La crise de 1929, ses origines et ses conséquences sur l’économie mondiale, sont des connaissances qui doivent être maîtrisées à la fin de vos années d’économie. Toutefois, les racines de cette crise ont longtemps été débattues par les différents économistes selon leur courant de pensée. Dans cet article, nous allons étudier trois différents points de vue sur cette crise majeure du XXème siècle. Nous aurons une analyse libérale, monétariste et keynésienne.
L’analyse libérale
L’analyse libérale met en avant le mauvais fonctionnement des marchés ou une mauvaise politique monétaire comme causes de la perturbation de ce système pourtant relativement stable auparavant. Les économistes libéraux font face à un défi, car cette crise renforce les critiques envers le capitalisme et favorise les partisans de l’intervention de l’État. Ainsi, ils cherchent à prouver que la crise est accidentelle.
Selon l’économiste anglais Robbins, dans La Grande Dépression 1929-1934, la gravité de la crise est due aux séquelles de l’économie de guerre qui n’ont pas été totalement démantelées, entravant ainsi les mécanismes du marché. Pour lui, seule la rigueur et le rétablissement des mécanismes de marché permettront de retrouver les voies de la prospérité.
Rueff, de son côté, explique le déclenchement et la poursuite de la crise par le grippage des mécanismes de marché. Selon lui, le chômage et la persistance de la crise sont liés à la rigidité des salaires à la baisse, entraînée par le poids des syndicats et les allocations de chômage qui empêchent les ouvriers d’accepter une baisse de salaire. Les salaires baissent moins rapidement que les prix, ce qui détériore les profits des entreprises et les pousse à réduire leurs investissements, entraînant une baisse de la production et de l’emploi (“Allocation-chômage, cause du chômage”).
Ben Bernanke, ancien président de la Réserve fédérale, met l’accent sur le rôle du crédit dans la crise. Selon lui, la baisse de la masse monétaire est due au fait que les faillites bancaires ont empêché les entreprises d’obtenir les crédits nécessaires, ce qui a entraîné une baisse des investissements, de la production ou même des faillites.
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L’analyse monétariste
L’explication monétariste, soutenue par Milton Friedman dans son ouvrage Inflation et système monétaire (1976), souligne que la baisse de la masse monétaire a joué un rôle fondamental dans la crise. Selon lui, les politiques de la Réserve fédérale ont transformé une crise ordinaire en une crise catastrophique. La chute de la masse monétaire , qui fut la plus forte jamais enregistrée aux États-Unis, due aux faillites bancaires et au retrait des déposants a contribué au caractère dramatique de la crise. Friedman estime que la Réserve fédérale aurait dû empêcher cette chute en intervenant de manière plus active.
Cette analyse reste toutefois discutable, car elle suppose une efficacité des politiques et des autorités monétaires, pas toujours assurée. Friedman affirme que si la Réserve fédérale avait suivi les conseils de nombreux membres et fourni davantage de monnaie, les faillites bancaires n’auraient pas eu une incidence aussi importante sur la baisse de la masse monétaire. De plus, il est probable que de telles mesures auraient empêché le développement rapide des faillites bancaires.
L’analyse keynésienne
L’analyse keynésienne, basée sur l’ouvrage de Keynes intitulé La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie publié en 1936, critique la politique de déflation et remet en question l’étalon-or en le qualifiant de “relique barbare”. Selon Keynes, cette crise démontre que l’économie capitaliste n’est pas nécessairement stable. Le libre jeu du marché peut en effet conduire à une situation de sous-emploi durable où le chômage est involontaire et causé par une insuffisance de la demande.
Keynes préconise donc une intervention étatique nécessaire, notamment par le biais de politiques de relance, telles que l’augmentation des dépenses publiques et du déficit, afin d’injecter une demande supplémentaire dans l’économie. Il recommande également une politique monétaire favorable à des taux d’intérêt bas pour favoriser la création monétaire. De plus, Keynes estime qu’une action sur la distribution des revenus est nécessaire pour stimuler la consommation, comme le suggère Beveridge, à l’origine du système de santé britannique (NHS).
Cependant, les critiques de Boyer et Mistral en 1979 dans leur ouvrage “Accumulation, inflation et crise” remettent en question l’efficacité des politiques keynésiennes de l’époque. Ils considèrent en effet qu’elles étaient incapables de contrebalancer le blocage causé par la chute puis la stagnation de l’investissement et des exportations. Par exemple, en France entre 1932 et 1938, le déficit budgétaire a augmenté de moitié (7% du PIB), mais l’activité économique n’a connu qu’une croissance modérée (moins de 8%).
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En somme, la crise de 1929 a suscité de nombreux débats parmi les économistes, chacun proposant son propre point de vue pour expliquer les origines et les conséquences de cette crise majeure. L’analyse libérale met l’accent sur les dysfonctionnements des marchés et les politiques monétaires inappropriées, tandis que l’analyse monétariste souligne le rôle crucial de la baisse de la masse monétaire dans la crise. D’un autre côté, l’analyse keynésienne remet en question la stabilité du capitalisme et préconise une intervention étatique pour stimuler la demande et combattre le chômage.
Chaque approche apporte des éléments de réponse intéressants, mais il est important de reconnaître que la crise de 1929 est un événement complexe qui résulte de plusieurs facteurs interconnectés.