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L’analyse du sujet 2 de géopolitique ECRICOME 2025
Construire l’Europe de la défense depuis les années 1950
Le dossier est composée de 3 documents :
- Un histogramme représentant la part du PIB dans les dépenses publiques dédiées à la défense dans l’UE en 2023
- Un tableau avec le Top 20 des entreprises mondiales de la défense en fonction de leurs revenus en 2022
- Un graphique montrant la part des pays européens dans les exportations françaises d’armement. Courbe représentant l’évolution de cette part depuis 2013
Pour rappel, l’épreuve de géopolitique à Ecricome est en 2 parties :
- Une réponse à 3 questions de 2 pages maximum, des questions dont les réponses peuvent s’appuyer sur les cartes
- Une dissertation sur le sujet principal
Analyse des documents
Document 1
On peut voir que tous les pays de l’UE dépensent moins de 4% de leur PIB dans la défense. Cependant, on peut faire une distinction en 2 groupes : ceux qui dépensent plus de 1,5% et ceux qui dépensent moins. En effet, des pays comme la Pologne dépense par exemple 3,9%, la France, 1,9%, les pays baltes 2,5%. Mais d’autres dépensent moins comme l’Allemagne avec 1,6%, l’Italie avec 1,5% ou encore l’Irlande avec 0,3%.
Cependant, ce document date de 2023 donc il y a eu une importante hausse des dépenses publiques pour la défense de la part des Etats européens. Il reflète donc l’état d’esprit de ces Etats face à au contexte géopolitique européen et mondial. Face à l’instabilité géopolitique et économique, plusieurs pays choisissent de se réarmer ou de relancer leur industrie de défense.
Toutefois, on peut voir que certains pays ne dépensent que très peu dans le domaine militaires car ils comptent historiquement sur les alliés pour la défense de leur territoire.
Document 2
C’est un tableau qui recense les vingt plus grosses entreprises du domaine de la défense en 2022. On peut voir que la majorité des entreprises sont soit américaines soit chinoises. Ce sont aujourd’hui les deux pays qui produisent le plus d’armes. Il y a aussi des entreprises européennes comme BAE Systems, Airbus, Thales et Leonardo et le russe Rostec.
Cela montre bien la suprématie des entreprises américaines à qui une grande partie des pays dans le monde achètent leurs équipements (ex de Boeing pour les aéronefs).
Par contre ce qui est intéressant aussi dans ce tableau c’est la colonne d’évolution des revenus de ces entreprises entre 2021 et 2022. On peut voir que Boeing a perdu 19% de revenus entre les deux années et qu’Airbus en a gagné 17%. On voit donc la préférence actuel pour les avions Airbus, notamment suite aux nombreux incidents sur les appareils Airbus et leur procès en cours devant le Sénat américain.
De plus, on peut aussi remarquer avec la dernière colonne le taux de dépendance que ces entreprises ont avec le marché des armes dans leurs activités. Les entreprises américaines sont très dépendantes de ce marché (à plus de 50%) alors que les entreprises chinoises ou Airbus par exemple comptent aussi beaucoup sur l’industrie civile pour développer leurs entreprises.
Cette dépendance montre que si leurs exportations d’armes ou les commandes étatiques diminuent, cela aura des effets importants sur la santé financières de ces entreprises.
Document 3
On peut voir à travers ce graphique la part des exportations européennes dans les exportations françaises d’armement dans le monde. On voit aussi l’évolution de cette part depuis 2013. La France exporte de plus en plus en Europe des produits militaires. Etant le deuxième exportateur mondiale d’armement, la France s’appuie sur son industrie de la défense et recherche des partenaires commerciaux en Europe mais on peut voir que les exportations sont très fluctuantes d’une année à l’autre.
Éléments de réponses aux questions
Comment expliquer des niveaux de dépenses publiques consacrées à la défense actuellement très inégaux entre les Etats de l’UE ?
- Economie et budget national très différent. Des pays comme la France ou l’Allemagne ont les moyens d’investir dans leur armée et dans le domaine de la défense car ils disposent déjà de nombreuses infrastructures et entreprises existantes. De plus, ce sont des pays qui ont un PIB élevé et qui peuvent donc investir des parts moins importantes de leur PIB mais qui représentent des montants très élevés (2% du PIB français, environ 60 milliards d’euros alors que 2,5% pour la Lituanie correspondent à 2 milliards €.
- Culture et perception de la menace distinctes d’un pays à l’autre. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les pays réagissent différemment en fonction de leur histoire mais aussi de leur proximité avec les conflits actuels. Ainsi, les pays baltes investissent une part beaucoup plus importante de leur PIB que l’Irlande ou l’Espagne
- Dépendance à l’OTAN. D’autres pays font le choix de faire reposer leur défense à l’OTAN et de ne pas investir dans leur armée ou dans leur industrie de défense. C’est ce que reproche Trump à certains pays européens (free-riders)
Quelle difficulté dans la construction d’une défense européenne le document 2 souligne-t-il ?
Déséquilibre industriel par rapport aux USA, les entreprises européennes ne sont pas très bien classées en comparaison. Chaque pays a son fleuron (Dassault, Thalès, Rheinmetall) mais pas d’entreprises européennes communes (à part Airbus). Cela rend difficile la mise en place d’une industrie de la défense européenne unifiée avec des entreprises européennes et une production répartie entre les pays qui permettrait la coopération et l’unification des équipements.
Comment expliquer la part fluctuante et limitée des pays européens dans les exportations françaises ?
- Préférences atlantistes. Beaucoup de pays européens préfèrent toujours commander leurs armements aux Américains, héritage de la guerre froide mais aussi continuité avec l’entrée de nombreux pays dans l’OTAN.
- Concurrence entre les pays européens pour la production d’armements car chaque pays a son champion nationale (Cf question 2). Pas de solidarité européenne dans l’industrie de la défense. Les Allemands achètent des F35 américains et pas les Rafales français.
- La France exporte en majorité historiquement en dehors de l’Europe : Moyen-Orient, Inde, etc. L’Europe est un nouveau marché pour elle notamment depuis que Trump est arrivé au pouvoir car celui-ci souhaite limiter l’implication américaine en Europe.
Exemple de plan de dissertation
Construire l’Europe de la défense depuis les années 1950
Quelques définitions
Europe : ici l’Europe renvoie à l’espace communautaire (de la CEE à l’UE) et ses institutions
La défense s’est à la fois le domaine militaire mais aussi la sécurité stratégique, la protection des frontières, la dimension géopolitique, la souveraineté des Etats
Construire : établir, définir, élaborer.
Construire une Europe de la défense : on s’interroge sur la capacité des Etats européens à établir une politique commune de défense, à l’unification de leurs ressources mais surtout parler d’une seule voix et se faire entendre en tant qu’un. Construire une Europe de la défense c’est donc relancer la souveraineté des pays européens et de l’UE mais cette thématique est porteuse de tensions entre les pays européens.
Depuis les années 1950 : genèse de la défense européenne mais aussi de la Communauté économique européenne. Début des institutions européennes notamment dans le domaine de la défense avec la CED
Problématique
Depuis les années 1950, la construction d’une Europe de la défense progresse par étapes mais n’aboutit toujours pas à une souveraineté ou autonomie stratégique à l’échelle européenne. Entre refus de déléguer leur souveraineté, dépendance à l’atlantisme mais aussi relances politiques, comment le projet d’une Europe de la défense se construit-il progressivement au fur et à mesure de nombreuses reconfigurations ?
OU
Quels sont les facteurs qui ont freiné ou permis cette construction et ont réinterrogé la possibilité d’une souveraineté militaire européenne ?
Dans un premier temps, l’Europe cherche à édifier quelque chose de structuré et cohérente pour la défense européenne mais c’est un échec face aux refus des Etats membres. A partir des années 1990, les Etats européens relancent le projet d’une Europe de la défense en coopérant et en coordonnant leurs actions mais de manière assez lente. Depuis quelques années, les Etats européens, notamment la France, souhaitent donner forme à cette volonté politique d’une Europe de la défense en réaction à l’instabilité du monde géopolitique et défendent le projet d’une souveraineté stratégique.
I – Une ambition ancienne mais freinée dès les origines par les souverainetés nationales et l’atlantisme (1950-1990)
A – La tentative fondatrice de la CED (1950-1954), un projet avorté
Plan Pleven – Refus de l’Assemblée Nationale française en 1954 – Peur de perdre la souveraineté nationale (c’est le cas de la France). Le domaine de la défense est alors exclue du processus communautaire
B – L’OTAN : alternative atlantiste et hégémonie de cette dépendance sécuritaire
Création de l’OTAN en 1949 – l’Europe délègue sa sécurité aux USA – Zaki Laïdi, Le monde selon l’OTAN
C – Des tentatives partielles : UEO ou des coopérations entre pays européens sans réel autonomie ni efficacité : UEO / Eurogroupe
Coopérations industrielles peu efficace sauf pour Airbus : naissance d’un fleuron européen qui donne espoir sur une industrie de la défense européenne
II – Depuis les années 1990, relance de l’Europe de la défense car nouveau positionnement géopolitique de l’Europe (contexte post-guerre froide). Une relance réelle du projet mais qui reste incomplète. (1990-2015)
A – PSDC, missions militaires communes, montée en puissance avec des interventions extérieures
Traité de Maastricht : PESC puis PSDC avec le Traité de Lisbonne. Cela donne un cadre institutionnelle à l’Europe de la défense ; Missions de l’UE avec des déploiements à l’étranger : Somalie, Mali, Lybie mais aussi dans les Balkans à la suite du génocide de Srebrenica.
Mais missions souvent en appui de l’ONU ou de l’OTAN
Nicole Gnesotto, Faut-il enterrer la défense européenne ?
B – Création d’outils qui lui donne de l’autonomie
Agence européenne de défense mais aussi depuis 2021 Fonds européen de défense pour relancer la R&D de l’industrie de l’armement européenne. + PESCO en 2022 avec 25 Etats
Mais fragmentation (Cf document 2) et donc faiblesse européenne face à la domination américaine
C – Mais des limites persistantes : Brexit, seule la France porte maintenant ce projet et dépendance des autres pays à la France pour l’arme nucléaire. Inégalité des budgets militaires, pas de convergence pour un projet de sécurité commune. Mais plus de coopérations entre les pays. Développement de projets et innovations militaires entre les pays : chars entre la France et Allemagne par exemple
Pierre Haroche, Europe de la défense : mythes et réalités
III – Vers une autonomie stratégie européenne ? Entre relance et dépendances persistances (2015 à aujourd’hui)
A – La guerre en Ukraine : réveil stratégique de l’Europe = être une puissance militaire
Livraisons d’armes à l’Ukraine avec la Facilité européenne pour la paix (FEP) – hausse des dépenses militaires – Création du plan ReArmEU en 2024 pour coordonner les achats d’armements européens et relancer l’industrie de la défense européenne
Michel Duclos, L’Europe face à la guerre
B – Mais des limites à cette autonomie stratégique : entre réveil européen et mouvements atlantistes
Cependant, beaucoup de pays européens se tournent toujours vers les USA pour se protéger : exemple de la Pologne (tensions avec la France à ce sujet). Pratiques toujours très atlantistes dans les achats pour une majorité de pays même si indépendance de la France.
Mais, pour Macron « mort cérébrale » de l’OTAN en 2019 et Trump remet en cause l’engagement des Américains car free-riders européens, ceux-ci ne paient pas assez.
Emmanuel Macron souhaite renforcer la capacité d’agir de l’UE mais frilosité de nombreux pays européens (les pays scandinaves viennent d’adhérés à l’OTAN)
C – Quel modèle pour la défense européenne ? Intégration ou coopération ?
Armée européenne ou Armée des Européens ?
- Armée européenne : structure supranationale, très utopique car implique abandon de la souveraineté nationale pour une institution européenne et un commandement centralisée des armées
- Armée des Européens, coopération intergouvernementale entre les armées nationales des pays européens avec des missions communes, des projets d’armements communs, début d’uniformisation des équipements et surtout un renforcement des achats intra-européens pour développer l’industrie de la défense européenne (écrit dans le plan de relance ReArmEU)
Quelques auteurs en plus :
Luuk van MIDDELAAR, Le réveil géopolitique de l’Europe, L’Europe et les Etats-Unis : la solitude
Zaki Laïdi, Le reflux de l’Europe, L’Europe compte-t-elle toujours ?
Nicole Gnesotto, L’Europe : changer ou périr
