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GEOPO RECAP’ : Récap de l’actualité géopolitique par SimONU

Sommaire

L’élection présidentielle au Burkina Faso a eu lieu ce dimanche 22 novembre 2020. Une élection très attendue mais aussi très appréhendée par tous et partout. 13 candidats se faisaient face dont le président sortant Roch Marc Christian Kaboré et le chef de l’opposition, Zéphirin Diabré.

Des élections sous haute tension au Burkina-Faso

Avec plus de 57% des voix, Kaboré est réélu à la tête de l’Etat burkinabé pour un second mandat de 5 ans. Toutefois, il n’a pas obtenu la majorité à l’Assemblée ; 56 sièges sur 127. Il se retrouve donc obligé de négocier avec ses opposants afin d’obtenir une majorité. Les résultats de l’élection restent néanmoins contestés par l’opposition, accusant le président élu de « fraudes ». Quant au taux de participation, il s’est révélé très faible : moins d’un Burkinabé sur deux s’est déplacé pour voter ; un acte qui traduit une certaine méfiance des citoyens envers les institutions mais qui peut également s’expliquer par le climat incertain qui règne dans le pays. 

 

Une situation qui se dégrade ?

Roch Marc Christian Kaboré avait été élu en 2014 à la suite d’une période de transition débutée après la chute de Blaise Compaoré, chassé par des manifestations après 27 années au pouvoir. Kaboré a hérité d’un pays fracturé et perpétuellement menacé, notamment par les djihadistes. Beaucoup de Burkinabés lui reproche d’ailleurs un certain immobilisme face à la menace terroriste. Le pays est plus que jamais confronté à cette menace à laquelle s’ajoute la crise économique, en partie dû à la pandémie de la COVID-19.  En effet, le précédent mandat de Kaboré a été marqué par une dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. On dénombre plus de 1 600 morts et plus d’un million de personnes déplacées en 5 ans.

 Ainsi, l’enjeu sécuritaire était au centre des préoccupations de ces élections législatives et présidentielles. Aucun bureau de vote n’a été ouvert dans près de 15% du territoire car l’Etat n’était pas en mesure de garantir la sécurité de chaque votant face à la menace terroriste. Ce sont particulièrement dans les territoires à l’Est et au Nord du Burkina-Faso que se concentrent les menaces ; des territoires pendant longtemps délaissés par les politiques publiques. Les djihadistes se sont donc progressivement substitués à l’Etat et ont de facto pris le contrôle quasi-complet de ces territoires. Ils mènent généralement des attaques ciblées à l’encontre des représentants de l’Etat tels que des élus, des gendarmes, des militaires, des enseignants mais également à l’encontre de simples citoyens burkinabés. Aux bureaux de vote fermés, il faut ajouter les dizaines de milliers de personnes qui n’ont pas pu voter à cause de problèmes de papier. En fuyant leur domicile, certaines personnes ont soit oublié leurs papiers d’identité chez eux, soit les ont égarés lors de leur exil.  

 

Une légitimité vacillante

Ainsi, le déroulement de ces élections dans des conditions quasi-chaotiques révèle toute la complexité pour l’Etat de les organiser. Quant à la forte abstention, la raison se trouve principalement dans la sécurité. Néanmoins, cela peut questionner la légitimité des représentants fraîchement élus. Un des grands enjeux de ce quinquennat sera donc de trouver une réponse à la question sécuritaire. La politique de dialogue du président déchu en 2014 ne semble pas avoir porté ses fruits tout comme les pourparlers entamés de l’autre côté de la frontière entre l’Etat malien et les groupes djihadistes. Il semble pourtant indispensable pour le pouvoir burkinabé et sa pérennité de reprendre le contrôle des territoires aux mains des djihadistes et d’y imposer l’autorité de Ouagadougou. 

 

Les Etats-Unis vont retirer des troupes d’Afghanistan et d’Irak 

Mardi 17 novembre, les Etats-Unis ont annoncé leur intention de retirer pour le 15 janvier 2021 plusieurs milliers de militaires d’Afghanistan et d’Irak. Cette annonce s’inscrit dans la logique de Donald Trump de mettre fin « aux guerres sans fins » – l’une de ses promesses électorales de 2016. En effet, depuis le lancement de l’offensive militaire en Afghanistan en 2001 puis en Irak, 7000 soldats américains sont morts et 52 000 ont été blessés dans ces deux conflits. A la mi-janvier 2021, le nombre de troupes américaines en Afghanistan et en Irak s’élèvera à 2500 soldats par pays. Le jour de l’annonce, des milices irakiennes pro-Iran ont tiré des roquettes sur l’ambassade américaine à Bagdad, rompant ainsi avec une période de trêve qu’elles avaient décrété et qui durait depuis mi-octobre.  

  

Une annonce source d’inquiétudes  

Aux Etats-Unis, la décision ne fait pas l’unanimité y compris dans le camp des Républicains. L’ex-ministre de la Défense Mark Esper (limogé le 9 novembre) plaidait pour un statut quo tant que les violences sur le terrain ne diminuent pas. Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell a déclaré qu’ « un retrait rapide des forces américaines heurtera nos alliés et réjouira ceux qui nous veulent du mal ». De nombreux responsables militaires américains ne se réjouissent pas de cette nouvelle car ils rappellent que les frappes aériennes des Etats-Unis ont été décisives ces dernières semaines pour contenir les offensives des Talibans notamment dans une province du sud du pays, le Kandahar. 

Outre-Atlantique, cette annonce inquiète de nombreux responsables politiques. Le Secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a annoncé que l’Afghanistan « pourrait redevenir une base pour les terroristes internationaux » en cas de retrait trop précipité des 12 000 soldats de l’OTAN présents dans le pays dont presque la moitié sont américains. La France a jugé l’idée du retrait des forces américaines mauvaise et l’Allemagne -qui possède 1300 soldats en Afghanistan- estime que ce retrait doit être coordonné au sein de l’OTAN. 

  

Un retrait de troupes dans un pays où les violences sont encore nombreuses 

La semaine dernière, le ministère de l’Intérieur afghan a annoncé qu’au cours des six derniers mois, les talibans avaient mené 53 attaques-suicides et commis 1250 attentats. Le bilan s’élève à 1210 morts et 2500 blessés. De plus, environ 20 provinces sur 34 sont actuellement le théâtre de conflits entre les forces gouvernementales afghanes et les talibans. A ce sombre bilan s’ajoute également l’activité toujours plus croissante de l’Etat islamique. Le 2 novembre, il a revendiqué un attentat sur l’université de Kaboul qui a causé la mort de 22 personnes. 

C’est dans ce contexte de forte activité talibane que les Etats-Unis prévoient de se retirer. Même si les forces américaines n’ont plus été ciblées par les talibans depuis l’accord bilatéral de Doha en février 2020, les civils ainsi que les forces gouvernementales afghanes sont les premières cibles des attaques talibanes. Les négociations qu’avaient entrepris le gouvernement afghan et les talibans en septembre sont au point mort, nombre de spécialistes craignent que le retrait des Etats-Unis augmente le pouvoir des talibans dans le pays. 

 

Un rapprochement aussi discret qu’inattendu entre l’Etat hébreu et le monde arabe 

Le 22 novembre 2020, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, s’est rendu en Arabie Saoudite pour une visite officieuse avec le prince héritier, Mohammed ben Salmane, en présence du secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo en tournée d’adieu au Moyen-Orient. Cette visite marque un tournant historique puisque c’est la première fois qu’un Premier ministre israélien se rend au Royaume d’Arabie Saoudite depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948.  

 

Un rapprochement utopiste ?

Cette visite inattendue traduit un certain rapprochement entre l’Etat hébreu et le monde arabe. En effet, les relations entre ces deux protagonistes sont depuis très longtemps conflictuelles. Ces conflits sont nés d’une opposition radicale entre l’Etat d’Israël et l’Autorité palestinienne dès le lendemain du plan de partage de la Palestine par l’ONU en 1947 et ont, par la suite, embrasé le Moyen-Orient.  En effet, plusieurs guerres ont opposé Israël et ses voisins. Dès 1948, une première guerre israélo-arabe a éclaté et a duré plus d’un an. Puis, la guerre des Six Jours en 1967, et enfin en 1973, la guerre du Kippour. Sous la médiation du président américain Jimmy Carter, le président égyptien, Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien, Menahem Begin, avaient déposé les bases de l’édifice de la paix au travers des accords de Camp David. Quelques années plus tard, les Accords d’Oslo, qui faisaient suite à la première intifada (« guerre des pierres »), ont permis d’apaiser à nouveau les tensions entre l’Etat hébreu et le monde arabe ; un apaisement qui est loin de rimer avec une disparition. Ce passé conflictuel a gelé les relations diplomatiques entre Israël et ses voisins du Moyen-Orient. Cependant, l’Etat hébreu peut compter sur un partenaire solide et fidèle, les Etats-Unis. Cette relation israélo-américaine très poussée, notamment sur le plan du renseignement anti-terroriste, a permis à Israël de peser sur la scène internationale et de créer des liens avec ses voisins arabes. 

 

Les Etats-Unis au cœur du processus de rapprochement

Depuis quelques années, les relations israélo-arabes semblent véritablement s’améliorer et ce en partie grâce à la main invisible de Donald Trump. En effet, cet été le processus de normalisation des relations entre Israël et les Emirats Arabes Unis a été engagé sous les auspices de la Maison Blanche, à la suite duquel, les E.A.U. sont devenus le troisième pays arabe à reconnaître officiellement l’existence d’Israël après l’Egypte en 1979 et la Jordanie en 1994. Bahreïn a suivi cette tendance en reconnaissant à son tour Israël en septembre dernier. La visite de Benyamin Netanyahou la semaine dernière confirme cette tendance d’apaisement. Yossi Cohen, le directeur du Mossad ; un des services de renseignement d’Israël en charge des affaires spéciales et sensibles, apparaît comme l’artisan des accords de rapprochement de l’Etat hébreu avec le monde arabe, et semble prendre part à toutes les visites et tous les voyages du Premier ministre chez ses voisins du Golfe. Il joue un rôle très important dans les relations diplomatiques d’Israël. 

Néanmoins, ces rapprochements ne sont pas aux goûts de tous. L’Autorité palestinienne a déjà décrit ces rapprochements comme des « trahisons » et refuse encore aujourd’hui de lier toute relation avec Israël. De même, Téhéran s’inquiète et n’apprécie guère ces nouveaux rapprochements car il soupçonne ces Etats de vouloir faire front commun face à lui.  

En somme, l’Etat d’Israël se rapproche inévitablement du monde arabe malgré les réticences de certains Etats. Tous deux semblent vouloir nouer de nouvelles relations centrées sur la coopération et l’entraide, et ainsi mettre fin à un passé tumultueux. Cette tendance est à suivre attentivement puisque l’élection du nouveau président américain, Joe Biden, va certainement avoir des conséquences directes sur les relations israélo-arabes.  

  

Par SimONU (Kedge Marseille)

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