Depuis quelques années, on constate qu’il y a un réel retour des notions vues en première année dans la construction des sujets de concours. On peut y voir une véritable volonté des concepteurs de montrer aux candidats que les deux années du programme sont importantes et qu’il serait dommageable de réaliser des impasses sur certains chapitres de première année. Par exemple, prenons le sujet ECRICOME 2024 : « La consommation : moteur principal de la croissance depuis le 19ème siècle ». Ce sujet demandait d’avoir une maîtrise importante de certains concepts vus en première année (des éléments de comptabilité nationale, d’histoire de la pensée économique et d’histoire de la croissance devant être mobilisés pour parvenir à une note excellente). Dans ce cadre, nous souhaitons ici réaliser un point particulier sur une notion de première année qui est cruciale et qui pourrait faire l’objet d’un sujet de concours : l’investissement. Alors qu’est-ce que l’investissement et pourquoi investit-on ?
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Qu’est-ce que l’investissement ?
L’investissement, qui est l’acquisition de capital fixe, est tout-à-fait décisif pour l’activité économique, puisqu’il agit à la fois à court-terme (demande) et à long-terme (offre). Cet investissement peut se définir comme une dépense visant l’acquisition d’un actif permettant une augmentation de la production à long-terme. Dans la tradition autrichienne (Böhm-Bawerk, Hayek), on retrouve généralement le terme de détour de production pour caractériser l’investissement puisque celui-ci représente une augmentation des moyens alloués à court-terme afin de diminuer la dépense à long-terme (on réalise donc un détour pour que la production nous coûte moins cher dans le futur).
L’investissement est mesuré par la formation brute de capital fixe au sein de la comptabilité nationale. On retrouve d’ailleurs le taux d’investissement dans les ratios principaux du tableau économique d’ensemble. On peut ainsi rappeler que le taux d’investissement (FBCF/PIB) est en France, en 2023, d’environ 23% selon l’INSEE.
La politique monétaire peut influencer l’investissement
Il dépend de différents facteurs. Avant toute chose, l’investissement nécessite un financement, qui peut s’opérer en interne (utilisation de l’épargne de l’agent, ce qui conduit à un coût d’opportunité, qui correspond au rendement qu’aurait rapporté le placement de cette épargne), ou en externe (de manière indirecte, via le recours au crédit bancaire, ou directe, via l’émission d’obligations ou la vente d’actions sur les marchés financiers, ce qui dans les deux cas conduit au paiement d’intérêts au créancier).
Le financement externe dépendra cependant de la situation d’endettement préalable de l’agent, qui pourra rencontrer des difficultés pour se financer s’il a déjà beaucoup d’engagements financiers (hausse de la prime de risque). On précise que l’investissement n’aura lieu que s’il est rentable, ce qui signifie que son rendement escompté (somme des profits futurs actualisés) dépasse son coût, le taux d’intérêt, qui en est ainsi le premier facteur. K. Wicksell précise dans Interest and prices (1898) que l’investissement est favorisé par un niveau du taux d’intérêt monétaire inférieur au niveau du taux d’intérêt naturel. Cela illustre le rôle de la politique monétaire sur l’investissement, que J-M. Keynes formalise par la suite.
La demande anticipée comme déterminant de l’investissement
L’investissement ne sera cependant décidé que si l’agent prêt à investir considère que le surcroît de production qu’il rendra possible pourra trouver preneur sur le marché. Un deuxième déterminant est ainsi constitué de la demande anticipée, ce que J-M. Keynes a mis en évidence, en parlant des « esprits animaux » : il renvoie avec cette formule à la psychologie des agents, dont on peut espérer qu’en situation d’incertitude radicale ils aient une préférence pour l’action plutôt que l’inaction. Si néanmoins la demande anticipée est trop faible, l’investissement n’aura pas lieu, renforçant alors la situation de sous-emploi de l’économie.
Enfin, Albert Aftalion met en relation l’investissement avec les variations de la demande : l’investissement permet de se doter du capital nécessaire pour produire ce qui est demandé sur le marché. Aussi, l’investissement dépend des variations de la demande entre deux périodes, qu’il amplifie d’autant plus, à la hausse comme à la baisse, que le coefficient de capital dans l’économie (v=K/Y) est important : It= v × (Dt – Dt-1). C’est ce que l’on appelle le principe d’accélérateur de la demande.
Un lien évident entre politiques économiques et croissance
On se rend alors compte ici du rôle important des politiques économiques pour la croissance économique. En effet, si l’on émet l’hypothèse plutôt très réaliste que l’investissement dispose d’un effet positif sur le taux de croissance du produit intérieur brut alors il est tout à fait possible de lier politiques économiques et croissance. Ici, nous venons de montrer que la politique monétaire (baisse du taux monétaire) et la politique budgétaire (relance de la demande et par extension de la demande anticipée) ont un rôle dans l’augmentation de l’investissement des entreprises. Évidemment, certaines théories viennent relativiser ce rôle positif notamment l’effet accordéon pour la politique monétaire (F. Hayek) et l’effet d’éviction pour la politique budgétaire.
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