Dans la géopolitique internationale, le cas de Taïwan reste exceptionnel. D’autant plus que l’histoire n’a pas dit son dernier mot. Si elle fonctionne comme un État, Pékin considère encore l’île comme une « province d’Outre-Mer ».
Taïwan (36 000 km², soit six départements français) peuplée d’environ 23 millions d’habitants, a une longue histoire, non seulement idéologique mais aussi politique et économique. Ensuite, l’évolution de l’île est remarquable, spécifique et inaboutie. Enfin, la relation Taipei-Pékin s’inscrit dans un paysage géopolitique régional instable. S’il y a une problématique géopolitique asiatique, c’est bien celle-là.
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Une histoire profonde avec la Chine
L’île de Taïwan fut officiellement gouvernée par la Chine impériale de 1683 à 1895 sous la tutelle des Qing, puis cédée au Japon, par le traité de Shimonoseki (1895), à la suite de la première guerre sino-japonaise. Ce dernier entreprend le développement de Taïwan, la dotant d’infrastructures importantes. En 1945, à la suite de la défaite japonaise à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la république de Chine recouvre Taïwan. En 1949, le gouvernement de la République s’y installe, après avoir perdu la guerre civile contre les communistes en Chine continentale. Cette installation est accompagnée d’un transfert massif de population. En mai 1950, Hainan est à son tour occupée par l’armée populaire de libération ; la république de Chine ne contrôle alors plus que l’île de Taïwan et quelques autres territoires insulaires plus petits.
La république de Chine et la république populaire de Chine revendiquent chacune la pleine et légitime souveraineté sur la totalité du territoire chinois (Chine continentale et Taïwan). Dans les faits, Taïwan a une indépendance administrative, politique, diplomatique et militaire par rapport au continent, mais son indépendance n’a jamais été proclamée ni par le gouvernement de l’île, ni par celui du continent. La république populaire de Chine considère Taïwan comme sa 23ème province et refuse toute relation diplomatique avec les pays qui reconnaissent la république de Chine.
Toutefois, Taïwan entretient des relations diplomatiques officielles avec une quinzaine de pays, et des relations officieuses avec de nombreux autres. Opposé à toute initiative donnant aux autorités taïwanaises une légitimité internationale, Pékin est contre tout contact officiel entre Taïwan et d’autres pays. Bien que des responsables américains se rendent fréquemment dans cette île, la Chine a jugé que la visite du 4 août dernier de Nancy Pelosi, l’un des plus hauts personnages de l’Etat américain, a été une provocation majeure.
D’après le Commandement Est de l’armée chinoise « L’Armée populaire de libération continue de mener des exercices pratiques interarmées dans l’espace maritime et aérien autour de Taïwan, en se concentrant sur des opérations conjointes anti-sous-marins et d’assaut en mer ».
« Dans un moment où les tensions dans le monde sont très exacerbées, tout doit être fait pour éviter la moindre provocation », a affirmé Fabien Roussel, qu’il est « malvenu qu’un seul pays », en l’occurrence les Etats-Unis, « décide d’une telle initiative pour provoquer un incident avec la Chine ».
Pourquoi tous ces mouvements ?
Taïwan constitue une réussite économique remarquable et durable. Elle réalise 530 milliards de dollars de PIB en 2014 soit 23ème PIB mondial, 15 millions d’emplois assurés en Chine continentale avec 3,9 % de chômeurs. De plus, Taïwan est le 21ème exportateur mondial (2014).
Fait d’évidence, l’île est de plus en plus dépendante de la situation économique chinoise (3,5 % de croissance à Taïwan en 2014, 0,75 % en 2015). Pékin reste son premier partenaire commercial avec 40 % des exportations et 18 % des importations? Cependant, l’île commerce aussi avec les pays d’Asie du Sud-Est (18,7 % des exportations), les États-Unis ne représentant que 11 % des exportations de Taïwan (l’Europe, 8,4 %, laquelle est le premier investisseur à Taïwan).
Les atouts de l’île peuvent ainsi expliquer les tensions à son bord dans une géopolitique contemporaine axée sur la protection des intérêts de chaque État en plus de son histoire liée à celle de la Chine.
Conclusion
Véritable laboratoire géopolitique, Taïwan est déjà réunie de facto à l’économie chinoise, après avoir assuré son propre succès par ses seuls mérites. Comme au Japon et en Corée du Sud, ses liens avec les États-Unis ne sont pas toujours d’une transparence cristalline, tandis que sa relation à la Chine continentale est devenue première, quelles que soient les alternances au pouvoir à Taipei.
On pourrait raisonnablement s’interroger sur l’avenir des relations Taipei-Pékin, Taipei-Washington et Pékin-Washington, les tensions au tour du triangle Washington-Pékin-Taipeh restant encore aujourd’hui une grande problématique.
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