1) La perspective historique et théorique
Les économistes Allan Fisher (The clash of progress and security, 1934) et Colin Clark, ont les premiers proposé un découpage du système productif en secteurs d’activités : primaire, secondaire et tertiaire. C. Clark considère comme « primaires les activités agricoles, minières, forestières et maritimes ; comme secondaires les activités manufacturières et la construction ». Il regroupe, par défaut, dans le secteur dit « tertiaire » toutes les autres activités.
Ensuite c’est Jean Fourastié dans Le grand espoir du XXe siècle, qui dresse une classification et analyse le rapport inégal entre le progrès technique et les secteurs.
– progrès technique qu’il qualifie de « moyen » dans le secteur primaire,
– progrès « fort » dans le secteur secondaire
– progrès « faible » dans le secteur tertiaire.
Selon Jean Fourastié, ces secteurs se caractérisent par des gains de productivité aux rythmes différents : rapides pour le secondaire, modérés pour le primaire et quasi-nuls pour le tertiaire.
Le secteur secondaire atteint son apogée vers 1965-1970 puisqu’il représente 38 % des actifs tandis le secteur tertiaire continue de gonfler et dépasse même le poids du secondaire dès le milieu du 20ème siècle. Le passage des emplois du secteur primaire vers les secteurs secondaire et tertiaire, puis, à partir des années 1970, vers le seul secteur tertiaire est bien décrit par Alfred Sauvy dans La machine et le chômage (1980), montrant ainsi que les gains de productivité dans un secteur détruisent des emplois mais favorisent à long terme la création d’emplois dans d’autres secteurs : théorie du déversement d’A. Sauvy.
Selon cette théorie, le progrès technique, lorsqu’il est introduit dans un secteur d’activité ou une branche, détruit des emplois dans ce secteur, on parle de substitution capital/travail : les « machines » remplacent les hommes. C’est l’effet direct, qui est négatif. Cependant, si le progrès technique correspond à une innovation de procédé, il permet des gains de productivité. Or, la répartition des gains de productivité va permettre l’accroissement de la demande, cette demande ne se portant pas nécessairement vers les produits du secteur dans lequel le progrès technique a été introduit. Par exemple, des gains de productivité dans le secteur primaire (l’agriculture) ont historiquement permis une diminution des prix des produits agricoles ; cela a « libéré » du pouvoir d’achat pour les consommateurs, qui ont pu porter leur demande vers un nouveau secteur. La production augmentera donc dans ce nouveau secteur, ce qui sera source de création d’emplois. On parle de « déversement » car les emplois détruits sont plus que compensés par les emplois créés (le solde est positif).
2) Une idée à relativiser en 2021
Le découpage du système productif en secteurs d’activités est aujourd’hui de moins en moins utilisé par les économistes car 3 limites :
- -les frontières entre les secteurs sont formelles et une analyse fine du système productif peut conduire à les remettre en question (les activités minières sont-elles plus proches de l’agriculture ou de l’industrie par exemple? ).
- –l’externalisation qui débouche sur une imbrication des activités secondaires et tertiaires par exemple
- –l’hypothèse d’inégale répartition des gains de productivité selon les secteurs proposée par J. Fourastié est aujourd’hui infirmée par les faits. Il existe en effet de nombreuses activités de services (la grande distribution commerciale, la banque ou l’assurance par exemple) qui ont connu une forte progression de leur productivité avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) à partir des années 1990.
À tel point que Pierre Veltz, dans Soutenir l’économie hyperindustrielle (2017) nuance la distinction entre industrie et services du fait des mutations économiques contemporaines. Il considère que des entreprises comme Apple, Amazon ou Google traduisent la convergence entre ces deux activités. Cette convergence s’exprime à la fois par l’industrialisation des services, leur place croissante dans la compétitivité manufacturière et par la généralisation d’une orientation « servicielle » de l’industrie.
3) L’exemple des livreurs de colis
Derrière l’essor de la livraison du colis à domicile, il y a des hommes et des femmes qui travaillent : 900 000 dans la logistique, 700 000 dans les transports soit plus d’un million et demi de salarié en France, ils constituent une nouvelle caste d’ouvrier.
L’INSEE les classe comme ouvriers et c’est très bien car le type de travail qui est effectué est physique et répétitif ça veut dire qu’il y a des ouvriers aujourd’hui qui travaillent dans le secteur tertiaire. Cela signifie qu’un ouvrier ne va pas forcément fabriquer un objet simplement le faire circuler il peut produire un flux.
Ce sont des emplois plutôt difficiles voire très difficile puisque c’est chez les livreurs qu’il y a le plus d’accidents du travail et de maladies professionnelles juste derrière le BTP notamment en raison des ce qu’on appelle les maladies de l’hypersollicitation : prendre un colis le poser, le reprendre sur une palette le poser sur un tapis puis le poser dans un camion. Il n y’a pas une maladie de la logistique comme il y avait la maladie du mineur, c’est uniquement une usure accélérée des corps et tout ça c’est un coût pris en charge par la société et non par l’employeur. De plus en plus il y a les livreurs, qui sont souvent en intérim, qui travaillent à travers une application, c’est un métier qui a subi ce que l’on appelle l’ubérisation de la société.
Finalement on impression qu’on vit dans un monde où l’industrie diminue, il y a de moins en moins d’ouvriers mais partout dans nos rues il y a des livreurs à vélo et ces livreurs il y a une époque ils manifestaient avec un slogan « la rue est notre usine » en fait ce sont des ouvriers ce sont même les nouveaux ouvriers mais malgré leur statut, ils n’ont pas du tout le même niveau de salaire ni les mêmes conditions de travail, ces dernières sont pires actuellement.