La Banque centrale européenne a annoncé le 25 juillet 2023 qu’en France comme dans le reste de la zone euro, la demande de crédit immobilier et de crédit à la consommation ralentissait. L’institution basée à Francfort œuvre avec vigueur en faveur du resserrement monétaire depuis plusieurs mois, à coup de multiples augmentations de taux d’intérêt directeurs, une stratégie qui semble commencer à porter ses fruits.
Le resserrement monétaire en zone euro, le seul moyen de réduire l’inflation
Il est primordial de comprendre que le canal des prêts bancaires (aux particuliers et aux entreprises) est clé dans la transmission de la politique monétaire à l’économie. Concrètement, le ralentissement du crédit et son renchérissement limitent l’investissement et permettent d’atténuer les pressions inflationnistes. Philip Lane, l’économiste en chef de la BCE, rappelle que c’est une tâche essentielle pour l’institution monétaire d’évaluer la hausse ou la baisse des crédits en tout genre octroyés par les banques commerciales dans un contexte de taux plus élevés. Cette évaluation éclaire les économistes de la zone euro quant aux politiques économiques à tenir pour les semaines, mois et années à venir.
« Le resserrement net cumulé depuis le début de 2022 a été substantiel », reconnaît la BCE dans son enquête. Depuis le 21 juin 2023 et la décision du Conseil des gouverneurs d’augmenter les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base, les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt sont relevés à 4,00 %, 4,25 % et 3,50 %. En comparaison, ces derniers s’établissaient respectivement à 0,5%, 0,75% et 0% le 27 juillet 2022.
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La demande de crédits pour les particuliers a encore fortement reculé au deuxième trimestre
A travers les résultats de l’enquête trimestrielle menée par la Banque centrale européenne auprès de 158 banques, il est noté que la « demande de crédits pour les particuliers a encore fortement reculé au deuxième trimestre ». L’institution s’appuie sur les banques sondées fin juin constatant que la demande de prêts immobiliers demeure très largement négative. « La hausse des taux d’intérêt, les perspectives dégradées du marché de l’immobilier et une confiance en berne des consommateurs sont les trois principaux facteurs qui expliquent cette baisse de la demande de crédit immobilier », écrivent les auteurs de l’enquête.
En France, la production aurait à nouveau chuté en juin, selon de récentes estimations de la Banque de France, avec seulement 11,1 milliards d’euros de crédits immobiliers, soit moins de la moitié que le pic observé au printemps 2022. De plus, les taux ont continué de grimper pour s’élever à 3,08 % le mois dernier (hors frais et assurances), un niveau qui n’avait plus été atteint depuis neuf ans. Certains courtiers, comme Vousfinancer, assurent même que les banques proposent désormais des taux à 4 % sur vingt ans, voire 4,5 % sur vingt-cinq ans.
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La demande de crédits d’entreprises plonge à son plus bas niveau depuis 2003 en zone euro
Au-delà des crédits aux particuliers, le deuxième trimestre de l’année 2023 est marquée par nouvelle diminution de la demande de prêts de la part des entreprises pour atteindre son plus bas niveau depuis vingt ans. Ce sont principalement les PME qui ont appuyé sur le frein du crédit, avec une baisse inédite en vingt ans. Selon l’enquête de la BCE, « la hausse des taux et la diminution des besoins de financement des investissements ont été les principaux moteurs de la baisse de la demande de prêts », généralisée dans les quatre grands pays de la zone euro (Allemagne, France, Espagne, Italie).
La situation ne devrait pas s’améliorer au troisième trimestre. Les banques s’attendent en effet à une nouvelle baisse de la demande de crédit dans un contexte économique qui demeure incertain. Pour justifier le durcissement des conditions d’octroi de crédit, les banques évoquent une perception plus élevée des risques économiques dans l’environnement actuel, une tolérance au risque plus faible de leur part, ainsi que le renchérissement du coût de la ressource.
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Pour conclure, le resserrement monétaire en zone euro commence à porter ses fruits puisque l’octroi de crédits a fortement baissé, réduisant in fine l’inflation. Selon une estimation publiée par Eurostat, l’office statistique de l’Union européen, le taux d’inflation annuel de la zone euro est estimé à 5,5% en juin 2023, contre 6,1% en mai et 10,9% en septembre 2022.