Les syndicats ont un rôle très différent aux Etats-Unis de celui qu’ils ont en France. Ils ont une place majeure dans la vie quotidienne des habitants. Il s’agit d’une tierce partie, avec les entreprises et les employés. Avant d’être engagés, les candidats rencontrent les syndicats, tout comme ils le font avec leur potentiel employeur. Voyons en quoi consiste exactement leurs missions et leur impact sur la vie économique, politique et sociale des Etats-Unis.
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Les débuts difficiles des syndicats
Jusqu’en 1914, en vertu du Sherman antitrust Act, les syndicats étaient interdits aux Etats-Unis dans la plupart des États. Ils furent ensuite tolérés, et la crise de 1929 entraîna un changement d’attitude à leur égard de la part du gouvernement. En effet, une des lois comprises dans le New Deal était la National Labor Relation Act (aussi appelée Wagner Act), garantissant la liberté d’association pour les salariés du secteur privé.
Quelques années plus tard, en 1947, la loi Taft-Hartley, proposée par le parti républicain, fut adoptée et rendit caduques certains progrès instaurés par la loi de 1935. En effet, elle entravait la liberté d’association. Par exemple, elle autorisa les yellow-dog contracts, contrats de travail par lesquels l’employeur pouvait interdire au salarié de se syndiquer.
Les syndicats furent également affaiblis à cause du maccarthysme (rejet du communisme) de l’époque. Initialement, certains des membres les plus actifs du principal syndicat de l’époque, la CIO (Congress of Industrial Organization), étaient communistes. Cependant, les syndicats devant suivre la ligne du gouvernement, ils furent écartés. Par exemple, la loi Taft-Hartley interdisait explicitement au dirigeant des syndicats d’être communistes.
Un rôle contesté
Les syndicats avaient malgré tout acquis une certaine importance après-guerre, avec le développement de l’industrie. Dans la fin des années 70, le puissant syndicat automobile de l’UAW (United Auto Workers) comptait près de 1,5 million de membres. Mais de ce fait, le déclin du secteur de l’industrie alla de pair avec celui des syndicats. En 1983, 20.3% des salariés étaient syndiqués : aujourd’hui ce chiffre a été divisé par deux. L’action syndicale est, du point de vue de ses critiques, responsable en partie de la désindustrialisation. En effet, en tentant d’améliorer les conditions de travail des ouvriers, les syndicats ont rendu les usines américaines moins compétitives, ce qui entraîna un mouvement de délocalisations et de fermetures d’usines, dont le déclin de Détroit est le symbole.
L’action syndicale avait tout de même un effet concret : une étude des économistes Richard Freeman et James Medoff, publiée en 1984, estime que l’action des syndicats avait permis de réduire de 15% l’écart salarial entre cadres et non-cadres aux Etats-Unis.
Cependant, du fait du fonctionnement des syndicats américains, la lutte syndicale ne profite pas à tout le monde. En effet, seuls les salariés syndiqués peuvent bénéficier des avantages offerts par le syndicat (salaire plus avantageux, meilleure couverture maladie…), ce qui donne aux syndicats une image corporatiste.
Des syndicats mal vus par les employeurs
Aujourd’hui, la part de travailleurs syndiqués aux États-Unis est faible (12%) même si les salariés sont, d’après un sondage de l’institut Gallup, plutôt favorables aux syndicats (68%), et ne l’ont jamais autant été depuis 1965. Mais d’une manière générale, les grandes entreprises ne sont que peu favorables à la syndicalisation de leurs employés, et le développement de nouvelles formes d’emplois leur permettent de contourner cet écueil. On peut notamment penser à la gig economy, cette économie de plateforme se développant de plus en plus à travers des entreprises comme Uber. Ces entreprises ont en effet, au regard de la loi, non pas des salariés, mais des associés au statut de travailleurs indépendants. La syndicalisation est alors complexe : jusqu’ici, seul le Royaume-Uni a permis, à l’issue d’une longue bataille juridique, la création d’un syndicat pour les chauffeurs Uber.
L’exemple de Nissan
En 2017, Nissan a été accusé de bafouer la liberté syndicale aux Etats-Unis. En effet, l’usine Nissan de Canton avait mis en place une campagne de dénigrement pour dissuader les salariés de rejoindre l’UAW. Par exemple, la direction diffuse régulièrement de vidéos anti-syndicats, et, pour dissuader les salariés voulant se syndiquer, elle organisait également des têtes-à-têtes entre employés et managers. L’entreprise est également accusée d’avoir exercé des représailles envers les salariés engagés dans la lutte syndicale.
L’exemple de Starbucks
Fin 2021, le syndicat starbucks workers united a été créé à l’initiative de salariés travaillant au café de Buffalo (New York DC). Le groupe Starbucks n’a pas interdit le syndicat mais a mis en place des mesures désincitatives. Par exemple, la direction a annoncé diverses mesures profitant aux salariés, tout en précisant qu’elles concernent uniquement les cafés non syndiqués. En plus de cette campagne de désincitation, on peut également noter que le groupe a déjà exercé des représailles contre des salariés de Starbucks décidant de rejoindre SUW. Par exemple, en février 2022, 7 employés d’un café Memphis ayant annoncé vouloir rejoindre SUW furent licenciés pour un motif obscur. Le patron du groupe Starbucks, Howard Schultz, dit voir d’un mauvais œil les syndicats car même s’il considère les revendications et inquiétudes des salariés comme légitimes, il ne veut pas d’ingérence extérieure.
Le syndicat Starbucks intéresse de plus en plus les salariés : à ce jour, près de 314 cafés ont entamé le processus décisionnel relatif à l’adhésion (ou non) au syndicat. Inquiet, le groupe Starbucks a décidé en août 2022 de saisir National Labor Relations Board en lui demandant de stopper les élections syndicales, car celles-ci, selon le groupe seraient truquées au profit des syndicats.
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