Dans une tribune du 21 juin 2023 publiée sur le site Les Echos, l’économiste et professeur au Collège de France, Philippe Aghion, a pris la parole sur les investissements à réaliser pour le climat, et notamment les avantages du recours aux partenariats publics et privé.
Philippe Aghion s’interroge sur le financement de la transition écologique
Philippe Aghion commence sa tribune par rappeler les difficultés inhérentes au financement de la transition écologique : « Nous savons qu’à court terme la transition écologique sera coûteuse et nécessitera des dépenses et investissements supplémentaires. De fait, la transition écologique n’augmente ni le volume ni la productivité des facteurs de production, elle oblige au contraire les entreprises à abandonner des activités de production et d’innovation qu’elles maîtrisaient très bien dans des technologies polluantes pour se réorienter vers la production et l’innovation vertes qu’elles maîtrisent moins bien : cette réorientation requiert de mettre des machines et procédés existants au rebut pour les remplacer par du capital vert. »
Cette introduction fait écho aux propos du célèbre économiste français Jacques Mistral, qui dans son livre Le climat va-t-il changer le capitalisme ? paru en 2015 nous dit : « Le climat cumule la quasi-totalité des catégories d’imperfections dégagées par les économistes : déficit d’information, dispositifs incitatifs qui favorisent la performance à très court terme, caractère de bien public global du climat à l’origine d’incapacités à décider et de comportements de « passagers clandestins », les uns comptant sur les autres pour initier des actions et en assumer les coûts. Ajoutons que les marchés ont longtemps perçu le risque climatique comme une incertitude, c’est-à-dire une menace non probabilisable. »
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Le climat nécessite des investissements selon le récent rapport de Jean Pisani-Ferry
L’économiste et professeur au Collège de France poursuit sa tribune en s’appuyant sur le rapport de Jean Pisani-Ferry Les incidences économiques de l’action pour le climat. En effet, selon ce dernier, pour atteindre l’objectif d’une réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, la collectivité devra investir 34 milliards d’euros par an. Or, avec une dette publique supérieure à 3 000 milliards de dollars, des pressions des agences de notation et de Bruxelles, Philippe Aghion s’interroge sur la manière de financer ces investissements ?
Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, les auteurs du rapport proposent d’abord de redéployer les dépenses budgétaires ou fiscales brunes. Mais, il serait « peu réaliste » de s’arrêter là. Ils considèrent donc qu’il ne faut pas exclure un financement par l’endettement public et qu’un accroissement des prélèvements obligatoires sera probablement nécessaire. Ces derniers proposent également d’instaurer un impôt exceptionnel sur le patrimoine (immobilier et mobilier) des 10 % les plus riches, échelonnable sur vingt ans : « dans les faits, un Impôt Sur la Fortune (ISF) vert pour pouvoir couvrir de tels montants » pour Philippe Aghion.
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« Je suggère d’activer le partenariat entre investissement public et investissement privé »
L’auteur de la tribune n’est pas favorable aux conclusions du rapport de Jean Pisani-Ferry. Selon lui, il faudrait « s’inspirer de cet autre grand chantier que fut la construction au XIX siècle du réseau de chemins de fer français, en activant le partenariat entre investissement public et investissement privé ». En effet, « ce chantier s’était appuyé sur un partenariat entre l’Etat et six compagnies privées, dont la Compagnie de l’Ouest, créée par les frères Pereire. »
Philippe Aghion développe « pour financer le chantier de la transition énergétique, par-delà les 750 milliards d’euros déjà débloqués dans le cadre du plan de relance post-Covid, je propose d’augmenter la capacité d’investissement de l’Europe en créant un fonds européen souverain pour l’industrie verte : tout comme le plan de relance européen, ce fonds serait financé par un emprunt directement contracté par l’Union européenne.
Les nouvelles facilités d’emprunt européen ainsi générées seraient à leur tour utilisées pour mobiliser des capitaux privés, sur le modèle des banques de développement : à titre d’exemple, à travers ses partenariats avec les investisseurs privés, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement parvient à financer des projets à une échelle correspondant au triple de ce qu’elle met sur la table sous forme d’actions, de prêts ou de garanties.
En parallèle, je propose la création d’un fonds souverain multi-pays plus large qui aurait pour mission de racheter les innovations vertes afin de les diffuser vers les pays émergents. Un tel dispositif permettrait de réconcilier l’incitation à innover dans les technologies vertes avec la nécessité de rapidement diffuser ces technologies vers les pays moins développés. »
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Pour conclure, dans sa tribune à l’édito Les Echos, Philippe Aghion a pris la parole sur les investissements à réaliser pour le climat. Pour lui, la solution au problème du financement de la transition énergétique ne peut être qu’internationale et en impliquant également les investisseurs privés.