La Pologne est considérée comme une des économies les plus stables dans l’Union européenne. Le passage à un modèle libéral depuis la fin de la Guerre froide a permis ce dynamisme. Cependant, la montée du libéralisme économique contraste avec un recul du libéralisme politique.
Un miracle économique depuis les années 1990
Une croissance économique fulgurante
A la chute du mur de Berlin, la Pologne fait partie des pays du bloc Est qui connaissent un renouveau de leur système économique. Si le système communiste imposé par l’URSS a engendré de nombreuses crises pendant la Guerre froide, le retour au libéralisme marque le début d’une période de forte croissance. Le pays bénéficie entre autres du programme PHARE mis en place par l’Union européenne afin de soutenir le développement des pays de l’ancien bloc communiste.
En 2004, l’entrée dans l’Union européenne favorise l’arrivée massive de capitaux et investissements des autres États de la région. Ce dynamisme économique contribue à une hausse du revenu par habitant. En effet, il passe de 40 % à 77 % de la moyenne européenne entre 2004 et 2021. A titre de comparaison, la Pologne devient 4 fois plus riche que l’Ukraine après son entrée dans l’Union européenne, alors que les deux pays affichaient des niveaux de vie similaires dans les années 1990.
La Pologne affiche donc une bonne santé économique. En effet, le pays n’a connu aucune année de récession jusqu’à la pandémie de Covid. Même pendant l’année 2008, le taux de croissance du PIB affiché était à 4 %, alors que les autres pays européens connaissaient une grave crise économique. En 2019, juste avant la pandémie, le taux de chômage était à 4 % et la dette publique représentait seulement 50 % du PIB.
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Les raisons de cette croissance économique
De nombreux éléments expliquent pourquoi la Pologne est attrayante pour les investissements des entreprises étrangères, qui représentent entre 30 et 40 % du PIB. Il s’agit en premier lieu d’un pays relativement peuplé, avec 38 millions d’habitants, ce qui signifie qu’une main d’œuvre importante est disponible sur place. De plus, le coût de cette dernière est assez bas (même s’il a augmenté ces dernières années) et elle est qualifiée.
Le pays connaît aussi une montée en gamme récente, comme le prouvent les investissements de sociétés de services à haute valeur ajoutée à l’image d’Intel. L’économie est donc assez diversifiée, ce qui permet de résister aux chocs si un secteur est en difficulté. Finalement, le cadre fiscal proposé est plutôt stable, avec un impôt sur les sociétés de 19 %. La corruption est également moins présente que dans les pays voisins.
Ainsi, la Pologne jouit d’une économie stable. Cependant, ceci va de pair avec un déficit démocratique grandissant ces dernières années.
Des dérives autoritaires : le début d’une “démocratie illibérale” ?
La Pologne connaît des dérives autoritaires depuis quelques années. Elle se voit de plus en plus fréquemment qualifiée de “démocratie illibérale”, soit d’un Etat qui néglige certains droits fondamentaux. L’arrivée au pouvoir d’Andrzej Duda en 2015, du parti Droit et Justice (Prawo i Sprawiedliwość), a marqué le renforcement des dérives.
On peut constater une concentration des pouvoirs dans les mains de l’exécutif. Par exemple, en 2019 a eu lieu une réforme de justice jugée comme enfreignant le droit européen (par la Cour de justice de l’Union européenne). De plus, des lois ont été votées pour réprimer les personnes LGBT ou le droit à l’avortement. De même, le pouvoir tente d’avoir un contrôle fort sur les médias. Une loi récente permet au gouvernement de remplacer des équipes dirigeantes des émissions radio et télévision.
Un autre débat clivant est celui de l’immigration. En effet, l’arrivée massive de réfugiés aux portes de l’Europe depuis la crise de 2015 a suscité des vagues de discours haineux à leur encontre. Certains politiques promeuvent une “contre-révolution culturelle”, soit une fermeture des frontières afin de freiner la diversité culturelle et revenir à un pays dominé par “l’identité blanche et chrétienne”. Ces idéologies sont à l’origine de politiques migratoires restrictives, qui enfreignent les droits fondamentaux des réfugiés.
A cause de ces dérives, la Pologne a souvent été confrontée à des contentieux avec les institutions européennes. Ceci donne lieu à un euroscepticisme grandissant. Dans les années 2000, l’Union européenne était perçue comme un accélérateur du développement économique. Aujourd’hui, cette vision s’est dégradée. A présent, l’UE est vue comme une organisation qui limite la souveraineté du pays en termes de politiques nationales.
Des faiblesses persistantes en lien avec ces dérives
Les faiblesses économiques et politiques
De nombreuses faiblesses perdurent au niveau économique, certaines étant en lien avec les dérives démocratiques. La population est en baisse et le taux de chômage est faible, ce qui crée un marché du travail tendu. 2 millions de travailleurs ont quitté la Pologne entre 2010 et 2015. Ceci est accentué par le fait que le gouvernement rejette fortement l’immigration, qui aurait pu compenser cette baisse de population. De plus, le charbon représente 70% du mix énergétique. Cette forte dépendance à une énergie non-renouvelable constitue un frein à la transition énergétique.
Les dérives démocratiques entraînent des conflits avec l’Union européenne, ce qui peut mener à une baisse des aides communautaires, alors qu’elles sont importantes pour la stabilité de l’économie. Par exemple, en 2021, l’UE a voté le plan de relance “Next Gen UE” pour pallier la crise Covid. Ce programme appuyait le plan de relance des États. Il avait pour objectif le renforcement de la stabilité économique, de l’équité sociale et de la transition verte.
Cependant, cette aide était conditionnée. En effet, seuls les Etats membres qui respectaient le droit communautaire y étaient éligibles. Le non-respect des principes de l’Etat de droit était donc discriminatoire. La Pologne s’est ainsi vu refuser cette aide. D’autres Etats voisins ont aussi été soumis à une interdiction, comme la Hongrie.
Les élections de 2024 : vers un changement politique ?
Au fur et à mesure que la Pologne se convertit en démocratie illibérale, les bénéfices qu’elle peut tirer de son appartenance à l’UE se réduisent. Bien que son économie affiche de bons résultats depuis les années 2000, cette dernière pourrait pâtir des dérives politiques. Cependant, durant les élections législatives de 2024, c’est le parti Plateforme civique (Platforma Obywatelska). Il s’agit d’un parti de centre-gauche, à la tête duquel se trouve Donald Tusk. Sa victoire aux élections pourrait être annonciateur d’un début de changement politique, avec un retour à des principes d’Etat de droit.
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