Il est nécessaire avant d’aborder ce sujet, de rappeler la définition d’une politique monétaire. La politique monétaire est l’ensemble des moyens dont disposent les Etats ou les autorités monétaires. Cela dans l’objectif d’agir sur l’activité économique par la régulation de sa monnaie.
Pour s’entrainer, voici le sujet de l’ENS Rennes 2022
Retour sur les prémices de la politique monétaire de la zone euro
Le 1 juin 1998 à Francfort en Allemagne, nait la banque centrale européenne (BCE). Cette naissance fut inspirée par l’idée de créer dans la zone euro, une union économique et monétaire. Une union prônant deux valeurs : une liberté de circulation des capitaux et une autorité monétaire unique.
Dès lors, depuis le 1er janvier 2002, la banque centrale européenne tient un rôle précis. Assurer la stabilité des prix au sein de la zone euro. (Article 127 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne).
En d’autres termes, la banque centrale européenne est chargée de maitriser les phénomènes d’inflation (augmentation généralisée et durable des prix). Ou de déflation (diminution généralisée et durable des prix).
Théoriquement, les gouverneurs de la BCE doivent veiller à ce que l’inflation de la zone euro ne dépasse pas les 2%. C’est ce qu’on appelle une cible inflationniste.
En pratique, pour toute politique économique, le nombre d’instruments doit être égal au nombre d’objectifs visés (On the theory of economic policy, Jan Tinbergen). La banque centrale européenne dispose donc d’un instrument central : le taux d’intérêt directeur. C’est-à-dire le taux d’intérêt appliqué aux banques de second rang (banques commerciales) pour les prêts.
La manipulation du taux d’intérêt directeur permet donc la régulation de la masse monétaire en circulation et par conséquent la maitrise de l’inflation.
Vingt ans après, quel bilan pour la politique monétaire de l’UE ?
En 2022, le constat est clair. Tous les fondements théoriques et pratiques du fonctionnement de la politique monétaire européenne sont remis en causes.
En juillet 2022, Eurostat estime l’inflation à 8,9%, bien loin de l’objectif des 2%. Cela s’explique par la reprise post-covid et la situation critique en Ukraine. Mais, concrètement cela montre que l’objectif de stabilité des prix affiché comme « primordial » à la création de la BCE n’est plus à l’ordre du jour. Bien qu’elle ait quand même récemment décidé d’une augmentation de 50 points de base. Ce comportement attentiste de la banque centrale européenne s’explique par plusieurs raisons :
Depuis la création de la banque centrale européenne, la zone euro n’a connu aucune période de forte inflation. Ce qui a ancré les anticipations des agents économiques à la baisse et guidé les taux d’intérêts directeurs vers leurs niveaux les plus faibles. A tel point que l’usage du taux d’intérêt est devenu inefficace, amenant à des trappes à liquidité. Toute politique monétaire passant par l’usage du taux d’intérêt est donc inefficace en cas de trappes à liquidité. (Démonstration avec le modèle ISLM : John Hicks 1937, Mister Keynes and the classics).
D’ailleurs, la banque centrale n’est pas si indépendante qu’elle apparait. Elle est plus ou moins contrainte par les états à garder des taux d’intérêts bas car si les taux d’intérêts augmentent, la charge de la dette des états augmente. C’est l’une des raisons pour laquelle l’usage des taux d’intérêts devient de plus en plus délicat étant donnée le montant de la dette qui ne cesse d’augmenter (par exemple, 114,5 % du PIB en France). C’est le phénomène de dominance fiscale (P.Artus, Les nouvelles politiques monétaires, 2022).
Lire plus : Qui sont les gagnants de la politique monétaire de la BCE ?
Un problème de temporalité ?
Aujourd’hui, l’Europe a besoin de solutions de court terme. Or depuis 1977, on sait que les effets d’une politique monétaire ne se voient réellement que 6 mois après sur le PIB et 18 mois après sur l’indice des prix à la consommation (IPC). Ce décalage temporel rend d’autant plus inefficace la politique monétaire dans une période où le court terme est primordial (Kydland, Prescott 1977, Rules rather than discretion, the inconsistency of optimal plans).
Enfin, le fonctionnement de la politique monétaire européenne est enlisé dans un conflit d’objectif. La problématique de l’arbitrage un arbitrage court terme, long terme. Tout en gardant l’objectif de stabilité des prix, la BCE doit se porter garante de la stabilité financière entachée par la crise sanitaire. Mais aussi penser à long terme en apportant des réponses monétaires à la transition numérique et écologique.
Quelles propositions ? Quelles solutions ?
Pour conclure, on peut parler d’urgence à réinventer la politique monétaire européenne. Dans le sens où il faut trouver de nouveaux instruments pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Il existe pour cela, plusieurs pistes de réflexions et propositions.
Premièrement, l’urgence à la création d’un marché unique des capitaux européen vert, qui permettra d’accompagner la transition écologique tout en poussant encore plus loin, l’intégration économique et monétaire européenne.
Ensuite, le plan de la banque centrale pour les 5 prochaines années établit la création d’une monnaie numérique européenne. Ce qui permettra à la politique monétaire, d’accompagner la transition numérique.
Enfin, la BCE a promis de renforcer le contrôle macro prudentiel des banques, pour éviter les risque systémique et l’effondrement des marchés financiers.
*Propositions issues des rencontres économiques d’Aix en Provence.