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La relation sino-russe : entre coopération et rivalité en Eurasie

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Relation sino-russe: entre tensions et coopération

Le président chinois a reçu Vladimir Poutine, son « meilleur ami », à Pékin les jeudi 16 et vendredi 17 mai. Cette visite éclair, la deuxième du dirigeant russe en Chine en l’espace de sept mois, a permis aux deux leaders de réaffirmer leur partenariat stratégique « sans limites », dans un contexte mondial marqué par la guerre en Ukraine, la crise à Gaza et les tensions sino-américaines. Par conséquent, au regard des évènements récents, il semble que la relation sino-russe soit en tout point harmonieuse. Cependant, il s’agit de deux pays aux mœurs, modèles politiques et visions du monde assez différentes. Il est alors légitime de se demander autour de quoi s’articule cette relation et la façon dont cet équilibre est maintenu.

Alors que la relation sino-russe semble en tout point équilibrée, leur recherche d’influence mutuelle en Eurasie n’est-elle pas un frein au maintien de la stabilité ?

Cette relation qui tend à la coopération, est renforcée par le contexte géopolitique

Vladimir Poutine et Xi Jinping aiment à qualifier les relations entre leurs deux pays de « partenariat stratégique complet pour une nouvelle ère, n’interdisant aucun domaine de coopération »

Lire plus : Sur quoi se fonde la relation sino-russe ?

Si cette relation semble si stable, c’est parce que les deux pays partagent tout d’abord une hostilité commune envers certains pays. « Les ennemis de mes amis sont mes ennemis » s’appliquerait donc dans la mesure ou la Chine et la Russie partagent une hostilité commune envers l’influence occidentale, en particulier celle des États-Unis et de l’OTAN. Cet alignement s’est illustré par une convergence sur des questions internationales, telles que leur opposition aux sanctions imposées par l’Occident après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, ou encore leur rejet des critiques concernant la gestion des droits humains et des libertés politiques en Chine et en Russie.

Dans un second temps, la relation sino-russe se voit être renforcée par l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), fondée en 2001. C’est un cadre multilatéral qui incarne la coopération sino-russe en Eurasie. Cette organisation, qui inclut plusieurs pays d’Asie centrale, vise à renforcer la sécurité régionale, à lutter contre le terrorisme et à promouvoir des partenariats économiques. La Chine et la Russie y jouent un rôle central, unissant leurs efforts pour maintenir la stabilité et repousser l’influence occidentale dans la région.

Lire plus : Qu’est ce que l’OCS ?

 

Relation sino-russe: coopération et rivalité

Néanmoins, cette relation se fonde sur des déséquilibres

Les fragilités de cette relation, ancrées dans l’Histoire et des déséquilibres structurels, persistent et nourrissent une méfiance mutuelle. Les relations entre la Russie et la Chine ont connu des hauts et des bas au fil de leur histoire complexe. Dans les années 1950, après une phase de « fraternité socialiste » entre l’URSS sous Staline et la jeune République populaire de Chine de Mao Zedong, elles se sont détériorées de façon drastique entre 1960 et 1980, avant de s’améliorer avec l’arrivée au pouvoir de dirigeants pragmatiques : Mikhail Gorbatchev à Moscou et Deng Xiaoping à Pékin. Le rapprochement s’est accéléré sous la présidence de Vladimir Poutine en 2000 et de Xi Jinping en 2012. Une véritable « alchimie personnelle » s’est développée entre ces deux hommes forts, qui se sont rencontrés près de quarante fois pour consolider leur opposition au « libéralisme occidental » et leur rejet de « l’hégémonisme » américain.

Pour illustrer cette instabilité, le conflit du fleuve Amour. Le conflit frontalier entre la Chine et l’URSS en 1969 illustre de manière saisissante la transformation d’une rivalité géopolitique en rivalité territoriale. La lutte pour ce fleuve ne concernait pas seulement l’acquisition de terres, mais aussi des ressources précieuses, telles que l’énergie (grâce aux centrales hydroélectriques) et la pêche.

La bataille s’est concentrée sur l’occupation de l’île Damansky, située au milieu de la rivière Oussouri, un affluent de l’Amour. La volonté de s’emparer de cette petite parcelle de territoire symbolisait une lutte de principes : céder cette terre aurait signifié admettre une position d’infériorité pour l’une des parties.

Lire plus : L’instabilité de la relation sino–chinoise

Cependant, la relation sino-russe semble s’appuyer sur un modèle « gagnant-gagnant »

Par exemple, en mai 2023, la Russie a autorisé la Chine à utiliser le port de Vladivostok. Les régions du nord-est de la Chine, dépourvues d’accès direct à la mer, rencontrent des difficultés pour le transport de marchandises. Cet accès au port représente un avantage mutuel : pour la Russie, il s’agit de dynamiser ses régions éloignées de la capitale, tandis que la Chine bénéficie d’un transit de marchandises exempt de droits de douane.

Dans une autre mesure, la Russie, grand exportateur de ressources énergétiques, a trouvé en la Chine un partenaire clé pour la vente de pétrole et de gaz. Face aux sanctions occidentales et à la volonté de réduire la dépendance européenne à son énergie, la Russie a renforcé ses exportations vers la Chine. Le pipeline “Sila Sibiri” (Force de la Sibérie), qui relie la Sibérie orientale à la Chine, symbolise cette collaboration énergétique croissante.

En Eurasie, cette interconnexion énergétique sert les ambitions des deux pays : la Chine assure sa sécurité énergétique, tandis que la Russie renforce ses relations économiques avec un allié stratégique tout en contournant les sanctions occidentales.

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Liza Vast-Malysheva