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Manifestations en Chine : vers un changement de paradigme ?

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Alors que le 20e congrès du Parti communiste d’octobre 2022 a permis à Xi Jinping d’assoir son emprise sur le parti et de renforcer son pouvoir, la Chine connaît depuis quelques semaines une vague de protestations sans précédent.

 

La chronologie

Depuis le 15 novembre, des dizaines de manifestations ont eu lieu en Chine. Les manifestants ont exprimé leur colère à l’encontre de la politique zéro Covid de Pékin, mais aussi envers le régime, ce qui n’a pas manqué de le faire réagir, tant l’ampleur et l’intensité de ces protestations sont inédites.

Le 24 novembre, des émeutes ont éclaté devant l’usine Foxconn (sous-traitant d’Apple) de Zhengzhou, métropole de 10 millions d’habitants du centre de la Chine. Cette usine, qui compte plus de 200 000 ouvriers, a connu des scènes d’affrontement, symbole du mécontentement des ouvriers qui réclamaient le versement d’une prime qui leur avait été promise et la fin de la politique zéro Covid.

Mais l’événement qui a été déterminant a eu lieu à Urumqi, la capitale du Xinjiang où, le lendemain d’un incendie qui a fait plus de 10 morts le 24 novembre, des milliers d’habitants sont descendus dans la rue, s’affranchissant ainsi des restrictions sanitaires et du confinement, dans cette province touchée par une terrible répression envers la minorité musulmane des Ouïgours.

 

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Dans la vague du soulèvement d’Urumqi, de nombreuses manifestations ont eu lieu le week-end des 26 et 27 novembre, à travers tout le pays, dans le centre de Shangaï, sur le campus de la célèbre université pékinoise de Tsinghua dont Xi Jinping est lui-même diplômé, mais aussi sur le campus d’une cinquantaine d’autres universités.

 

Une crise politique, qui s’additionne à une crise sanitaire et économique

Comment expliquer ces soulèvements soudains ? C’est sans doute le contexte actuel qui a poussé les Chinois dans la rue. Alors que la plupart des pays occidentaux ont appris progressivement à vivre avec le virus, la Chine, encore en grande partie confinée, traverse un ralentissement économique notable.

Depuis 2020, les autorités chinoises ont fait preuve d’une extrême fermeté en matière sanitaire et le pouvoir de Xi Jinping restait jusque-là inflexible. Par fierté nationale, Pékin a refusé d’importer des vaccins occidentaux, qui se sont pourtant révélés plus efficaces que les vaccins chinois.

Les confinements se sont enchaînés, alors que les contaminations, proches des 30 000 nouveaux cas par jour au cours des dernières semaines, avoisinaient les chiffres que l’on connaît actuellement en Europe, bien que nous ne soyons pas soumis aux mêmes restrictions.

 

Cette stratégie, si elle a payé en 2020, ne porte aujourd’hui plus ses fruits et une grande partie de la population, en particulier au sein de la jeunesse, se révolte contre ces restrictions des libertés.

Le contexte économique défavorable a lui aussi contribué à cette prise de conscience. Avec 3,2% de croissance prévus cette année, au lieu de l’objectif de 5,5%, la Chine connait son plus bas taux de croissance en quatre décennies. Et ce sont les jeunes qui en pâtissent le plus, dans la mesure où 20% des jeunes diplômés sont actuellement au chômage. La crise du marché immobilier est quant à elle en train de ruiner les perspectives des classes moyennes.

 

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Quelles conséquences ?

A travers ce mouvement de protestations, les Chinois n’expriment pas seulement leur volonté de mettre fin aux mesures anti-Covid, mais aussi un désir plus puissant et profond, celui de voir progresser leurs droits et libertés.

La Chine n’a pas connu de tel soulèvement depuis le printemps 1989, au cours du mouvement démocratique de la place Tiananmen, réprimé dans le sang par la suite.

Pékin a donc réagi le jeudi 1er décembre en annonçant un assouplissement de la politique zéro Covid et cette orientation a été confirmée le 7 décembre, dans une déclaration officielle qui ne mentionnait même plus l’expression « zéro Covid ».

Cependant, la sortie de cette politique devrait être très progressive car beaucoup d’habitants craignent toujours d’attraper le virus.

Quels enjeux à l’avenir ?

L’un des enjeux principaux pour les autorités, après trois ans de propagande qui ont insisté sur les dangers du virus, va consister à réussir à faire évoluer les mentalités en diffusant un nouveau message.

Par ailleurs, l’ouverture suscite des inquiétudes quant à la capacité des services de santé à faire face à l’explosion des contaminations qui risque de se produire, d’autant que la couverture vaccinale des séniors reste largement insuffisante. Seuls 45% des plus de 80 ans ont reçu leur 3ème dose en Chine. L’objectif des autorités serait d’atteindre les 90%.

Il s’agit donc de procéder lentement à l’ouverture pour permettre aux services hospitaliers chinois de supporter le regain de l’épidémie annoncé.

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Matthieu Haut