Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, la question d’un éventuel retour du Royaume-Uni au sein de l’UE revient régulièrement dans les débats. Alors que le gouvernement travailliste vient de revenir au pouvoir, il est pertinent de se demander si un tel scénario est envisageable. Le Royaume-Uni, sixième économie mondiale et détenteur d’une armée puissante, pourrait-il chercher à réintégrer l’Union européenne, et si oui, cette dernière l’accepterait-elle ?
Les Avantages et les Obstacles d’un Retour
À première vue, un refus de l’UE d’accepter à nouveau le Royaume-Uni pourrait sembler surprenant. L’intégration des forces militaires britanniques aux armées des autres États membres pourrait renforcer considérablement le pouvoir d’influence de l’Europe, notamment dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine. Cependant, la situation est plus complexe. Même si le Royaume-Uni souhaitait réintégrer l’Union, l’UE pourrait hésiter à accueillir de nouveau un pays qui a déjà choisi de quitter l’union. La crainte d’un nouveau « Brexit » dans le futur pourrait peser lourdement dans la balance.
Pour que l’UE envisage un retour du Royaume-Uni, il serait essentiel que le spectre du « Brexit » soit définitivement écarté.
Le Gouvernement Travailliste : Quelle Position ?
Keir Starmer, le leader du Parti travailliste, a voté pour rester dans l’UE lors du référendum de 2016. Pourtant, il s’oppose à la libre circulation des personnes, à l’union douanière, et au marché unique. Malgré cela, Starmer prône une approche plus ouverte et coopérative dans les relations internationales, contrastant ainsi avec l’attitude plus rigide adoptée par Boris Johnson.
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Au Royaume-Uni, un sentiment de « Bregret» commence à émerger. De nombreux sondages montrent que l’opinion publique évolue, avec des espoirs déçus quant aux promesses faites par les partisans du Brexit, comme le financement du NHS. Selon une enquête de Focaldata en 2023, parmi les 632 circonscriptions du Royaume-Uni, seules Boston et Skegness considèrent encore que le Brexit était une bonne décision. Toutefois, un regret vis-à-vis du Brexit ne se traduit pas nécessairement par un désir de réintégrer l’UE.
Les Enjeux du Commerce et de la Sécurité
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L’accord de commerce et de coopération (TCA) qui régit actuellement les relations entre le Royaume-Uni et l’UE pourrait être réformé pour renforcer la coopération en matière de sécurité. Cependant, des problèmes subsistent, notamment concernant les marchandises et l’alignement des normes, notamment chimiques. Le Royaume-Uni cherche également à conclure un accord sanitaires pour éviter les contrôles aux frontières. Depuis le Brexit, les exportations britanniques vers l’UE, telles que la viande ou les produits agricoles, sont traitées comme venant d’un pays tiers, ce qui complique les échanges et perturbe les chaînes logistiques. De plus, la reconnaissance des qualifications professionnelles britanniques au sein de l’UE reste un sujet délicat.
Le « UK-EU security pact » proposé par le nouveau travailliste pourrait être un moyen de renforcer les relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. En effet, quelques semaines après les élections, le nouveau gouvernement travailliste a annoncé son intention de renforcer ses relations avec l’Union européenne dans les domaines militaire et énergétique, en apportant plusieurs modifications au TCA. Mais l’avenir reste incertain, notamment avec la montée possible du parti de Nigel Farage, fervent défenseur du Brexit. Si l’économie britannique continue de stagner, une volonté de se rapprocher à nouveau de l’UE pourrait émerger.
La Réponse de l’Union Européenne
Du côté de l’Union européenne, le Brexit a été perçu par certains comme une opportunité plutôt que comme une perte. L’absence du Royaume-Uni, souvent réticent à une intégration plus profonde, a ouvert la voie à des discussions plus sérieuses sur le fédéralisme européen. En effet, certains estiment que si le Royaume-Uni avait choisi de rester dans l’UE, des initiatives comme le plan de relance « Next Generation EU » n’auraient peut-être jamais vu le jour.
La Défense : Un Axe Central
Malgré le Brexit, la défense reste un domaine de coopération cruciale entre le Royaume-Uni et l’Europe, en particulier avec la France. Les deux pays sont liés par les traités de Lancaster House, qui englobent à la fois les volets nucléaire et conventionnel. Avec la guerre en Ukraine, la défense est devenue une priorité pour le Royaume-Uni. Keir Starmer, leader du Parti travailliste, souhaiterait réintégrer les discussions européennes sur ce sujet et participer à des opérations militaires conjointes. Il mise sur le soutien de la France, son principal allié au sein de l’UE en matière de défense, pour l’aider à revenir dans la boucle des décisions européennes.
Des Conditions Strictes pour une Réconciliation
Malgré l’intérêt potentiel du Royaume-Uni à renforcer ses liens avec l’UE, les Européens ne sont pas prêts à rouvrir le dossier du Brexit sans garanties solides. En plus des préoccupations liées au conflit en Ukraine, à la guerre commerciale avec la Chine et aux tensions internes en Europe, l’UE a défini huit conditions essentielles que le Royaume-Uni devrait respecter pour envisager une réconciliation. Parmi ces demandes figurent la garantie de la mobilité pour les jeunes et l’accès prolongé à la pêche dans les eaux britanniques.
Toutefois, Keir Starmer n’a jusqu’à présent montré aucun signe d’ouverture sur ces points sensibles. En raison de la crainte de renforcer les partis pro-Brexit, comme celui de Nigel Farage, il n’a pas proposé de mesures ambitieuses pour améliorer les relations avec l’UE.
Conclusion
Bien que la proposition d’un « security pact » démontre une volonté sincère du Royaume-Uni d’améliorer ses relations avec l’UE, les tensions demeurent. Les exigences européennes, combinées à la prudence de Starmer face à la montée des mouvements pro-Brexit, montrent que le chemin vers une réconciliation complète est encore semé d’embûches. Si le Royaume-Uni souhaite un jour réintégrer l’UE ou simplement renforcer sa coopération, il devra prouver que ses engagements vont au-delà de simples paroles et qu’il est prêt à répondre aux attentes de ses partenaires européens.
Vocabulaire
- Trade and cooperation agreement : Accord de commerce et de coopération (ACC)
- Plan de relance : recovery plan
- Traités de Lancaster House :Lancaster House treaties
- Conditions strictes : strict conditions