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Les relations entre la Turquie et l’Europe

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La cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris qui s’est tenue dans la soirée du 26 juillet a provoqué de nombreuses réactions. Bien que beaucoup de pays aient acclamé la cérémonie, le président turc Recep Tayyip Erdogan l’a qualifié de « projet visant à ramener les humains à un niveau plus bas que les animaux ». Ces critiques ne sont pas les premières du président turc à l’encontre de la France ou d’autres pays européens. Elles font écho à la prise de distance de la Turquie vis-à-vis de l’Europe ces dernières années. Cependant, les relations entre la Turquie et l’Europe restent très complexes dans le contexte d’une recomposition de l’ordre mondial.

 

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Une Turquie tournée vers l’Europe

L’État turc voit le jour en 1923 après l’abolition du sultanat ottoman, permettant à Mustafa Kemal de prendre la tête de la nation. Toutefois, les relations diplomatiques et économiques entre la Turquie et l’Europe ne débutent que quarante ans plus tard, en 1963. C’est à cette date qu’est signé « l’accord d’Ankara », un accord d’association entre la Communauté Économique Européenne (CEE) et la Turquie, jetant les bases d’un partenariat économique et commercial renforcé. Cet accord débouche en 1996 sur l’instauration d’une union douanière entre les deux parties, toujours en vigueur aujourd’hui.

Le 14 avril 1987, une étape supplémentaire est franchie alors que la Turquie présente sa candidature officielle d’adhésion à la CEE. Ce n’est qu’en 1999 que le Conseil Européen reconnaît la Turquie comme candidate à l’adhésion à l’Union Européenne (UE), et les négociations ne commencent que six ans plus tard. Pourtant, la Turquie ne rentrera jamais dans l’Union, et ce tout d’abord du fait de nombreuses réticences de la part des États-membres.

Une Europe réticente à l’intégration de la Turquie

Les raisons de la non-intégration de la Turquie dans l’UE sont multiples et variées. La plus grande crainte pour les États européens et surtout pour la France et l’Allemagne est un bouleversement des équilibres, tant religieux que politiques ou géographiques.

En effet, seul 3% du territoire turc se situe sur le continent européen et une adhésion de la Turquie créerait de ce fait un nouveau pôle quasiment hors de l’Europe. Pôle d’autant plus important que la Turquie aurait été le pays le plus peuplé de l’UE (85 millions contre 84 millions d’habitants pour l’Allemagne), provoquant un séisme dans toutes les institutions telles que le Parlement Européen. Un pays musulman avec une culture complètement différente aurait détenu la majorité relative des sièges dans cet organe décisionnel capital pour l’UE, un scénario inenvisageable pour beaucoup d’Européens.

L’aspect géopolitique n’est pas non plus à négliger. En effet, dès le dépôt de candidature, une condition pour l’Europe était la reconnaissance par la Turquie du génocide des Arméniens. Or, la Turquie n’a jamais reconnu son implication. Un autre point chaud est la question de Chypre, envahie en 1974 par la Turquie et entrée dans l’UE en 2004. Depuis cette date, le nord de Chypre est turcophone et musulman, soutenu militairement par la Turquie. Seule cette dernière reconnaît l’existence de la République turque de Chypre du Nord. Depuis 2005, de multiples discussions et pourparlers ont eu lieu sans jamais aboutir à un accord entre l’Union et la Turquie.

Les litiges se sont même accentués ces dernières années avec Chypre mais aussi la Grèce au sujet du pétrole, ressource abondante en Méditerranée orientale. De fortes dissensions géopolitiques apparaissent de plus au sujet de la Libye, de la Syrie ou encore du Haut-Karabakh, rendant de plus en plus illusoire le projet d’adhésion.`

 

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Un avenir sans Europe pour la Turquie ?

Bien que la Turquie ait tenté au début des années 2010 de se conformer aux conditions d’adhésion à l’Union Européenne, en particulier concernant le traitement des populations kurdes, la tentative de coup d’État contre le président Erdogan en 2016 marque un tournant significatif. Cet événement conduit à une gouvernance plus autoritaire et à un éloignement notable, redéfinissant les relations bilatérales et inaugurant une nouvelle dynamique entre la Turquie et l’Union Européenne. La Turquie se veut en position de force face à l’Union et y parvient à la suite de la crise migratoire de 2016, lorsque Ankara signe avec Berlin un accord à 6 milliards d’euros pour accueillir les migrants arrivés illégalement en Grèce. L’année 2020 continue d’aggraver les tensions après des recherches turques sur le pétrole présent dans les eaux chypriotes.

Dernier point litigieux en date, le long veto de la Turquie à l’intégration de la Suède dans l’OTAN, accusée d’héberger des terroristes du PKK (le parti kurde ennemi du gouvernement d’Erdogan).

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Conclusion

Depuis 2019, les négociations sont donc au point mort et les tensions récentes ne vont pas dans la direction d’un renouveau entre la Turquie et l’UE. La Turquie d’aujourd’hui semble donc opter pour une stratégie de multi-alignement, à la fois membre de l’OTAN et cliente du projet des routes de la soie chinoises, fermant l’accès aux détroits du Bosphore et des Dardanelles à la Russie mais ne soutenant ensuite pas les sanctions européennes.

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Raphael Vlahovic