Le 20 août dernier, le ministre de la Défense polonaise, Mariusz Blaszczak, devenu l’un des plus en vue du gouvernement, annonçait une commande record de 96 hélicoptères de combat Apaches conclue avec les Etats-Unis. Cela s’ajoute aux centaines de chars Borsuk, Black Panther ou Abrams commandés aux États-Unis et à la Corée du Sud.
Une volonté précoce de renforcement militaire
Membre de l’OTAN depuis 1999, Varsovie a entamé depuis 2014 et l’annexion de la Crimée une politique de soutien à l’organisation. Ses budgets militaires annuels sont passés de 6,5 milliards d’euros en 2013 à 12,2 milliards en 2021.
Le gouvernement de droite souverainiste, issu du parti PiS (Droit et justice), accorde une considération toute particulière à l’OTAN. Elle est vue comme la véritable alliance occidentale.
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Mais pas d’approfondissement des relations avec Bruxelles
L’Union européenne, dont la Pologne est membre depuis 2004, est pour Varsovie une zone d’échanges commerciaux avant tout. La coopération étroite entre états n’est pas envisagée. Ainsi, la Pologne a privilégié des acteurs extras-européens pour ses projets militaires. La Corée du Sud et les États-Unis pour des commandes d’envergure par exemple. Mais aussi le Royaume-Uni post-Brexit, avec lequel un projet d’alliance avec l’Ukraine était évoqué dans le cadre du Global Britain.
La guerre en Ukraine a nettement accéléré le processus de réarmement
La Pologne est frontalière de l’enclave russe de Kaliningrad et est située à seulement 600 km de la frontière entre la Russie et la Biélorussie (la distance Paris-Bordeaux). Par conséquent, elle s’est activement mobilisée face à la menace russe depuis février 2022. Elle se présente comme un soutien majeur à l’Ukraine. Comment ? En étant notamment le pays accueillant le plus de réfugiés avec près d’1,5 million d’exilés ukrainiens sur son sol en 2023. L’Allemagne est deuxième avec 1 million d’exilés accueillis.
Un binôme renforcé avec le géant américain
C’est aussi un soutien indéfectible des Etats-Unis. Ces derniers profitent de la position centrale sur le continent européen de la Pologne pour en faire une plateforme logistique dans laquelle ils peuvent concentrer beaucoup de matériel militaire. Cette coopération permet de dépasser les clivages qui divisent les gouvernements Biden et Morawiecki. Des divisions demeurent sur les questions LGBT + et la liberté de la presse notamment. Des sujets vis-à-vis desquels la Pologne fait l’objet de critiques de la part du monde occidental. La Pologne est « une force de stabilité politique et de progrès économique en Europe » a affirmé le département d’État américain le 21 août dernier.
Le gouvernement polonais déploie des moyens grandeur nature
Dans ce cadre, Varsovie souhaite un armement considérable en planifiant un investissement de 120 milliards d’euros d’ici à 2030. Ainsi, elle deviendrait tout simplement la première armée d’Europe en effectif avec 300 000 militaires d’ici 15 ans ( à titre de comparaison, la France compte 200 000 soldats et l’Allemagne 170 000). Pour atteindre cet objectif ambitieux (la Pologne aligne 164 000 soldats aujourd’hui) un investissement de 4 % du PIB est prévu cette année.
Et en appelle à sa population
Une politique massive de recrutement est déployée dans le pays, notamment sur les réseaux sociaux. Des vidéos mettent en avant le patriotisme polonais et rappellent les grands drames auxquels le pays a été confronté dans l’histoire, comme l’invasion Nazie de 1939. Les jeunes femmes et hommes sont notamment visés par les politiques de recrutement. Ceux qui s’engagent perçoivent un salaire attractif (plus de 40 % au-dessus du SMIC national) ainsi que de nombreuses aides aux logements et exonérations d’impôts.
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Un poids renforcé dans l’UE
L’invasion de l’Ukraine a donné raison aux dirigeants polonais. Ces derniers dénonçaient en effet la menace russe depuis plusieurs années. La Pologne est donc aidée massivement par l’Union européenne pour financer sa politique d’armement, et s’impose comme un rempart européen majeur face à la menace russe et biélorusse. 4 000 soldats polonais sont actuellement présents à la frontière biélorusse. Un chiffre qui devrait s’élever à 10 000 prochainement selon l’état-major polonais. Le poids géopolitique de Varsovie n’en est que plus renforcé au sein de l’Union européenne.
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Des décisions qui font consensus en Pologne ?
Globalement, la population polonaise dans son ensemble soutient cet effort. L’opposition politique a même affirmé approuver la politique d’armement, bien que certains contrats manqueraient de transparence. La démographie peu dynamique (1,40 enfant par femme) fait qu’une grande partie de la population est âgée. 8 millions d’habitants ont plus de 65 ans sur les 38 millions de Polonais, soit 21 % de la population. Cette frange de la population garde encore en mémoire la menace soviétique. À l’approche des élections parlementaires d’octobre, visant à élire les députés et sénateurs, il est clair que les enjeux sont également électoraux pour le parti Droit et Justice.