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Sommet des Brics 2023 : la fin de la puissance occidentale ?

Sommaire
Sommet entre pays membres des BRICS unis contre l'Occident.

Du 22 au 24 août 2023, est censé se tenir à Johannesburg (Afrique du Sud), l’un des sommets les plus attendus de la géopolitique moderne. Le regroupement des pays émergents « BRICS » se retrouve enfin en présentiel après 3 ans de visioconférences pour débattre de l’avenir du groupe. Malgré des événements déstabilisants tels que la guerre en Ukraine ou les répercussions de la crise du Covid, les BRICS attirent de plus en plus d’autres pays émergents qui cherchent à les rejoindre. Ainsi, forts de leur succès, les BRICS ont déjà annoncé vouloir s’imposer dans l’ordre mondial comme une alternative à l’ordre occidental. Un tel sommet sans pays occidentaux semble dès lors remettre en question la puissance occidentale dans le monde multipolaire actuel.

 

Qui sont les Brics ?

Le terme BRICS, pour « Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud », est théorisé par l’économiste britannique Jim O’Neill en 2001 et regroupe ces cinq pays émergents qui se veulent être les plus influents. Représentant plus de 40% de la population du globe et un quart du PIB mondial, c’est aujourd’hui l’une des organisations les plus puissantes de la géopolitique actuelle. Le groupe propose une vision alternative et autonome de l’ordre mondial, avec par exemple la création de la Banque de développement des BRICS, que l’on peut considérer comme une alternative au Fonds monétaire international (FMI). Très influencés par la politique de Pékin, les BRICS prônent des idéaux comme la non-ingérence ou le non-alignement en témoigne le fait qu’aucun d’entre eux n’a condamné la Russie au sujet de l’invasion de l’Ukraine en 2022.

 

L’élan d’attractivité des Brics

L’un des enjeux marquants de ce 15e sommet est le nombre élevé de demandes d’adhésion au groupe reçues récemment . Dix-neuf pays ont déjà exprimé leur souhait de rejoindre les BRICS, dont treize ayant officiellement déposé une demande d’adhésion. Parmi eux, on compte l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis ou encore l’Indonésie. Cet intérêt croissant peut s’expliquer par le contexte mondial actuel. Les pays de l’Indo-Pacifique et d’Amérique du Sud, tels que la Chine, l’Inde et le Brésil, occupent une place cruciale dans la géopolitique mondiale, apparaissant comme une source de stabilité dans ce contexte de « d’affolement monde » (Thomas Gomart). Cette stabilité, tant politique qu’économique, est illustrée par exemple à travers l’élan de prospérité du Brésil. Le pays semble soutenir l’ensemble des économies du continent sud-américain (+2,2 % de croissance du PIB selon les marchés et 1er PIB d’Amérique latine). De nombreux pays cherchent ainsi eux aussi à profiter de cette prospérité croissante.

 

Les Brics: Une menace pour l’Occident 

Néanmoins, cette affirmation des BRICS semble pouvoir être perçue aux premiers abords comme une menace du point de vue de l’Occident. En effet, le groupe apparaît tout d’abord comme une alternative à l’ordre occidental considéré comme en « déclin » (Gérard Chaliand). Les BRICS s’organisent de plus en plus pour s’extraire de cet ancien ordre, en témoigne l’achat massif de stocks d’or par les pays membres, laissant présager la création d’une monnaie interne et commune qui leur permettrait de sortir de la prépondérance du dollar américain ou, dans une moindre mesure, de celle de l’euro. De plus, le groupe cherche également à exclure les pays occidentaux pour éviter toutes formes d’ingérences. Ainsi, malgré une demande du président français Emmanuel Macron d’assister au sommet en tant qu’observateur, cette dernière a été cordialement refusée. Ce « reflux  de l’Occident » (Gérard Chaliand) est perçu parce dernier comme une menace, comme l’illustrent les propos de Jim O’Neill : « Le concept des BRIC disait que la domination économique américaine ne continuerait pas« . Les BRICS deviennent ainsi le principal bloc concurrent du G7 occidental.

 

les limites des BRICS

Pour autant, il est indéniable que cette prise de puissance des BRICS reste soumise à certaines limites. Parmi celles-ci, il faut principalement prendre en considération que la place de la Chine au sein de l’organisation est nettement supérieure à celle de ses partenaires (représentant presque les 3/4 des PIB regroupés). Ainsi, elle s’impose même dans les divergences internes, comme cela peut être fréquemment le cas entre elle et l’Inde, par exemple. De plus, son opposition envers l’Occident est sans doute en grande partie exagérée, compte tenu des dépendances de chaque pays envers les pays occidentaux. On constate cela par exemple dans ce que André Grjebine appelle dans son ouvrage « États-Unis – Chine : des déséquilibres nécessaires ?« , le « déséquilibre de l’équilibre« , c’est-à-dire l’interdépendance économique entre la Chine et les États-Unis qui empêche toutes formes réelles de conflit ou d’opposition. Un tel concept peut s’étendre à l’ensemble des BRICS (les principaux fournisseurs de l’Afrique du Sud sont l’Union européenne, avec 25% des importations du pays, en particulier l’Allemagne) comme à l’ensemble des pays occidentaux (la France dépend, par exemple, de la délocalisation de son industrie pharmaceutique en Inde, comme dans le cas du paracétamol). Dès lors, il semble peu probable à court et moyen terme d’assister à un découplage du monde entre BRICS et Occident.

 

En conclusion, certes ce sommet semble avoir beaucoup de potentiel au vu de la situation mondiale actuelle. Néanmoins, les limites auxquelles les BRICS font face ne permettent pas de considérer à court terme ce regroupement comme une réelle menace prophétique de la fin de l’ordre occidental. Il reste ainsi à examiner les propositions évoquées au cours de ce sommet pour pouvoir analyser plus en détail les ambitions conjointes de ce groupe.

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Ethan Zerbib