Le 29 octobre 2018, lors du congrès national de la CDU, Angela Merkel annonçait qu’elle ne se représenterait pas à l’issue de son mandat en cours, qui prend fin cette année, après 16 ans de « règne » sur l’Allemagne. C’est donc une formidable bataille politique qui s’engage depuis lors pour la course à la Chancellerie, qui s’achèvera dans six mois avec les élections fédérales. Pour la CDU (Union Chrétienne Démocrate) et le SPD (Parti Social-Démocrate), les deux grands partis historiques de l’Allemagne, qui forment la coalition actuellement au pouvoir, l’enjeu est bien évidemment de conserver la mainmise sur la Chancellerie et le Bundestag. Mais plus encore pour la CDU, parti dont est issue Angela Merkel, le véritable défi semble être d’arriver à trouver un successeur à « la Patronne ». Pour l’Allemagne, certes, mais aussi pour une Europe qui voit l’absence d’Angela Merkel comme une situation quasi inconnue, d’autant plus dans une période de crise que l’Allemagne et la France, les deux grands moteurs de l’UE, n’ont pas du tout vécu de la même façon.
Succéder à Merkel, le capharnaüm interne pour la CDU
C’est en février 2020 que la CDU comprend que le chemin de la succession risque d’être sinueux. En effet, c’est à ce moment qu’Annegret Kamp-Karrenbauer (aussi connue sous le pseudonyme AKK), remet son mandat à la disposition de son parti, 14 mois après avoir été désignée comme la successeuse de Merkel. Au mois de janvier dernier, des élections se tiennent au congrès de la CDU pour nommer le nouveau Président de l’Union. Armin Laschet, 59 ans, président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et centriste merkelien, l’emporte sur le fil face à Friedrich Mertz (30 voix d’écart) et Norbert Roettgen. Cependant, la Chancellerie est loin d’être gagnée pour la CDU, d’autant que Laschet ne s’est toujours pas officiellement présenté comme candidat. En fait, Armin Laschet préside depuis janvier un parti divisé, en perte de vitesse, et totalement orphelin du futur départ d’Angela Merkel, qui a ouvert de nouvelles perspectives politiques qui mettent à mal l’Union Chrétienne Démocrate. D’une part, parce qu’Armin Laschet ne fait pas figure de favori dans la course à la Chancellerie : la CDU a effectivement besoin du soutien impératif de la CSU (Union Chrétienne Sociale de Bavière) pour pouvoir conserver les rennes du Bundestag. Or, le président de la CSU et du Land de Bavière, Markus Söder, plus conservateur et très populaire, pourrait bien être tenté de rallier autour de sa candidature qui veut bien le suivre du côté droit de l’échiquier politique. D’autre part, si Norbert Roettgen a accepté de soutenir une campagne d’Armin Laschet, il n’en est rien pour Friedrich Mertz, qui compte lui aussi rallier à sa cause l’électorat conservateur de la CDU, mis à l’écart de la coalition avec le SPD ou ayant rejoint l’AfD (Alternative für Deutschland).
Faire face à la perte de vitesse des partis traditionnels
Le 14 mars dernier se sont tenues des élections régionales dans deux Länder: le Bade Wurtemberg, et la Rhénanie Palatinat. A l’issue du scrutin, la CDU s’est retrouvée en difficulté dans les deux Länder en perdant 2.9% des suffrages en Bade Wurtemberg et plus de 4% en Rhénanie Palatinat. C’est un sérieux revers pour la CDU en particulier dans son fief historique de Bade-Wurtemberg, sur lequel elle a régné sans partage de 1953 à 2011 et l’arrivée des Grüne (les Verts, écologistes) au pouvoir. Ces derniers font une percée inédite dans les deux Länder ; s’ils renforcent leur contrôle sur le parlement de Bade Wurtemberg (32.6% des suffrages contre 24.1% pour la CDU), la première place leur a échappé en Rhénanie Palatinat, puisque le SPD conserve sa majorité relative au parlement régional avec 35.7% des suffrages, parlement dans lequel les Grüne se présentent comme le troisième groupe le plus important après la CDU et donc le SPD. Dans le Land de Bade-Wurtemberg, où les Verts sont au pouvoir depuis maintenant 10 ans, les élections ont renforcé leurs positions ; succès symbolique dans ce berceau de l’industrie automobile, troisième Land d’Allemagne en terme de PIB. Ces revers confirment que conserver la Chancellerie sera loin d’être une tâche aisée pour la CDU dont l’aura politique s’essouffle après 16 ans d’exercice du pouvoir.
En outre, même si le rebond électoral connu par le parti d’extrême droite AfD ces dernières années ne semble pas s’être confirmé lors de ces dernières élections (-5.4% en Bade-Wurtemberg et -4.3% en Rhénanie Palatinat), la CDU n’est pas pour autant à l’abris des manœuvres du parti d’extrême droite, qui continue de gagner du terrain dans les Länder de l’ex RDA, notamment dans les Länder de Brandebourg, de Thüringe, et de Saxe, où les élections régionales de septembre et octobre 2019 les avaient vu se hisser à la deuxième place du scrutin dans chaque Land.