solidarité que l’on retrouve lorsqu’il faut prendre des décisions pour l’économie notamment. Fin mars, 9 pays dont la France ont émis l’idée de créer des instruments de dette communs mais des États dits “frugaux” comme l’Allemagne ou encore les Pays Bas s’y sont opposés. Le ministre des finances néerlandais a même proposé d’enquêter sur la marge budgétaire des pays afin de comprendre pourquoi certains ne sont pas en mesure d’affronter la crise.

On retrouve en Hongrie un autre exemple de l’inaction de l’UE avec Viktor Orban qui profite de la crise actuelle pour élargir ses pouvoirs. La seule réponse de l’UE face à ce déni de démocratie a été de dire qu’aucune mesure d’urgence ne peut durer indéfiniment.

Beaucoup voient l’avenir de l’UE de manière pessimiste comme Bertrand Badie qui annonçait sur RFI que l’Europe c’est fini, probablement une des premières victimes du coronavirus.

 

Est-on en train d’assister à un basculement des rapports de force au niveau mondial ?

La Chine ne cache pas ses ambitions. Elle a déclaré que Mike Pompeo était l’ennemi de l’humanité. L’escalade de tensions avec les Etats-Unis rappelle évidemment le début de la guerre froide. Le bilatéralisme l’emporte sur le multilatéralisme.

Jean-Yves Le Drian a d’ailleurs déclaré que sa crainte était que le monde d’après ressemble au monde d’avant mais en pire. Les faits semblent lui donner raison.

 

Qu’est-ce que cette crise dit du multilatéralisme ?

Cette crise témoigne de l’incapacité d’un Etat seul à lutter contre un virus ou un bouleversement climatique. Néanmoins, l’Europe a été peu solidaire. Il n’y a pas ou trop peu de mise en commun d’informations et d’expérience. Or l’Assemblée Générale de l’ONU préconisait déjà début avril d’intensifier la coopération et d’agir ensemble pour trouver un vaccin. Finalement, l’idée d’un fonds pour soutenir la recherche en matière de traitement a été acceptée et celui-ci a été créé lundi dernier.

 

La propagande chinoise est-elle efficace ? Va-t-elle profiter à la Chine ?

Cette propagande trouve son origine dans la volonté des Chinois de réécrire l’histoire de la pandémie et surtout de faire oublier le lien entre le virus et le pays. Le virus n’est pas chinois, c’est un virus mondial, une pandémie. Ainsi, ils ont même émis l’idée d’un lien entre le virus et la CIA.

En effet, la Chine tente de faire oublier l’origine du virus mais aussi la minimisation des chiffres. Premier pays à être soi-disant sorti de la crise, elle profite de son avance dans le temps pour agir comme une puissance secourable en envoyant masques et équipes médicales vers l’Iran, l’Irak ou encore l’Italie. Cette propagande sert à combler un déficit d’image dont souffre la Chine depuis une dizaine d’années. Le pays a besoin des marchés occidentaux pour des raisons d’interdépendance économique. La Chine ne peut pas sortir économiquement de cette crise si les autres pays ne sortent pas de la crise sanitaire. De plus, si son image se dégrade encore à l’issue de la pandémie, ses produits ou ses entreprises pourraient être boycottés et cela s’avérerait dramatique pour l’économie chinoise.

Mais cette propagande rencontre des obstacles, notamment l’attitude de Donald Trump qui parle de “virus chinois” et qui s’allie à des pays comme l’Australie ou la Nouvelle Zélande pour demander des expertises sur l’origine de la pandémie. La virulence dans les propos des diplomates chinois montre à quel point cette situation est problématique sur le plan des relations diplomatiques.

 

L’OMS a-t-elle correctement joué son rôle ? Le rôle de cette organisation est-il remis en cause par le Covid? L’OMS a-t-elle failli ?

Le rôle de l’OMS est de promouvoir la politique de santé publique, mettre en place des protocoles et apporter de l’aide. C’est une entité supranationale et diplomatique qui dépend des informations données par les États. Ainsi, il faut savoir que l’OMS est tributaire des États et des informations qu’ils acceptent de communiquer.

De fait, l’organisation n’est pas plus proche de la Chine que d’un autre pays. Les données de l’OMS sont celles transmises par la RPC. L’OMS avait demandé une intervention sur place. Après l’avoir faite attendre, le gouvernement chinois ne l’a autorisée à venir qu’en périphérie. Ainsi, l’institution n’a réagi en temps et en heure. Enfin, concernant son budget, l’OMS ne fait pas de choix. Elle répond au budget alloué.

 

Comment l’ONU répond à la crise sanitaire ?

Nous avons mentionné l’OMS juste avant, qui aide les services de santé publics de nombreux pays. En effet, des dizaines de hubs sont actifs pour tout le réseau logistique. Par exemple, quelques jours auparavant, un cargo avec de l’aide humanitaire a décollé de Liège pour l’Afrique. Et on prévoit 350 cargos/mois quand tout sera opérationnel. Covid-19 ou non l’organisme est toujours actif avec du personnel sur le terrain.

L’UNESCO s’est aussi mobilisée et a mis en ligne des ressources pédagogiques à destination des enseignants afin de faciliter l’enseignement en ligne. L’UNICEF également, qui est intervenu en France pour donner des masques et des blouses au personnel médical. Ou encore le Haut-Commissariat aux droits de l’homme qui a accru sa surveillance dans les pays sous tension.

Ainsi, l’ONU est constituée de beaucoup d’entités c’est pourquoi c’est un système complet et difficile à comprendre, dont on a souvent du mal à voir l’ampleur. Alors même qu’il n’existe aucun autre organisme capable d’intervenir aussi rapidement et partout dans le monde. Cependant ses interventions ne sont pas qu’occasionnelles, il existe des crises durables comme la faim qui tue beaucoup plus que cette épidémie.

Bien que le système ait ses limites et ses défauts, son impact est considérable même si on parle plus de ses échecs que de ses réussites.

 

Est-ce qu’une bonne gestion de la crise va garantir un supplément d’influence sur la scène des relations internationales ? Ou au contraire pas du tout ?

Il semble peu probable que certains tirent leur épingle du jeu. Même Taiwan qui semble exemplaire dans sa gestion de crise est en fait utilisé comme pion par les Etats-Unis. D’un côté Trump suggère la participation de Taiwan aux assemblées de l’OMS. De l’autre, il suspend le budget alloué à l’organisation. Autre exemple : la Suède. Le pays peut gagner en popularité par ses choix réalisés. L’intérêt se trouve autre part ; dans le multilatéralisme. La France l’a bien compris et pousse à l’adoption d’une résolution ans le Conseil de Sécurité.

Il faudra également faire attention à la fin de la crise. Nous gagnerons la guerre contre le virus quand il n’y aura plus de nouveaux cas pendant au moins 14 jours. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe toujours un risque.

 

Comment l’ONU voit- elle la sortie de crise ?

À l’avenir, il s’agirait de renforcer les structures multilatérales, de leur donner plus d’indépendance et de les doter de fonds suffisants. Il faudra également repenser l’économie en termes de développement durable. Mais ces changements supposent de prendre des décisions suffisamment courageuses.

Ainsi, à l’issue de cette conférence nous voyons bien les limites de notre monde actuel, dans lequel les relations internationales sont interdépendantes. Des changements économiques et diplomatiques sont donc à prévoir suite à cette crise sanitaire. Néanmoins, difficile de se prononcer précisément quant à l’avenir et à la période post-Covid qui s’ouvre à nous.  

 

Article rédigé avec la contribution d’Emina et Jules, membres de SimONU

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Dorian Zerroudi
Co-fondateur d'elevenact (Mister Prépa, Planète Grandes Ecoles...), j'ai à coeur d'accompagner un maximum d'étudiants vers la réussite !