La Turquie qui avait une diplomatie relativement faible il y a quelques années, s’affirme de plus en plus dans le cadre de l’OTAN et dans sa région, ce qui ne manque pas d’inquiéter l’Occident, notamment depuis que le président Erdogan est au pouvoir. Cet Etat est en quelque sorte un des membres fondateurs de l’OTAN car il est l’un des premiers à l’intégrer (1951) et profite actuellement de la crise en Ukraine, de l’affaiblissement de l’Europe et du repli américain pour devenir un acteur stratégique sur la nouvelle scène internationale. Regardons alors comment cela se manifeste.
Ankara a levé son veto à l’intégration de la Suède et la Finlande
La Turquie, qui, bloquait l’ouverture de l’OTAN à la Suède et la Finlande depuis la mi-mai, a finalement trouvé un accord avec ces deux pays fin juin dernier. En effet, ces trois pays ont, avec grande surprise, signé un mémorandum alors que l’acceptation d’Ankara semblait très difficile à obtenir, le président Erdogan avait par exemple affirmé que son accord se ferait lors d’un autre sommet que celui de Madrid (le sommet de l’OTAN qui s’est achevé le 30 juin dernier). Cet accord apparait comme une réelle victoire de la Turquie et un revers diplomatique pour les Kurdes. La Finlande et la Suède s’engagent à ne plus soutenir le FETO (le mouvement musulman turc de Fethullah Gülen), à cesser les activités du PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan) ainsi que toutes autres formes de terrorisme orchestrées par des organisations et leurs extensions. Ces concessions, provoquant un véritable bouleversement pour les Kurdes qui perdent des alliés majeurs, ont eu un écho mondial mettant en valeurs les exceptionnels atouts du président Erdogan comme sa « politique du chantage » qui replace la Turquie comme membre indispensable de l’OTAN.
On aurait pu s’attendre à ce que cet accord détériore les relations entre la Russie et la Turquie mais en réalité il n’est pas réellement vu comme une trahison de la part du président Erdogan. En effet, la Russie, n’ayant pas vraiment d’autres alliés dans la région, essaye de soigner ses relations avec la Turquie pour avoir un associé dans l’OTAN qui pourrait défendre ses intérêts et garder ainsi un oeil sur ce qui se passe en interne. Elle se réjouit de l’inquiétude que provoque la Turquie aux Occidentaux.
La question de la modernisation de la flotte aérienne turque
Les lacunes de la Turquie résident cependant dans le non-renouvellement de sa flotte aérienne. Le pays a été expulsé du prestigieux programme américain F-35 en 2021, programme qui lui permettait d’acquérir 900 pièces de ce type, après son achat d’anti-missiles russes, les S-400. Depuis, le président Biden a approuvé l’acquisition par la Turquie de 40 F-16 mais cette livraison est bloquée par le Congrès du fait des tensions entre la Grèce et la Turquie en mer Egée. La Turquie essaye donc désespérément de faire céder les Etats-Unis et de chercher d’autres solutions. Récemment, un membre du gouvernement turc a évoqué l’hypothèse d’achat d’Eurofighter à la Grande Bretagne qui, au quel cas, serait un fort atout pour l’armée aérienne de cette nation.
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Menace de la Turquie de lancer une opération militaire en Syrie
De nombreuses interventions d’Ankara ont déjà eu lieu régulièrement en Irak pour contrer les positions du PKK, une organisation politique armée kurde, qualifiée de terroriste par le président Erdogan. La Turquie souhaite maintenant s’engager en Syrie à la suite de l’intégration de la Suède et de la Finlande dans l’OTAN pour montrer encore plus son désir de sécuriser ses frontières par la lutte contre le terrorisme. Si beaucoup de pays comme les Etats-Unis alertent sur les multiples tensions que cette opération engendrerait dans la région, d’autres comme la Russie qui se montrait défavorable au début auraient accepté une intervention limitée comme en témoigne la venue de Sergueï Lavrov (ministre des Affaires étrangères de Russie) à Ankara début juin. Même si cette opération n’est encore qu’une hypothèse elle est un bon moyen pour la Turquie d’accréditer sa puissance sur la scène internationale et pour le président Erdogan de mettre en avant la question des réfugiés en vue des élections présidentielles en juin 2023.
Depuis la création de l’Etat turc, les droits de la population kurde (24% de la population turque) sont bafoués et la question kurde est souvent sacrifiée au bénéfice des intérêts des grandes puissances comme en témoignent également le mémorandum et la guerre en Ukraine.
Chiffres sur la puissance turque
- 6ème réseau diplomatique du monde.
- 19ème puissance économique mondiale (PIB PPA : 803 Mds $ en 2021).
- Croissance moyenne du PIB de 5%.
- 11ème puissance militaire mondiale et 1ére du Moyen Orient.
- 88 millions d’habitants.
- Superficie de 784 km^2.
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